Des recommandations pour le traitement de l’infection tuberculeuse latente

Environ 13 millions de sujets aux USA sont porteurs d’une infection tuberculeuse latente (ITL). S’ils sont infectés par Mycobacterium tuberculosis, il ne présentent aucune symptomatologie ni risque de transmission de la maladie. Toutefois, en l’absence de traitement, 5 à 10 % d’entre eux développeront au cours de leur vie une tuberculose active. En 2016, l’US Preventive Services Task Force avait préconisé d’effectuer un dépistage chez tous les adultes à risque d’ITL, soit par test tuberculinique cutané, soit par quantiferon. Ces recommandations s’appliquaient à tous les individus provenant d’une région à forte endémie tuberculeuse, immunodéprimés ou sous immunosuppresseurs (antagonistes du tumor necrosis factor, corticothérapie prolongée supérieure à 15 mg de prednisone/jour, après transplantation d’organe). Le Morbidity and Mortality Weekly Report distingue deux types de schémas thérapeutiques de l’ITL : les schémas préférentiels d’excellente efficacité, bonne tolérance, courte durée et avec un taux d’achèvement élevé ; et les schémas alternatifs, également efficaces mais de durée plus longue et avec parfois des taux de réussite moindres.

Rifampicine, seule ou en association

Le traitement de l’ITL repose préférentiellement sur la rifampicine pendant 4 mois du fait de son efficacité, sa tolérance satisfaisante et son adhésion plus importante qu’avec l’isoniazide. Comparativement à 9 mois d’isoniazide, le taux de succès est plus élevé après 4 mois de rifampicine quotidienne (78,8 % vs 63,2 % ; p< 0,001) et les effets secondaires sont moins fréquents (1,5 % vs 2,6 % ; p = 0,003), notamment l’hépatotoxicité (0,3 % vs 1,5 % ; p < 0,001). Il convient toutefois de se rappeler des multiples interactions médicamenteuses de la rifampicine (warfarine, antifungiques azolés, contraception hormonale, médicaments anti-VIH, etc).

Un autre schéma thérapeutique à privilégier est l’administration hebdomadaire pendant 3 mois d’une combinaison isoniazide-rifampicine. En comparaison avec 9 mois d’isoniazide, cette association fait preuve à 3 mois d’un taux de succès de 82 % vs 69 % (p < 0,001), d’effets indésirables graves moins nombreux (1,6 % vs 2,9 % ; p < 0,001), avec là encore une moindre hépatotoxicité (0,4 % vs 2,7 % ; p< 0,001) au terme d’études bien suivies dans lesquelles l’adhésion thérapeutique était contrôlée. On constate toutefois avec cette association un risque supérieur d’arrêt du traitement (4,9 % vs 3,7 % pour une prise quotidienne pendant 9 mois d’isoniazide). On déplore également plus d’effets secondaires à type d’hypersensibilité, mais cette iatrogénie est en règle moins grave que celle rapportée sous isoniazide.

Les traitements alternatifs

En cas d’interactions médicamenteuses avec la rifampicine ou d’effets secondaires, l’isoniazide constitue un traitement alternatif. Un traitement de 9 mois est préférable chez les patients VIH+, la durée peut être de 6 mois pour les sujets VIH-. En effet, l’International Union Against Tuberculosis Trial a quantifié la réduction du risque de tuberculose à 5 ans en fonction de la durée de traitement : réduction de 21 % pour une durée de 3 mois, 65 % pour une durée de 6 mois et 75 % pour un traitement de 1 an. Il est alors nécessaire d’administrer en parallèle de la pyridoxine sur la base de 25 à 50 mg/j chez les patients à risque de neuropathie.

Adapter le traitement

Dans tous les cas, le praticien doit prendre en compte les caractéristiques et les préférences des patients avant de prescrire un traitement de l’ITL. Il faut aussi intégrer dans la décision le coût des traitements tout comme le risque d’interaction médicamenteuse avec la rifampicine. Chez les femmes enceintes à bas risque de progression vers une tuberculose active, le traitement de l’ITL devra être différé jusqu’à 2 à 3 mois après la naissance.

En juin 2022, la FDA (Food and Drug Administration) a signalé la détection de nitrosamines potentiellement cancérigènes dans les préparations de rifampicine et de rifadine. Les CDC (Centers for Disease Control) recommandent d’informer les patients même si le risque lié aux impuretés par nitrosamines semble négligeable au regard des bénéfices attendus des traitements. Par ailleurs tout traitement d’une ITL nécessite une évaluation mensuelle de l’adhésion, des effets secondaires (rash, hypersensibilité, trouble gastrointestinal) et des signes d’évolutivité tuberculeuse. La fonction hépatique sera régulièrement surveillée chez les malades à haut risque (alcooliques, toxicomanes IV, VIH+, etc).

En conclusion, les recommandations cliniques en cas d’ITL privilégient des traitements courts à base de rifampicine, plus que des traitements prolongés avec de l’isoniazide. Une décision thérapeutique partagée, est dans tous les cas la clé de l’efficacité thérapeutique.

Dr Pierre Margent

Référence
Kim S, Thal R, Szkwarko D. Management of Latent Tuberculosis Infection. JAMA. 2023 Feb 7;329(5):421-422. doi: 10.1001/jama.2022.24362. PMID: 36656598.

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