Exclusif : la majorité des professionnels approuve (jusqu’ici) la décision de non confinement d’E. Macron

Paris, le lundi 15 février 2021 – Vendredi 29 janvier, l’exécutif provoquait la surprise en choisissant de ne pas confiner, alors que, depuis quelques jours, la plupart des rumeurs annonçaient comme imminente une telle décision. La menace des variants de SARS-CoV-2 combinée à une situation sanitaire fragile (avec notamment autour de 3 000 personnes en réanimation pour Covid) semblaient en effet dicter une telle voie. Très vite, les décryptages révélèrent que s’opposant à plusieurs de ses ministres (Jean Castex à Matignon et Olivier Véran à la santé en particulier), le chef de l’Etat avait été à l’origine de ce choix, bientôt qualifié de « pari ». Emmanuel Macron se serait ainsi émancipé des recommandations des médecins l’entourant pour préférer une gestion de la crise qui ne soit plus exclusivement influencée par les impératifs sanitaires.

20 % des professionnels de santé espéraient un confinement dès fin janvier

Nous l’avons souligné, cette stratégie, qui s’éloigne également considérablement de celle de plusieurs de nos voisins (l’Allemagne notamment) mais pas de tous (l’Italie et l’Espagne ont fait des choix comparables) est discutée par un certain nombre de responsables hospitaliers (au sein de l’Assistance publique-hôpitaux de Paris en particulier) et par plusieurs médecins très médiatisés par la crise. Quel regard portent cependant les professionnels de santé qui dans leur pratique quotidienne sont les premiers témoins tout à la fois des ravages de l’épidémie et des conséquences négatives des confinements et des mesures de restrictions ?


Sondage réalisé sur JIM du 3 au 9 février 2021

Le sondage réalisé sur notre site du 3 au 9 février révèle une adhésion majoritaire : 74 % des 697 participants se déclarent ainsi favorables à la décision de ne pas confiner prise par le Président de la République. Ils ne sont que 20 % à désapprouver ce choix, tandis que face à la complexité du sujet 6 % préfèrent ne pas se prononcer.

Une large adhésion dans un contexte de contestation majoritaire

Cette large proportion de professionnels soutenant la stratégie du Président de la République contraste de façon très nette avec la tonalité fortement critique des professionnels de santé vis-à-vis de la gestion de la crise dans sa globalité. Messages contradictoires concernant les masques, désorganisation de la distribution de ces derniers aux professionnels de santé, absence de reconnaissance active du rôle majeur des libéraux et cafouillages organisationnels multiples ont conduit les praticiens à dresser un bilan on ne peut plus sévère. Pourtant, aujourd’hui, les professionnels de santé n’hésitent pas à considérer que l’attentisme est une attitude raisonnable qui permet de tenir compte des enjeux essentiels. Cette position illustre sans doute d’une part la confiance des professionnels de santé dans la capacité des dispositions actuelles à contenir l’épidémie (y compris la poussée des variants potentiellement plus contagieux). Elle révèle également sans doute la défiance des praticiens pour les prédictions épidémiologiques qui sont loin d’avoir été vérifiées depuis le début de l’épidémie. Enfin, elle signale l’inquiétude des praticiens vis-à-vis des conséquences sanitaires très dommageables des mesures de confinement, qu’il s’agisse du développement de la souffrance psychique ou du renoncement aux soins. Cette adhésion est d’autant plus remarquable que les praticiens sont parfaitement conscients de la gravité de l’épidémie. D’aucuns voudront également croire que parmi ceux qui soutiennent aujourd’hui la décision d’Emmanuel Macron, certains sont peut-être d’une manière plus globale réticents à toute forme de confinement, considérant son efficacité comme limitée, et son rapport bénéfice/risque très défavorable.

Une position qui n’est probablement pas un blanc-seing

Cependant, parallèlement à cette majorité silencieuse, les choix du gouvernement sont clairement contestés par une minorité de praticiens qui s’expriment activement dans les médias et sur les réseaux sociaux. C’est notamment la progression des variants qui incite ces praticiens à manifester leur désapprobation. Très actif, le professeur Gilbert Deray (néphrologue) multiplie ainsi les messages invitant les pouvoirs publics à reconsidérer leur position et à s’engager dans une stratégie reposant sur l’objectif Zéro Covid (celui qui a été désigné en Allemagne). Si les résultats de notre sondage semblent suggérer clairement que cette optique n’est nullement partagée par la majorité des professionnels, les choix du gouvernement de ne pas plus agir face à la situation particulière de la Moselle et de Dunkerque pourraient altérer l’adhésion des professionnels de santé à la stratégie globale. Ainsi, le professeur Rémi Salomon, président de la Commission médicale d’établissement de l’Assistance publique-hôpitaux de Paris (Ap-HP) a commenté ce week-end : « Un variant plus contagieux et pour lequel les vaccins semblent moins efficaces, il faudrait faire le maximum pour empêcher sa diffusion semble-t-il ».

Immobilisme en Moselle et à Dunkerque

En Moselle, en dépit de la progression des variants (qui représentent 35 % des tests positifs) et notamment du variant 20H/501Y.V2 (sud-africain), aucune mesure supplémentaire n’a été décidée et les écoles notamment continuent à fonctionner normalement. A Dunkerque, où l’incidence a très rapidement fortement augmenté (passant de 384 cas pour 100 000 habitants à 515 en moins d’une semaine) en lien avec la progression de circulation du variant 20I/501Y.V1 (dit britannique), la préfecture a choisi simplement de décaler l'arrivée et la sortie des classes dans les écoles maternelles et élémentaires et de faire fonctionner les collèges et lycées en mode mixte (présentiel/distanciel). Ces mesures sont considérées comme totalement insuffisantes par le maire de Dunkerque et beaucoup dénoncent le refus du gouvernement de solutions plus contraignantes et estiment que des dispositions auraient dû être prises pour isoler rapidement ces localités du reste de la France.

Veillée d’armes dans les hôpitaux : ambivalence des pouvoirs publics

Mais le gouvernement préfère toujours une vision nationale de l’épidémie. Or, la situation globale demeure en légère amélioration, tout en restant fragile. Sur sept jours, le nombre de cas détectés diminue de 9 %, de même que les admissions à l’hôpital. Le nombre de personnes en réanimation est pour sa part stable. La tension hospitalière atteint un niveau toujours élevé (64 %) mais néanmoins stable, avec cependant des disparités importantes en fonction des régions. On remarque par ailleurs qu’en Moselle et dans les Yvelines, qui connaissent pourtant un niveau de circulation des variants important (entre 40 et 60 %), cet indicateur est en léger recul. Ces éléments sont particulièrement intéressants alors que le risque que les variants déstabilisent totalement le contrôle précaire de l’épidémie est ce qui soutient les appels à un confinement immédiat. Il est en tout cas la raison qui aujourd’hui pousse l’ensemble des hôpitaux à se préparer à une détérioration brutale. Une circulaire du ministère de la Santé, révélée par le Journal du dimanche, enjoint en effet les établissements à adopter d’ici le 18 février une « organisation de crise », afin de pouvoir affronter une « nouvelle vague épidémique ». Augmentation des capacités en réanimation et déprogrammations « graduée et adaptée » sont notamment demandés aux établissements, tandis que des « cellules de recherche et de suivi des lits de réanimation disponibles » sont déployées dans les ARS. Où l’on voit que l’absence de confinement n’empêche pas le gouvernement de prendre des mesures actives, soit une méthode qui pourrait ne pas être unanimement approuvée pour son manque de transparence et de cohérence.

Aurélie Haroche

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Vos réactions (5)

  • Qu'on nous laisse respirer et vivre

    Le 15 février 2021

    Il est illusoire d'espérer limiter la diffusion d'un variant au point de le voir disparaître, surtout s'il dispose d'un avantage sélectif par sa constitution.
    De plus, immunité naturelle, emploi d'anticorps en traitement, et immunité vaccinale ne peuvent que favoriser les variants "résistants". Inéluctable.

    Il faut donc revenir aux basiques. Si avec ces variants les formes graves ne sont pas plus importantes, et si la mortalité chez les personnes non vulnérables reste aussi faible qu'auparavant, pourquoi s'en faire ?
    Il est temps de sortir d'un climat de crainte excessif basé sur des spéculations, pour regarder la réalité présente. Le nombre de nouveaux cas (globalement) reste stable voire diminue au niveau mondial. Masques, tests et vaccins sont là. La maladie est mieux prise en charge dans ses formes sévères.

    Au passage un test antigénique rapide c'est comme un test de grossesse, on voit mal pourquoi le confier à un laboratoire en première approche, le rôle de celui-ci étant alors de le confirmer. On gagnerait tous du temps et l'auto-isolement serait alors facilité.

    Alors qu'on nous laisse respirer et vivre, au pire jusqu'à un changement dangereux de la virulence du SARS-CoV-2!

    Dr Jean-Jacques Arzalier

  • Pas de plan sur la comète

    Le 16 février 2021

    Concernant un nouveau virus, notre ignorance structurelle (prouvée à maintes reprises) doit clairement nous inciter à renoncer à toute gestion de la crise en intégrant les projections hypothétiques, mais à tenir compte exclusivement de ce qui est effectivement arrivé jusqu'au jour d'une décision, sans tirer de plan sur la comète.

    Les projections incertaines - n'en déplaise aux épidémiologistes qui doivent travailler sur le temps long - nous coûtent trop cher en terme de crédibilité médicale et de conséquences financières et sociales notamment pour les jeunes. Au final, nous ferons vraisemblablement moins d'erreurs.

    Dr Laurent Subiger

  • Le dossier covid d'EPI PHARE

    Le 21 février 2021

    E. Macron a peut être eu en primeur les résultats d'EPI PHARE.

    Les conclusions que probablement celles et ceux qui ont lu en tirent facilement les conclusions de "Tout ça pour ça ?" mettre l'économie à plat, faire exploser les pathologies psychiatriques, démolir les efforts menés en santé publique depuis plus de 20 ans pour sauver des personnes qui allaient mourir ! c'est dur.

    Dr Didier Cugy

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