Paris, le jeudi 13 juillet 2017 – Les cabinets médicaux n’ont
pas échappé aux transformations imposées par les nouvelles
techniques de communication. Cependant, l’échange par e-mail entre
professionnels de santé et patients est-il réellement entré dans
les mœurs ? Récemment, à l’occasion d’un article consacré aux sites
de prise de rendez-vous en ligne, le site infoDSI (le magazine en
ligne des professionnels de l’informatique) affirmait : « Les
professionnels de santé restent une profession encore peu
digitalisée ». La constatation était de fait confirmée il y a
quelques années en France. Une étude publiée en 2015 (mais
s’appuyant sur des chiffres collectés en 2011) dans le Journal
of Medical Internet Research avait ainsi mis en évidence que
seuls 18,7 % des praticiens français utilisaient l’e-mail pour
communiquer avec leurs patients (contre 50,7 % au Danemark).
Cependant, la situation a fortement évolué. Ainsi, selon le
Baromètre Vidal 2016, l’année précédente, 72 % des médecins
français indiquaient user de cette méthode pour échanger avec leurs
malades (mais seuls 11 % évoquaient un recours fréquent). Le
sondage réalisé sur notre site, du 21 mai au 25 juin, confirme que
l’e-mail est désormais un outil pour la majorité des professionnels
de santé : 61 % l’emploient. Cependant, il est probable que le
téléphone continue à supplanter le mail, qui n’est pas encore
systématisé. En effet, alors que 40 % des professionnels de santé
indiquent ne jamais utiliser l’e-mail, 33 % évoquent un recours
rare, tandis que 3 % se contentent de l’employer pour la prise de
rendez-vous. Ils ne sont ainsi aujourd’hui qu’un quart de
praticiens à avoir fait de l’e-mail une méthode régulière de
contact avec leurs patients !
Des messageries sécurisées peu consultées
Les obstacles à une plus grande généralisation concernent
peut-être les interrogations sur la sécurisation des données.
D’ailleurs, dans son guide aux professionnels de santé, la
Commission nationale informatique et liberté (CNIL) le rappelle : «
Une simple erreur de manipulation peut conduire à divulguer à
des destinataires non habilités des informations couvertes par le
secret médical (…). Les virus, les attaques contre les systèmes
informatiques et l’absence générale de confidentialité du réseau
internet, font de la transmission d’informations de santé par
courrier électronique un moyen risqué de communication »
insiste ce document. Face à ces dangers, la messagerie sécurisée
est indispensable, mais elle n’est pas non plus encore généralisée.
Selon une enquête réalisée par PG Promotions dont les résultats ont
été présentés ce printemps lors de la Paris Health Week,
seuls 54,9 % des médecins en disposent et ils ne sont qu’une petite
moitié (50,80 %) à la consulter plusieurs fois par jour, quand
23,80 % ne la consultent pas plus qu’une fois par semaine.
Sondage réalisé par le Journal
international de médecine du 21 mai au 24 juin 2017
Le risque d’être submergé ?
Le second frein possible à l’utilisation du mail est la crainte d’être submergé par les messages. En 2016, une jeune généraliste de Saint-Didier-sur-Chalaronne (Ain) avait ainsi raconté dans le Quotidien du médecin comment elle avait décidé de fermer sa messagerie électronique. « Certains matins, j’avais jusqu’à 50 mails à traiter, des patients qui m’envoyaient une photo de leur panaris et qui me demandaient une ordonnance à récupérer le midi… C’était devenu impossible ». Pourtant, de tels phénomènes ne seraient pas si fréquents. Une étude publiée (il est vrai il y a quelques années) dans Health Affaires par une équipe de Kaiser Permanente (un assureur américain gérant des établissements de santé) qui s’était intéressée à l’utilisation des e-mails avait mis en évidence que les médecins recevaient « peu de messages » et « pouvaient répondre rapidement ».
Des patients satisfaits
Enfin, la dernière réticence à l’utilisation du mail concerne sa pertinence. En 2015, le British Medical Journal avait donné la parole à deux médecins généralistes opposés quant aux bénéfices de l’utilisation de l’e-mail. Emma Richards était ainsi convaincue de la supériorité du téléphone. Cependant, parmi les arguments en faveur de l’introduction de cette méthode de communication figure le désir des patients. Plusieurs enquêtes ont en effet montré combien ces derniers étaient satisfaits de pouvoir ainsi échanger avec leur praticien. Citée par le médecin suisse Jean-Gabriel Jeannot, auteur d’un blog hébergé par Le Temps, une étude publiée en 2015 dans l’American Journal of Managed Care menée auprès de 1 041 patients atteints d’affections chroniques avait ainsi mis en évidence que 32 % d’entre eux étaient convaincus que le recours au mail contribuait à l’amélioration de leur état de santé. De fait, même si les études sérieuses manquent, de plus en plus de travaux suggèrent que ces nouveaux outils permettent de renforcer le suivi (et alors que le mail s’est généralisé, les biais sociologiques que l’on pouvait invoquer dans les premières études s’amenuisent). En tout état de cause, aucune publication n’a pu mettre en évidence d’effet délétère des mails sur la santé des patients !
Aurélie Haroche