
Paris, le mardi 27 décembre 2022 – Se faire vacciner contre la tuberculose en Ile-de-France relève du parcours du combattant, en raison d’une très forte baisse de la production du vaccin ces dernières années.
Alors que nous fêtons ce mardi les 200 ans de la naissance de l’inventeur du vaccin contre la rage, le pays de Pasteur n’est plus vraiment à la pointe sur les questions de vaccination. Outre le fait qu’il aura fallu attendre plus de deux ans pour qu’un laboratoire français, Sanofi en l’occurrence, produise un vaccin contre la Covid-19, ce déclin vaccinal est également illustré par les très grandes difficultés rencontrées par les parents souhaitant faire vacciner leurs enfants contre la tuberculose, en particulier en Ile-de-France. Il faut ainsi attendre parfois plusieurs mois avant de pouvoir faire immuniser son enfant contre la maladie.
Pour rappel, le vaccin BCG contre la tuberculose (du nom de ses deux inventeurs Albert Calmette et Camille Guérin) n’est plus obligatoire en France depuis 2007 du fait de la faible prévalence de la maladie en France (7,6 cas pour 100 000 habitants en 2020). Cependant, le Haut Conseil de la Santé Publique continue de recommander la vaccination des nourrissons en Ile-de-France, où la prévalence de la maladie est deux fois plus importante que la moyenne nationale (14,3 cas pour 100 000 habitants) et même plus de trois fois supérieur en Seine-Saint-Denis (26,5 cas pour 100 000 habitants).
Une pénurie mondiale de vaccins BCG
Cette plus forte circulation de la maladie en Ile-de-France s’explique par une densité de population plus importante mais également par le fait que cette région est « très ouverte sur le monde » indique la mairie de Paris, comprenez qu’elle accueille de nombreux immigrés originaires de régions du monde où la tuberculose circule fortement, l’Afrique subsaharienne et le sous-continent indien essentiellement.
Depuis quelques années, la production mondiale de vaccin BCG a fortement diminué. « Il y a des déficits importants de vaccins BCG dans le monde, les Etats ne sont plus forcément prêts à payer cher pour ces vaccins un peu vieillots, à notre connaissance, plus aucun grand producteur de vaccins (Sanofi, GSK, Merk…) n’investit dans le vaccin BCG » explique le Centre spécialités pharmaceutiques (CSP), unique distributeur du vaccin BCG en France.
La pénurie de vaccins BCG en France a véritablement démarré en 2016, lorsque le laboratoire Sanofi, qui jusque-là importait le vaccin depuis le Danemark et le distribuait en France, décide d’abandonner le marché. Depuis, le vaccin BCG n’est plus disponible en pharmacie et le seul moyen de se faire vacciner est d’obtenir un rendez-vous dans un centre de PMI (protection maternelle et infantile) ou un centre de lutte antituberculeuse. « On vaccine les enfants en fonction de critères prioritaires, s’ils vivent dans des foyers denses, si leur famille a beaucoup voyagé dans des pays à risque, par exemple dans le cas de parcours migratoires » indique la mairie de Paris.
Une mortalité en hausse depuis la pandémie de Covid-19
Autre difficulté, le vaccin est désormais contingenté en flacon de dix doses, qu’il faut écouler dans les quatre heures après l’ouverture. « Auparavant, les médecins utilisaient un flacon de dix doses pour faire une seule vaccination et jetaient le reste, mais désormais il faut optimiser le format multidose » avance CSP. « On ne peut pas prendre des patients au fil de l’eau, il faut plusieurs rendez-vous pour ne pas perdre les doses, les délais sont liés à ça » explique de son côté la mairie de Paris. Enfin, les délais d’attente sont aussi dus à la pénurie de médecins dans les quartiers populaires de région parisienne, ceux-là même qui comptent le plus d’habitants prioritaires pour la vaccination.
De manière générale, la pandémie de Covid-19 a grandement perturbé la lutte contre la tuberculose dans le monde. En octobre dernier, un rapport de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) indiquait qu’en 2021, le nombre de personnes atteintes de tuberculose avait augmenté pour la première fois en 20 ans, pour atteindre 10,6 millions de malades. 1,6 millions de personnes sont mortes de la tuberculose dans le monde en 2021, soit 14 % de plus qu’en 2019.
Quentin Haroche