De l’abus sexuel à la psychose

Il est classique de dire que les abus sexuels dans l’enfance peuvent entraîner des séquelles psychiatriques plus ou moins graves, y compris jusqu’à l’âge adulte. Mais les données épidémiologiques confirmant ce lien présumé demeurent parfois peu concluantes. Pour préciser le rapport entre ce type d’antécédents traumatiques et une évolution ultérieure vers une psychose, une équipe australienne a donc étudié une cohorte de 2 759 sujets (dont 79,8 % de femmes) abusés sexuellement dans l’enfance ou à l’adolescence (avant 16 ans) et a comparé le taux de psychoses survenant dans ce groupe avec celui observé dans une population témoin de structure similaire pour l’âge et le sexe.

Les auteurs constatent que les taux de psychoses en général (2,8 % versus 1,4 %) et de schizophrénie en particulier (1,9 % versus 0,7 %) sont plus élevés (environ le double) dans la cohorte étudiée que dans le groupe de contrôle. Et une analyse plus fine des données montre que cette majoration du risque est encore plus importante quand il s’agit de sujets victimes des agressions sexuelles les plus traumatisantes (viols avec pénétration, quelles qu’en soient les modalités précises), puisque les taux passent alors respectivement à 3,4 % (pour toutes les psychoses confondues) et à 2,4 % (pour la seule schizophrénie). En revanche, les abus sexuels sans pénétration ne sont pas corrélés à une augmentation significative du risque de psychose en général, ni de schizophrénie en particulier et leurs séquelles psychopathologiques sont ainsi moins lourdes.

Mais quels que soient les mécanismes déterminant cette association dans le cas des viols proprement dits, les auteurs estiment avoir identifié, en matière de psychoses, un nouveau type de population à risque : les sujets victimes d’un viol avant l’âge de 16 ans. Concrètement, ces sujets nécessitent à l’évidence, pour limiter les dégâts, « un soutien continu et un traitement. »

Dr Alain Cohen

Référence
Cutajar MC et coll. : Schizophrenia and other psychotic disorders in a cohort of sexually abused children. Arch Gen Psychiatry 2010 ; 67 (11) : 1114-1119.

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Vos réactions (2)

  • Inceste et psychose

    Le 19 février 2011

    Les relations entre inceste et psychose laissent dans l'ombre l'origine de ce passage à l'acte. Ce que l'école française de psychologie individuelle, fondée sur les concepts d'Alfred Adler, propose de préciser à l'aide d'hypotheses de travail élaborées à l'hopital psychiatrique. Un résumé de ces hypotheses est accessible sur internet sur le site :
    http://www.adler.net1.fr

    Dr Compan

  • C'est comme cela que la personne l'a vécu

    Le 19 février 2011

    En tant que médecin en formation spécialisée de psychiatrie, je m'intéresse évidemment au sujet et la question qui m'a été renvoyée par mes anciens est de ne pas tomber dans l'écueil des patients psychotiques délirants qui allègueraient ce genre de faits. On pourrait donc penser que les chiffres que l'on a sont exagérés par le biais que représente cette population du fait de la nature même de ses troubles. Personnellement je pars toujours du principe que si des éléments similaires sont amenés, ce n'est jamais par hasard et qu'il y ait eu viol avec pénétration ou pas, c'est comme cela que la personne l'a vécu... donc en effet, la prise en charge soutenue et un accompagnement au long cours demeure à mon avis plus que nécessaire.
    L'avis d'autres professionnels m'importerait beaucoup.

    Sanae Bono

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