
Rome, le vendredi 10 février 2023 – Un amendement, déposé ce mercredi au Sénat italien, vise à faire travailler les médecins du Bel Paese jusqu’à 72 ans. Des représentants de médecins et de personnels hospitaliers ont dénoncé un projet « inefficace et injuste ».
Les Italiens seront-ils bientôt soignés par des septuagénaires ? C’est en tout cas ce qu’ont proposé en substance deux sénateurs italiens, Antonio de Poli, président de la coalition Civici-d’Italie-Noi Moderati-Maie et le chef de file de la Lega au Sénat, Massimiliano Romeo. Ils ont déposé un amendement en ce sens au sein du projet de loi « Milleproroghe », actuellement à l’étude par la Chambre haute italienne.
Faire travailler les médecins jusqu’à 72 ans
L’amendement propose de maintenir les médecins en service jusqu’à 72 ans, mais uniquement pour la période allant de 2023 à 2026. C’est plus précisément la limite d’âge de la mise en retraite d’office qui serait portée, sur la base du volontariat, à 72 ans pour la période allant du 1er janvier 2023 au 31 décembre 2026. L’âge légal de départ à la retraite en Italie est de 67 ans, mais, selon les spécialités, certains médecins peuvent ne partir qu'entre 67 et 70 ans.
Cette mesure concernerait tout le personnel médical public, salarié comme contractuel. Elle serait également étendue au personnel médical privé affilié au Servizio sanitario nazionale, le service de santé italien. Les deux sénateurs justifient leur amendement en arguant qu’il permettrait de pallier les pénuries importantes de personnels hospitaliers.
Une mesure « peu clairvoyante, inefficace et injuste » selon les syndicats
La Fédération nationale des ordres des chirurgiens et des dentistes (Fnmoceo) a dénoncé dans un communiqué une proposition « inefficace ». Son président, Filippo Anelli, a déclaré : « Mettre les médecins à la retraite à 72 [serait] une mesure inefficace si l’intention est de combler le manque de personnel ». La solution serait plutôt à chercher du côté de l’attractivité du système, selon lui.
Il indique toutefois que cette proposition pourrait représenter un « moindre mal » sur la durée 2023 – 2026, mais à plusieurs conditions précises, notamment une véritable volonté des pouvoirs publics d’améliorer les conditions de travail des médecins pendant ce laps de temps. « La mesure pourrait donc avoir un sens si l’objectif est plutôt de donner une bouffée d’air frais au système en attendant que les nouveaux spécialistes et généralistes formés grâce à l’augmentation des subventions arrivent dans trois ou quatre ans », a-t-il ajouté. Mais Filippo Anelli a précisé que, pour lui, faire travailler des praticiens au-delà de 70 ans « ne peut devenir la norme ».
Même son de cloche du côté de l’intersyndicale qui chapeaute les professions médicales, sanitaires et vétérinaires. Celle-ci a dénoncé une « proposition indécente » et un « cadeau aux lobbies universitaires, sous prétexte de la grave pénurie de médecins » que traverse actuellement l’Italie. Elle appelle le Parlement à rejeter cette proposition.
L’Italie a le personnel médical le plus âgé de l’OCDE
Selon un rapport publié par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) en 2021, l’Italie était déjà, en 2019, le pays de l’OCDE avec la plus forte proportion de médecins de plus de 55 ans. À titre comparatif, 44,3 % des praticiens français ont plus de 55 ans, contre 56,1 % en Italie.
En France, les médecins libéraux partent en moyenne en retraite à 66,3 ans et le personnel hospitalier à 65,8 ans.
Raphaël Lichten