
C’est sur fond de polémique que s’est ouverte cette année en France la campagne Octobre rose. La controverse portait essentiellement sur le rapport bénéfice/risque du dépistage systématique du cancer du sein et sur l’information délivrée aux patientes concernées. Ne croyons pas que cette polémique soit purement française. Elle est également vive dans de nombreux autres pays où ce dépistage est organisé.
Apporter une réponse définitive à la question de la pertinence du dépistage et éteindre la polémique, telle était l’ambition affichée du rapport remis récemment par un groupe d’experts indépendants au directeur de l’Institut du cancer britannique.
Deux objectifs principaux avaient été fixés : évaluer l’effet du dépistage du cancer du sein sur la mortalité et estimer le risque de surdiagnostic, défini comme la « détection d’un cancer qui ne se serait pas manifesté pendant la vie de la patiente en l’absence de dépistage systématique ».Les auteurs ont sélectionné pour cela 11 essais randomisés (New York HIP, Malmö I et II, SwedishTwo Country (Kopparberg et Östergötland), Canada I et II, Stockholm, Göteborg, UK Age Trial, Edimburgh).
Réduction de la mortalité de 20 %, mais 19 % de surdiagnostics
La méta-analyse de ces travaux conclut à une réduction de 20 % du risque relatif de décès par cancer du sein pour les femmes invitées à se faire dépister par rapport à celles ne participant pas au dépistage organisé (Risque relatif : 0,80 ; intervalle de confiance à 95 % 0,73 à 0,89). Cette réduction correspond à 1 décès par cancer du sein évité pour 235 femmes invitées à se faire dépister.
Cet avantage a toutefois un coût, celui du risque de surdiagnostic, que les auteurs évaluent à deux niveaux. A l’échelle de toute une population invitée à se faire dépister, 11 % des néoplasies diagnostiquées sur le long terme (9-12 %)seront des surdiagnostics . A l’échelle de l’individu, et sur la période prévue pour le dépistage, l’évaluation du risque de surdiagnostic répond à la question : « Si je suis invitée à entrer dans le programme de dépistage et si un diagnostic de cancer est posé pendant cette période, quelle est la probabilité qu’il s’agisse d’un surdiagnostic » ? Cette probabilité est alors de 19 % (15-23 %). Les cancers de l’intervalle, dépendant de la fréquence fixée pour les mammographies, sont pris en compte dans cette évaluation.
Exposer aux femmes toutes les données du problème
Rapportés à la population du Royaume-Uni, où les femmes sont invitées à se faire dépister tous les 3 ans entre 50 et 70 ans, ces résultats signifient que pour 10 000 femmes "invitées" pendant 20 ans, 43 décès par cancer du sein seront évités et 129 cancers, invasifs ou non invasifs seront des surdiagnostics. C’est à dire qu’un décès par cancer du sein sera évité pour environ 3 femmes qui seront diagnostiqués et traitées par excès. Notons que la mortalité envisagée est celle par cancer du sein uniquement et non la mortalité toutes causes confondues, les essais utilisés étant eux-mêmes conçus pour cet objectif.
Pour les auteurs de ce rapport et malgré certaines incertitudes, les avantages du dépistage systématique l’emportent sur les effets indésirables. Ils insistent toutefois sur la nécessité d’améliorer la communication vers les patientes. Les femmes concernées doivent avoir accès à toutes ces données de façon transparente (ce qui n'est pas toujours le cas) avant de faire un choix vraiment éclairé.
Dr Roseline Péluchon