
20 % des professionnels de santé espéraient un confinement dès fin janvier
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Une large adhésion dans un contexte de contestation majoritaire
Cette large proportion de professionnels soutenant la stratégie du Président de la République contraste de façon très nette avec la tonalité fortement critique des professionnels de santé vis-à-vis de la gestion de la crise dans sa globalité. Messages contradictoires concernant les masques, désorganisation de la distribution de ces derniers aux professionnels de santé, absence de reconnaissance active du rôle majeur des libéraux et cafouillages organisationnels multiples ont conduit les praticiens à dresser un bilan on ne peut plus sévère. Pourtant, aujourd’hui, les professionnels de santé n’hésitent pas à considérer que l’attentisme est une attitude raisonnable qui permet de tenir compte des enjeux essentiels. Cette position illustre sans doute d’une part la confiance des professionnels de santé dans la capacité des dispositions actuelles à contenir l’épidémie (y compris la poussée des variants potentiellement plus contagieux). Elle révèle également sans doute la défiance des praticiens pour les prédictions épidémiologiques qui sont loin d’avoir été vérifiées depuis le début de l’épidémie. Enfin, elle signale l’inquiétude des praticiens vis-à-vis des conséquences sanitaires très dommageables des mesures de confinement, qu’il s’agisse du développement de la souffrance psychique ou du renoncement aux soins. Cette adhésion est d’autant plus remarquable que les praticiens sont parfaitement conscients de la gravité de l’épidémie. D’aucuns voudront également croire que parmi ceux qui soutiennent aujourd’hui la décision d’Emmanuel Macron, certains sont peut-être d’une manière plus globale réticents à toute forme de confinement, considérant son efficacité comme limitée, et son rapport bénéfice/risque très défavorable.Une position qui n’est probablement pas un blanc-seing
Cependant, parallèlement à cette majorité silencieuse, les choix du gouvernement sont clairement contestés par une minorité de praticiens qui s’expriment activement dans les médias et sur les réseaux sociaux. C’est notamment la progression des variants qui incite ces praticiens à manifester leur désapprobation. Très actif, le professeur Gilbert Deray (néphrologue) multiplie ainsi les messages invitant les pouvoirs publics à reconsidérer leur position et à s’engager dans une stratégie reposant sur l’objectif Zéro Covid (celui qui a été désigné en Allemagne). Si les résultats de notre sondage semblent suggérer clairement que cette optique n’est nullement partagée par la majorité des professionnels, les choix du gouvernement de ne pas plus agir face à la situation particulière de la Moselle et de Dunkerque pourraient altérer l’adhésion des professionnels de santé à la stratégie globale. Ainsi, le professeur Rémi Salomon, président de la Commission médicale d’établissement de l’Assistance publique-hôpitaux de Paris (Ap-HP) a commenté ce week-end : « Un variant plus contagieux et pour lequel les vaccins semblent moins efficaces, il faudrait faire le maximum pour empêcher sa diffusion semble-t-il ».Immobilisme en Moselle et à Dunkerque
En Moselle, en dépit de la progression des variants (qui représentent 35 % des tests positifs) et notamment du variant 20H/501Y.V2 (sud-africain), aucune mesure supplémentaire n’a été décidée et les écoles notamment continuent à fonctionner normalement. A Dunkerque, où l’incidence a très rapidement fortement augmenté (passant de 384 cas pour 100 000 habitants à 515 en moins d’une semaine) en lien avec la progression de circulation du variant 20I/501Y.V1 (dit britannique), la préfecture a choisi simplement de décaler l'arrivée et la sortie des classes dans les écoles maternelles et élémentaires et de faire fonctionner les collèges et lycées en mode mixte (présentiel/distanciel). Ces mesures sont considérées comme totalement insuffisantes par le maire de Dunkerque et beaucoup dénoncent le refus du gouvernement de solutions plus contraignantes et estiment que des dispositions auraient dû être prises pour isoler rapidement ces localités du reste de la France.Veillée d’armes dans les hôpitaux : ambivalence des pouvoirs publics
Mais le gouvernement préfère toujours une vision nationale de l’épidémie. Or, la situation globale demeure en légère amélioration, tout en restant fragile. Sur sept jours, le nombre de cas détectés diminue de 9 %, de même que les admissions à l’hôpital. Le nombre de personnes en réanimation est pour sa part stable. La tension hospitalière atteint un niveau toujours élevé (64 %) mais néanmoins stable, avec cependant des disparités importantes en fonction des régions. On remarque par ailleurs qu’en Moselle et dans les Yvelines, qui connaissent pourtant un niveau de circulation des variants important (entre 40 et 60 %), cet indicateur est en léger recul. Ces éléments sont particulièrement intéressants alors que le risque que les variants déstabilisent totalement le contrôle précaire de l’épidémie est ce qui soutient les appels à un confinement immédiat. Il est en tout cas la raison qui aujourd’hui pousse l’ensemble des hôpitaux à se préparer à une détérioration brutale. Une circulaire du ministère de la Santé, révélée par le Journal du dimanche, enjoint en effet les établissements à adopter d’ici le 18 février une « organisation de crise », afin de pouvoir affronter une « nouvelle vague épidémique ». Augmentation des capacités en réanimation et déprogrammations « graduée et adaptée » sont notamment demandés aux établissements, tandis que des « cellules de recherche et de suivi des lits de réanimation disponibles » sont déployées dans les ARS. Où l’on voit que l’absence de confinement n’empêche pas le gouvernement de prendre des mesures actives, soit une méthode qui pourrait ne pas être unanimement approuvée pour son manque de transparence et de cohérence.Aurélie Haroche