Ch. LE BRETON,
Service de radiologie, Hôpital Raymond Poincaré, Garches
Les images kystiques du genou observées en IRM peuvent correspondre soit à des bursites développées dans des bourses de glissement très nombreuses au voisinage du genou, soit à des kystes mucoïdes néoformés dans le tissu conjonctif intra- ou péri-articulaire. C’est la topographie de ces kystes et leurs rapports avec les éléments anatomiques voisins qui permettent d’en faire le diagnostic.
La découverte d’une image kystique intra- ou périarticulaire est
une éventualité fréquente lors de la réalisation d’une IRM du
genou.
Le contenu liquidien de ces kystes a un signal IRM caractéristique
(tableau 1) : hypo-intense en T1 (inférieur au signal musculaire)
et hyperintense en T2 (T2tse, T2 écho de gradient, T2 fat sat, DP
fat sat, STIR).
L’injection de produit de contraste n’est pas systématique mais elle est effectuée en cas de doute diagnostique ; typiquement, la paroi du kyste ne se rehausse pas sauf si elle est épaisse (figure 1). Le contenu du kyste ne prend jamais le contraste.
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Figure 1. |
Le contenu du kyste ne prend jamais le
contraste.
Bien qu’ils aient le même aspect en imagerie, les kystes ont une
structure histologique différente : on distingue ainsi les kystes
synoviaux et les kystes mucoïdes ou « ganglia » des
Anglo-Saxons.
• Les kystes synoviaux ont une paroi fine ou
épaisse. Leur surface peut être lisse ou recouverte de quelques
villosités. Leur contenu est visqueux, mucoïde, fibrineux ou
hémorragique. Histologiquement, la paroi est recouverte de cellules
synoviales. Ils se développent généralement aux dépens d’une bourse
préexistante. Ces bourses « de glissement » sont très nombreuses au
niveau du genou.
• Les kystes mucoïdes ont une paroi fibreuse sans cellules
synoviales, leur contenu est visqueux ; la cavité est divisée par
de nombreux septa. Ils se développent dans le tissu conjonctif de
la capsule articulaire, dans les tendons, les ménisques, les
ligaments et les aponévroses.
Le contenu du kyste ne prend jamais le contraste.
Étiologie
Une pathologie inflammatoire, infectieuse, mécanique, voire tumorale peut être à l’origine d’une bursite ou d’un épanchement dans un kyste synovial. En revanche, l’étiologie des kystes mucoïdes est inconnue.
Diagnostic
Il repose essentiellement sur la topographie du kyste et sur l’analyse de ses rapports avec les structures anatomiques voisines telles qu’un tendon, un ligament, un ménisque ou une surface osseuse, dans un des 4 secteurs du genou : antérieur, postérieur, latéral et médial.
Secteur antérieur
Bursite prépatellaire (hygroma) (figure 1)
Elle est située dans les parties molles prépatellaires et en avant du tendon rotulien. Favorisée par les positions en appui sur le genou, elle peut se calcifier. Une surinfection est possible en cas d’effraction post-traumatique.
Bursite infrapatellaire superficielle et profonde
C’est une inflammation de la bourse située soit en avant, soit en arrière de l’insertion du tendon rotulien sur la tubérosité tibiale antérieure ; ces bursites sont d’observation plus rare que la précédente. La bursite infrapatellaire (figure 2) serait fréquemment associée au syndrome d’Osgood Schlatter.
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Figure 2. |
Ces bursites sont à distinguer de la petite distension liquidienne visible dans la bourse infrapatellaire profonde (2-3 mm) fréquemment observée en IRM chez des sujets asymptomatiques, sans caractère pathologique.
Kyste mucoïde de la graisse de Hoffa
Souvent multiloculé et situé en avant de la corne
antérieure du ménisque latéral, il doit être distingué d’un simple
épanchement dans le récessus infrapatellaire communiquant avec la
cavité articulaire ou d’une expansion d’un kyste méniscal.
Ces kystes ont une forme ovalaire, souvent uniloculaire, et sont
adossés à la surface antérieure du LCA (figure 3).
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Figure 3. |
Ils peuvent avoir des prolongements plus en avant
dans la graisse de Hoffa. Ils seraient associés dans 1/3 des cas à
une dégénérescence mucoïde du ligament croisé.
Ces kystes doivent être distingués d’une expansion d’un kyste
méniscal vers l’échancrure. C’est la présence d’une lésion
méniscale communicante avec le kyste qui permettra de faire cette
distinction.
Des images lacunaires osseuses voisines de l’insertion du kyste
sont parfois observées dans l’échancrure intercondylienne.
Secteur postérieur
Kyste poplité (figure 4)
Il est constitué par la distension de la bourse commune aux tendons du semi-membraneux et du gastrocnémien médial.
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Figure 4. |
Cette bourse communique fréquemment avec
l’articulation ; son remplissage peut être retrouvé de façon non
pathologique sur les clichés d’arthrographie lors de la flexion du
genou. La formation du kyste serait liée à la présence d’une
hyperpression intra-articulaire avec épanchement favorisant le
passage de liquide vers la bourse. La circulation de liquide entre
les 2 cavités ne se ferait que dans un sens, du fait d’un phénomène
de clapet, d’où l’accumulation anormale du liquide dans la bourse
et sa distension. L’incidence du kyste poplité varie de 5 à 19 %
selon les séries.
Une lésion intra-articulaire associée au kyste poplité est
retrouvée dans 87 à 98 % des cas de séries d’IRM de genou. Le plus
souvent il s’agit d’une rupture de la corne postérieure du ménisque
médial mais cela peut aussi être une lésion du ménisque latéral ou
des 2 ménisques, une pathologie des ligaments croisés, une
arthropathie inflammatoire (polyarthrite rhumatoïde), septique ou
dégénérative.
Ces différentes pathologies sont bien mises en évidence par
l’IRM.
Parfois l’imagerie révèle une complication au niveau du kyste comme
une rupture, des corps étrangers intrakystiques, voire un processus
tumoral comme une synovite villonodulaire. Lorsqu’il est volumineux
et qu’il se développe à la superficie du gastro - cnémien, le kyste
devient palpable.
Il peut aussi avoir un développement inféromédial.
Une lésion
intraarticulaire associée au kyste poplité est retrouvée
dans 87 à 98 % des cas de séries d’IRM de genou.
Kyste du ligament croisé postérieur (LCP)
Beaucoup plus rares que les kystes poplités, les kystes des ligaments croisés ont une fréquence de 0,2 à 1,2 %. Ils se développent au contact de la face dorsale du LCP. D’aspect multiloculaire, ils peuvent se développer vers l’avant dans le triangle séparant le LCA du LCP sur les coupes sagittales. La présence d’une formation liquidienne cloisonnée en arrière du LCP correspond forcément à une formation kystique car il n’y a pas de cavité synoviale à ce niveau. L’IRM permet d’affirmer le caractère isolé de la formation kystique et de la distinguer de certains kystes méniscaux se développant vers l’échancrure intercondylienne, dont le traitement est totalement différent.
Kystes mucoïdes de l’artère poplitée
Rares, ils se développent dans la paroi artérielle et entraînent une symptomatologie de claudication intermittente du mollet. L’IRM montre le contact du kyste avec l’artère.
Kystes mucoïdes extra-articulaires
Situés au contact et au-dessus de l’insertion condylienne des gastrocnémiens. Différents des kystes poplités par leur topographie et par l’absence de communication avec l’articulation, leur caractère pathogène reste à démontrer.
Secteur médial
Bursite de la patte d’oie (figure 5)
La bourse de la patte d’oie ou bourse ansérine, est située entre la face médiale du tibia, le ligament collatéral médial (LCM) et les tendons de la patte d’oie (sartorius, gracile et semi-tendineux).
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Figure 5. |
Cette bursite se
rencontre chez les sportifs (course) et chez les sujets d’âge moyen
porteurs d’une gonarthrose ou d’une arthrite de la polyarthrite
rhumatoïde. Sa fréquence est estimée à 2,5 % dans une série de 509
IRM de genoux symptomatiques.
La douleur centrée sur le compartiment interne peut faire évoquer
une lésion méniscale.
Elle peut se développer vers le haut et en arrière et être
confondue avec un kyste poplité.
La bourse de la patte
d’oie se rencontre chez les sportifs
et chez les sujets d’âge moyen porteurs d’une gonarthrose
ou d’une arthrite de la polyarthrite rhumatoïde.
Bursite du LCM (figure 6)
Épanchement dans la bourse située entre le plan superficiel et profond du LCM, elle réalise une image allongée verticalement.
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Figure 6. |
Elle peut accompagner une entorse du LCM, une lésion méniscale interne, une gonarthrose ou être isolée. Elle peut être difficile à différencier d’un kyste méniscal interne, surtout s’il existe une fissure méniscale.
Kystes méniscaux
Il s’agit le plus
souvent de kystes paraméniscaux situés à la jonction
capsulo-méniscale de l’articulation, le long du bord externe du
ménisque. En IRM, ce sont des formations au signal liquidien
caractéristique. Ces kystes paraméniscaux peuvent être de très
grande taille et contenir des septa. Ils se constituent du fait de
l’accumulation de liquide synovial provenant de la cavité
articulaire à travers une fissure méniscale, le plus souvent
horizontale.
En effet, dans 91-98 % des cas, l’IRM montre une communication
entre le kyste et la fissure méniscale. La localisation du kyste
dépend de la topographie de la fissure méniscale. En interne, ces
kystes peuvent se développer à distance de l’interligne
articulaire, souvent vers l’arrière au contact du LCP, simulant
ainsi un kyste du LCP.
Les kystes intraméniscaux sont d’observation plus rare et seraient liés à l’accumulation de liquide synovial dans une zone de dégénérescence méniscale. Les kystes intraméniscaux sont de petite taille et peuvent entraîner un élargissement localisé du ménisque.
Secteur latéral
Kystes méniscaux (figure 7)
Les kystes méniscaux latéraux étaient considérés comme plus fréquents que ceux du ménisque médial ; en fait, depuis que les genoux sont explorés par IRM, les 2 compartiments semblent pouvoir être atteints de façon équivalente et même, pour certains auteurs, plus souvent en interne.
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Figure 7. |
Ces kystes constitués à partir d’une lésion de la corne antérieure du ménisque latéral peuvent avoir une expansion importante dans la graisse de Hoffa.
Kystes de l’articulation tibio-fibulaire proximale
Développés au contact de
l’articulation tibio-fibulaire, ils s’étendent dans la loge
antéro-externe de la jambe et peuvent être responsables d’une
compression nerveuse (nerf péronier).
L’IRM montre leur aspect kystique souvent fusiforme et un pertuis
de communication avec l’articulation tibio-fibulaire.
Kystes intraneuraux
Développés dans la paroi du nerf péronier, ils pourraient correspondre au développement intraneural d’un kyste de l’articulation tibio-fibulaire (figure 8) ; ils donnent la même symptomatologie.
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Figure 8. |
Bursites du biceps, du tendon poplité
Ce sont des formations liquidiennes bien limitées situées au contact de ces tendons en arrière et en dehors de l’articulation, facilement reconnaissables sur l’IRM grâce à leur topographie.
Bursite ilio-tibiale
Située à la partie distale de la bandelette ilio-tibiale près de son insertion sur le tubercule de Gerdy, la bourse est le siège d’un épanchement liquidien ; elle peut être associée à une tendinopathie.
Points forts |
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Bibliographie
• Diard F, Chateil JF,
Hauger O, Moinard M. Kystes synoviaux et kystes mucoïdes
articulaires, para-articulaires et intraosseux. J Radiol 1999 ; 80
: 679-96.
• McCarthy CL, McNally EG. The MRI appearance of cystic lesions
around the knee. Skeletal Radiol 2004 ; 33 : 187-209.
• Tyrrell PNM, Cassar-Pullicino VN, McCall IW. Intra-articular
ganglion cysts of the cruciate ligaments. Eur Radiol 2000 ; 10 :
1233-8.