
Un avis d’experts de Santé publique France et de l’Institut national contre le cancer (Inca) proposait, dans un rapport rendu public le 4 mai dernier, que les recommandations fixent à 10 « verres standard » par semaine le seuil maximum de consommation d’alcool. De fait le seuil précis à partir duquel les risques sont limités n’est pas parfaitement établi et cette quantité est proposée comme une « valeur repère ». Les données d’une récente étude pourraient encore remettre en question cette recommandation.
De nombreux travaux ont associé la consommation modérée d’alcool à une réduction du risque cardiovasculaire. D’autres ont suggéré que le même type de lien pouvait se retrouver avec les fonctions cérébrales : une consommation modérée d’alcool pourrait être associée à un risque réduit de démence. Mais, si l’on sait que les gros buveurs sont à risque de syndrome de Korsakoff, de démence et d’atrophie cérébrale, peu de travaux ont fourni des preuves indéniables d’un effet protecteur des faibles consommations sur le cerveau.
Dans ce contexte, une étude observationnelle réalisée sur plus de 500 sujets devrait modérer quelques ardeurs. Tous les 5 ans pendant 30 ans, les patients ont été interrogés sur leur consommation hebdomadaire d’alcool, et leurs fonctions cognitives étaient évaluées. Ces données ont ensuite été confrontées aux résultats d’IRM cérébrales disponibles pour ces patients.
Risque d’atrophie de l’hippocampe triplé pour les buveurs modérés par rapport aux non buveurs
Sans trop de surprise, les consommations les plus élevées sont associées à une augmentation du risque d’atrophie de l’hippocampe, selon une relation dose-dépendante. Les gros consommateurs (> 30 unités/semaine) ont un risque près de 6 fois plus élevé d’atrophie de l’hippocampe que les non buveurs (Odds ratio [OR] 5,8 ; intervalle de confiance à 95 % [IC] : 1,8 à 18,6). Ils présentent aussi un risque augmenté d’anomalies de la microstructure du corps calleux. Mais le résultat suivant était moins attendu. Il apparaît en effet que les buveurs modérés (14-21 unités/semaine) ont eux aussi un risque d’atrophie de l’hippocampe, triplé par rapport à celui des non buveurs (OR 3,3 ; IC 1,4 à 8,1). Quant aux buveurs légers, s’ils n’ont pas de risque augmenté d’atrophie de l’hippocampe par rapport aux non-buveurs, leur consommation ne les protège pas du risque d’anomalies cérébrales, contrairement à ce qui est suggéré pour le risque cardiovasculaire.
Des conséquences cognitives
Concernant les performances cognitives, une forte consommation est associée à un déclin plus rapide dans les tests évaluant la fluence lexicale, mais ni les tests de fluence verbale, ni ceux de rappel de mots ne sont altérés. Une consommation entre 7 et 21 unités/semaine a aussi un impact non négligeable sur les scores lexicaux, avec, en 30 ans, une réduction des scores supérieure de 14 % à celle des non-buveurs pour les consommateurs de 7 à 14 unités/semaine, de 17 % pour 14 à 21 unités et 16 % pour les plus de 21 unités.
Les auteurs précisent que dans cette cohorte, la consommation d’alcool est remarquablement stable pendant les 30 ans du suivi, ce qui suggère qu’une prévention efficace soit entreprise très tôt, avant que les habitudes ne soient solidement ancrées.
Dr Roseline Péluchon