
De l’Académie de médecine aux Français
Le docteur Martin Blachier, dans nos colonnes et celles du Journal du Dimanche et l’Académie de médecine ont été les premiers à clairement présenter la vaccination obligatoire comme une mesure à discuter sans faux semblant. Le premier la qualifiait d’inéluctable (pour les personnes vulnérables) quand les seconds incitaient à transformer notre perception de l’obligation. Aujourd’hui pas un jour ne passe sans que des représentants politiques ou des institutions ne s’interrogent publiquement sur cette question. Ce mouvement s’est accompagné d’une transformation de l’opinion qui après l’avoir clairement rejetée est désormais majoritairement favorable à l’obligation vaccinale en population générale.Courte préférence pour la campagne d’incitation ciblée, l’obligation en ballotage
Ce glissement concerne-t-il jusqu’aux professionnels de santé ? Pas si sûrs, si l’on en croit les résultats du sondage réalisé sur notre site du 23 juin au 4 juillet. Au cours du dernier mois, la progression de la couverture vaccinale des plus de 60 ans s’est ralentie. Or, on le sait ce sont les plus âgés qui présentent le plus de risques de souffrir de formes graves et donc de devoir être hospitalisés. Les différentes modélisations réalisées sur le sujet détermineraient qu’il suffit d’une très petite proportion de ces populations non vaccinée (5 %) pour entraîner une tension hospitalière.Dès lors, avons-nous interrogé les professionnels de santé sur l’attitude à adopter vis-à-vis de ces sujets âgés (plus de 60 ans) non encore protégés par la vaccination. Les résultats sont très partagés entre l’obligation, le recours à la méthode de l’opt-out (fixation par l’Assurance maladie d’un rendez-vous de vaccination d’office que le sujet doit annuler ou modifier si il le souhaite), une campagne incitative renforcée et le statu quo.

Ainsi, seuls 24 % des professionnels de santé sont favorables à la vaccination obligatoire des plus de 60 ans sous peine d’amende, tandis que la même proportion se prononce en faveur de la fixation d’un rendez-vous de vaccination par l’Assurance maladie. La formule qui séduit une très courte majorité (27 %) des professionnels de santé est une campagne massive d’incitation ciblée, tandis qu’une proportion non négligeable (23 %) considère que le statu quo doit s’imposer.
Les infirmières majoritairement séduites par le statu quo
Ainsi, pour les professionnels de santé, les alertes répétées de ces derniers jours ne sont pas suffisantes pour remettre en cause la notion essentielle de libre consentement. Leurs réponses signalent clairement qu’ils refusent que la vaccination des adultes de plus de 60 ans, même dans un contexte épidémique, soit dictée par une contrainte forte. Sans doute, à travers ces résultats transmettent-ils le message que la vaccination doit demeurer le fruit d’une discussion éclairée entre le patient et son médecin. On relèvera qu’il n’existe pas de différences marquées entre les professions, même si les infirmières sont encore moins nombreuses (14 %) que les médecins (23 %) à se prononcer en faveur de l’obligation vaccinale avec amende, tandis que les pharmaciens sont les plus tentés par cette idée (33 %). De la même manière, le statu quo est l’option qui séduit le plus largement les infirmières (42 %), quand il est plutôt boudé par les pharmaciens (18 %) et les médecins (16 %).Obligation pour eux-mêmes mais pas pour leurs patients
Ces résultats font écho à ceux d’un précédent sondage du JIM concernant la vaccination obligatoire des soignants qui en mars avait mis en évidence que 62 % des professionnels de santé étaient favorables à l’obligation de la vaccination de tous les soignants contre la Covid (même en cas d’infection antérieure), tandis que 35 % étaient opposés à une telle idée et 3 % avait préféré ne pas se prononcer. Cependant, cette position majoritaire masquait des différences très nettes en fonction des professions. Ainsi, quand 69 % des médecins et 67 % des pharmaciens plébiscitaient l’idée d’une vaccination obligatoire des soignants, les infirmières étaient pour leur part 68 % à être hostiles à une telle idée.A travers les résultats sur l’attitude à adopter en population générale, on constate que les infirmières conservent en partie pour leurs patients les mêmes réticences que pour elles-mêmes et leurs collègues. Les pharmaciens et les médecins, par contre, n’estiment pas que l’obligation qu’ils attendent majoritairement pour le corps médical doive s’imposer pour la population. On devine ici que le positionnement des infirmières mêle considération sur le consentement et doutes sur les vaccins, quand celui des médecins et des pharmaciens hostiles à l’obligation vaccinale pour les plus de 60 ans pourrait être d’abord lié à un refus de toute contrainte dans ce domaine.
Quel pourrait être le regard des patients sur cette position des professionnels de santé ? Ils pourraient y lire une raison supplémentaire de se méfier des vaccins, ou au contraire y reconnaître que le lien de confiance et le dialogue entre praticiens et patients sont pour ces premiers primordiaux et qu’ils ne risquent nullement d’être remis en question par l’urgence de la pandémie.
L’obligation vaccinale n’est pas une affaire entendue
Aurélie Haroche