
Les dissections de l’aorte thoracique de type A (ATAAD) et de type B (TBAD), affectant respectivement l’aorte thoracique ascendante et descendante, sont associées à une morbidité et à une mortalité élevée. Les patients concernés sont souvent hospitalisés en urgence dans un état critique. La prise en charge initiale est alors fondamentale, tant pour la survie du malade que pour son devenir à plus long terme.
Des recommandations ont été récemment émises à propos du traitement en urgence et de la stabilisation des ATAAD et des TBAD. Elles ont été établies par 15 chirurgiens, membres de l’ American Association for Thoracique Surgery, à partir d’abstracts et de publications complètes, mentionnées dans MEDLINE et Embase depuis 2000.
Le groupe d’experts préconise, en premier lieu, l’administration de bétabloquants et d’antalgiques pour, en présence d’une ATAAD sans fuite aortique sévère, stabiliser initialement le patient. Cette suggestion est tirée de l’analyse d’une série de 1 301 dissections aortiques (722 de type A et 579 de type B), suivies sur une médiane de 26 mois, dans le cadre de l’Acute Dissection Global Registry. Il a été en effet montré que le recours à un bétabloquant était associé à un gain en termes de survie chez les patients ayant bénéficié d’une réparation de leur ATAAD (taux absolu non communiqué ; Odds ratio à 0,47 ; intervalle de confiance à 95 % IC95 : 0,25- 0,90 ; p = 0,021). En cas de régurgitation aortique sévère, le traitement vasodilatateur entrepris pour réduire la pression artérielle avant la mise sous bétabloquants peut entraîner une tachycardie réflexe susceptible d’aggraver la dissection.
Chirurgie en urgence pour les dissections de l’aorte thoracique ascendante
En présence d’une ATAAD, un geste chirurgical d’urgence est recommandé. Une série de 2 952 patients présentant une dissection de ce type démontre que la mortalité intra hospitalière est fortement réduite en cas d’intervention, de l’ordre de 19,7 % face à 57,1 % chez les patients traités médicalement (p < 0,001). Un autre travail, ayant inclus 5 611 malades, a, pour sa part, fait état d’une mortalité à la 48e heure de 4,4 % en cas de chirurgie en urgence, vs 23,7 % avec un traitement médical. Quand l’intervention chirurgicale s’avère irréalisable in situ, les patients avec ATAAD compliquée, doivent être transférés vers en centre de référence. Sur une série de 16 886 bénéficiaires de Medicare ayant présenté un ATAAD entre 1999 et 2011, la réalisation d’une intervention chirurgicale dans un centre médical important a été associée à une réduction absolue du risque de mortalité hospitalière, de 7,2 % (IC95 : 4,1- 10,3%) soit de 30,1 à 22,9 %, et ce malgré les délais résultant du transfert intra-hospitalier.
Dans une TBAD, la prise en charge doit se faire pas à pas, avec recherche d’hypoperfusion d’organes nobles et d’autres complications éventuelles. L’hypoperfusion entraîne une ischémie. Elle peut affecter divers organes, dont les reins, la moelle ainsi que les extrémités. Une déchirure aortique située initialement au niveau de la concavité de la grande courbure aortique distale est de mauvais pronostic. Le risque est alors majeur de mauvaise perfusion et/ou de dilatation anévrysmale secondaire avec augmentation du diamètre de l’aorte thoracique descendante.
Réparation de l’aorte thoracique par voie endo vasculaire pour les dissections de type B
C’est là l’indication privilégiée, si l’anatomie est favorable d’une réparation de l’aorte thoracique par voie endo vasculaire (TEVAA), en cas de complication suraiguë, dans les premières 24 heures ou aiguë avec une symptomatologie apparaissant entre le 1er et le 14e jour, voire plus tardive, entre le 15e et le 90e jour. Des travaux récents font état d’une mortalité intra-hospitalière, au 30e jour, plus faible après TEVAA, de l’ordre de 9,1 vs 14,7 %, soit un OR à 0,54 (IC95 : 0,43- 0,68), très significative (p< 0,001), en comparaison avec une chirurgie thoracique classique, cette différence se maintenant 5 ans plus tard : OR à 0,46 (IC95 : 0,24- 0,86 ; p = 0,02). En l’absence d’hypoperfusion, l’essentiel du traitement d’ une TBAD non compliquée consiste à réduire la pression artérielle, la fréquence cardiaque et la contractilité myocardique, à l’ aide d’ alpha et de bétabloquants pour s’opposer à l’extension de la dissection. Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine, les bloqueurs de son récepteur et les calcibloquants de type dihydropyridine peuvent aussi être employés. Dans ces situations de TBAD, un essai clinique randomisé ayant inclus 140 patients a montré qu’il n’existait aucune différence dans la mortalité globale entre traitement médical optimal et ce dernier couplé à une TEVAA. Toutefois, les modalités pratiques et les séquences d’administration des médicaments restent à préciser. Quant au TEVAA, il peut, en lui-même, être à l’origine de complications, telles qu’ un accident vasculaire cérébral ou une insuffisance rénale aiguë.
Ainsi, la stratégie thérapeutique en cas de dissection aortique doit être très soigneusement adaptée à chaque patient, en considérant également l’existence possible de comorbidités et de complications éventuelles. La mise en place de nouvelles stratégies opérationnelles afin, en particulier, de préciser le moment idéal de réalisation d’une TEVAA lors de la phase aigüe d’une TBAD est à envisager.
Dr Pierre Margent