
Des signaux initiaux alarmants
Pragmatisme cynique
Des condamnations sans appel
France, terre de justice
Trois questions de forme
Vers un progrès en matière indemnitaire ?
Aurélie Haroche
Aurélie Haroche
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Parlons, non pas du DBCP, mais d’un produit assez analogue quoique de toxicité moindre : le chlordécone. En particulier de son utilisation aux Antilles françaises et de l'accusation, très récurrente ces dix dernières années, et que ce produit provoque un surplus de cancers prostatiques chez l'homme.
Or les causes du cancer de la prostate humain sont multiples et complexes. Entre les facteurs génétiques (mauvaises photocopies de l’ADN en ARN avec perte des moyens de destruction des erreurs), les facteurs hormonaux (stéroïdes en moindre quantité lors de l’andropause, zone de risque de ce cancer), et les facteurs nutritionnels (jusqu’ici non démontrés).
Et les facteurs environnementaux, nous y voilà. Notez la complexité. Or les études épidémiologiques analysent une seule cause, pas les autres.
Sur la base d’observations expérimentales (sur des rats de laboratoires génétiquement modifiés pour ne pas résister au cancer), il a été émis l’hypothèse que des xénobiotiques possédants des propriétés hormonales pourraient contribuer à la survenue de la maladie.
Luc Multigner Inserm U1085, IRSET, Pointe à Pitre, France, épidémiologiste et toute son équipe, affirment que :
"L’étiologie du cancer de la prostate résulte des interactions complexes entre les facteurs génétiques, hormonaux, nutritionnels et environnementaux. Parmi ces derniers et sur la base d’observations expérimentales, il a été émis l’hypothèse que des xénobiotiques possédants des propriétés hormonales pourraient contribuer à la survenue de la maladie.
Les Antilles françaises se caractérisent par une incidence élevée du cancer de la prostate, expliquée, en grande partie, par l’ascendance africaine de la population, ainsi que par une pollution environnementale au chlordécone, entraînant une contamination de la population générale.
Le chlordécone est un insecticide persistent, cancérogène chez l’animal, et qui présente des propriétés hormonales oestrogéniques. C’est dans ce contexte que l’hypothèse d’un impact de l’exposition au chlordécone dans la survenue du cancer de la prostate a été testée.
Un total de 709 cas incidents de la maladie a été comparé à 720 hommes témoins issus de la population générale. L’exposition au chlordécone a été estimée par sa concentration plasmatique.
Les résultats montrent que l’exposition au chlordécone est associée significativement, de manière dose-dépendante, à un risque accru de survenue de la maladie.
Ce risque apparaît modulé (voilà les autres facteurs dont trois sont cités ici) par la présence d’antécédents familiaux au premier degré de cancer de la prostate, par une résidence temporaire en France métropolitaine (loin du chlordécone) et surtout par la présence de polymorphismes du gène codant la chlordécone réductase, une enzyme intervenant dans le métabolisme du chlordécone.
Ces travaux sont les premiers à suggérer un lien causal entre l’exposition à un œstrogène environnemental et le cancer de la prostate. Ils seront complétés par l’étude d’autres polluants persistants ayant des propriétés hormonales."
Mes commentaires. Quelques questions pourtant capitales subsistent encore qui restent à élucider.
1-Si la chlordécone peut être mise en cause dans ce surplus statistique de cancers prostatiques, dont les causes sont d'ailleurs multiples, comment se fait-il que les cancers prostatiques humains, très rares avant 45 ans, ne se manifestent pas chez les jeunes hommes tout aussi exposés à ce toxique que les adultes ?
2-Qu'en est-il des animaux âgés ayant une prostate assez semblable à celle de l'homme (les chiens surtout par exemple) et ayant des fonctionnements hormonaux tout à fait semblables à ceux de l'espèce humaine impliquant la testostérone en milieu extracellulaire, la DHT et l'œstradiol en milieu intracellulaire ?
3-On ne sait pas encore si ces mammifères, pourtant exposés à ce cancérogène reconnu, présentent, eux aussi, un surcroît de cancers prostatiques? Certes il semble bien établi que les animaux (mais curieusement pas les hommes pour leurs autres cancers) vivant aux Antilles subissent un effet cancérogène général du chlordécone. Mais sur la prostate des animaux, y a-t-il eu de nombreuses autopsies significatives de chiens, de chats, de rats, aux Antilles ? Pas à ma connaissance !
4-Les urologues connaissent tous les travaux expérimentaux chez le chien, en 1939, puis les essais cliniques, en 1941, de Charles HUGGINS médecin chercheur en cancérologie à l’Université de Chicago, spécialisé dans le cancer de la prostate. Il a reçu le prix Nobel de physiologie ou de médecine en 1966 pour avoir découvert que le Stilboestrol pouvait être utilisé pour contrôler la propagation de tous les cancers prostatiques. Ce fut la première découverte qui a montré que le cancer pouvait être contrôlé par des produits chimiques. Ces travaux sont à l'origine des traitements suivis par tous les urologues de 1940 à 2000 dans ce cancer prostatique dans son stade métastatique: deux paradigmes respectés fort longtemps. La castration de 1940 à 1985, les œstrogènes artificiels de 1940 à 2000.
Comment peut-on accuser les œstrogènes utilisés si longtemps avec succès, y compris chez de hautes personnalités de 1981 à 1995 ?
Dr Jean Doremieux, urologue