Exclusif : les professionnels de santé ont une position balancée sur l’obligation vaccinale des plus de 60 ans

Paris, le mardi 6 juillet 2021 – Au début du printemps, envisager une vaccination obligatoire contre la Covid, des populations les plus vulnérables voire même des soignants, était considéré comme un discours inutilement extrême. La progression de la couverture vaccinale conseillait plutôt de se reposer sur cette tendance heureuse qui faisait mentir les craintes exagérées d’une influence majeure des groupes anti-vaccin. Pourtant, aujourd’hui, le sujet n’est clairement plus tabou, qu’il s’agisse des soignants et même de la population générale.

La perspective d’une quatrième vague et la confirmation de l’atteinte d’un « plafond de verre » dans la plupart des tranches d’âge expliquent cette évolution.

De l’Académie de médecine aux Français

Le docteur Martin Blachier, dans nos colonnes et celles du Journal du Dimanche et l’Académie de médecine ont été les premiers à clairement présenter la vaccination obligatoire comme une mesure à discuter sans faux semblant. Le premier la qualifiait d’inéluctable (pour les personnes vulnérables) quand les seconds incitaient à transformer notre perception de l’obligation. Aujourd’hui pas un jour ne passe sans que des représentants politiques ou des institutions ne s’interrogent publiquement sur cette question. Ce mouvement s’est accompagné d’une transformation de l’opinion qui après l’avoir clairement rejetée est désormais majoritairement favorable à l’obligation vaccinale en population générale.

Courte préférence pour la campagne d’incitation ciblée, l’obligation en ballotage

Ce glissement concerne-t-il jusqu’aux professionnels de santé ? Pas si sûrs, si l’on en croit les résultats du sondage réalisé sur notre site du 23 juin au 4 juillet. Au cours du dernier mois, la progression de la couverture vaccinale des plus de 60 ans s’est ralentie. Or, on le sait ce sont les plus âgés qui présentent le plus de risques de souffrir de formes graves et donc de devoir être hospitalisés. Les différentes modélisations réalisées sur le sujet détermineraient qu’il suffit d’une très petite proportion de ces populations non vaccinée (5 %) pour entraîner une tension hospitalière.

Dès lors, avons-nous interrogé les professionnels de santé sur l’attitude à adopter vis-à-vis de ces sujets âgés (plus de 60 ans) non encore protégés par la vaccination. Les résultats sont très partagés entre l’obligation, le recours à la méthode de l’opt-out (fixation par l’Assurance maladie d’un rendez-vous de vaccination d’office que le sujet doit annuler ou modifier si il le souhaite), une campagne incitative renforcée et le statu quo.

Sondage réalisé en ligne sur le site JIM.fr du 23 juin au 5 juillet

Ainsi, seuls 24 % des professionnels de santé sont favorables à la vaccination obligatoire des plus de 60 ans sous peine d’amende, tandis que la même proportion se prononce en faveur de la fixation d’un rendez-vous de vaccination par l’Assurance maladie. La formule qui séduit une très courte majorité (27 %) des professionnels de santé est une campagne massive d’incitation ciblée, tandis qu’une proportion non négligeable (23 %) considère que le statu quo doit s’imposer.

Les infirmières majoritairement séduites par le statu quo

Ainsi, pour les professionnels de santé, les alertes répétées de ces derniers jours ne sont pas suffisantes pour remettre en cause la notion essentielle de libre consentement. Leurs réponses signalent clairement qu’ils refusent que la vaccination des adultes de plus de 60 ans, même dans un contexte épidémique, soit dictée par une contrainte forte. Sans doute, à travers ces résultats transmettent-ils le message que la vaccination doit demeurer le fruit d’une discussion éclairée entre le patient et son médecin. On relèvera qu’il n’existe pas de différences marquées entre les professions, même si les infirmières sont encore moins nombreuses (14 %) que les médecins (23 %) à se prononcer en faveur de l’obligation vaccinale avec amende, tandis que les pharmaciens sont les plus tentés par cette idée (33 %). De la même manière, le statu quo est l’option qui séduit le plus largement les infirmières (42 %), quand il est plutôt boudé par les pharmaciens (18 %) et les médecins (16 %).

Obligation pour eux-mêmes mais pas pour leurs patients

Ces résultats font écho à ceux d’un précédent sondage du JIM concernant la vaccination obligatoire des soignants qui en mars avait mis en évidence que 62 % des professionnels de santé étaient favorables à l’obligation de la vaccination de tous les soignants contre la Covid (même en cas d’infection antérieure), tandis que 35 % étaient opposés à une telle idée et 3 % avait préféré ne pas se prononcer. Cependant, cette position majoritaire masquait des différences très nettes en fonction des professions. Ainsi, quand 69 % des médecins et 67 % des pharmaciens plébiscitaient l’idée d’une vaccination obligatoire des soignants, les infirmières étaient pour leur part 68 % à être hostiles à une telle idée.

A travers les résultats sur l’attitude à adopter en population générale, on constate que les infirmières conservent en partie pour leurs patients les mêmes réticences que pour elles-mêmes et leurs collègues. Les pharmaciens et les médecins, par contre, n’estiment pas que l’obligation qu’ils attendent majoritairement pour le corps médical doive s’imposer pour la population. On devine ici que le positionnement des infirmières mêle considération sur le consentement et doutes sur les vaccins, quand celui des médecins et des pharmaciens hostiles à l’obligation vaccinale pour les plus de 60 ans pourrait être d’abord lié à un refus de toute contrainte dans ce domaine.

Quel pourrait être le regard des patients sur cette position des professionnels de santé ? Ils pourraient y lire une raison supplémentaire de se méfier des vaccins, ou au contraire y reconnaître que le lien de confiance et le dialogue entre praticiens et patients sont pour ces premiers primordiaux et qu’ils ne risquent nullement d’être remis en question par l’urgence de la pandémie.

L’obligation vaccinale n’est pas une affaire entendue

Ces résultats sont enfin une invitation à nuancer l’impression laissée par les déclarations de ces jours derniers. La vaccination obligatoire, en tout cas en population générale, est ainsi probablement loin d’être actée dans l’esprit des décideurs publics. D’ailleurs, sollicités jeudi par Jean Castex sur les sujets de la vaccination obligatoire, du recours à d’autres méthodes d’incitation (élargissement du pass sanitaire, loteries…) et du renforcement du contrôle de l’isolement, les groupes politiques devraient mettre aujourd’hui à profit leurs réunions de groupe pour établir leur réponse. Jeudi, le Premier ministre entendra les présidents d’associations d’élus et devrait utiliser les résultats de cette consultation pour préparer un projet de loi sur les soignants, alors que la possibilité de le faire examiner en juillet est encore l’objet d’interrogations.

Aurélie Haroche

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Vos réactions (3)

  • Une position... équilibrée

    Le 06 juillet 2021

    Bonsoir, vous vouliez sans doute écrire "équilibrée" plutôt que "balancée"... Anglicisme, quand tu nous tiens... (https://dictionnaire.reverso.net/anglais-francais/balanced)

    FG

  • Sanctions ?

    Le 07 juillet 2021

    Dans votre sondage les termes "...sous peine d'amende" étaient beaucoup trop violents.
    Les termes "Vaccination obligatoire" uniquement, auraient provoqué des résultats différents.
    Comment sanctionner le non-respect de cette obligation est une autre problématique.

    Dr JFP

  • Choix multiples ?

    Le 08 juillet 2021

    Le sondage ne permettait manifestement que de répondre oui à une seule des propositions.
    Il aurait été intéressant de pouvoir choisir plusieurs réponses, voir pour chaque réponse pouvoir répondre "pour" "contre" ou "indifférent".
    Cela aurait permis d'avoir une analyse beaucoup plus réaliste. En effet dire par ex qu'il n'y a que 26% des répondants qui sont pour la vaccination obligatoire est faux!
    Par exemple j'aurais choisi la proposition 2 avec rdv d'office, mais je ne suis pas contre la vaccination obligatoire. En revanche je suis contre le status quo...
    Bref ce type d'enquête permet facilement d'orienter la conclusion dans la direction qu'on souhaite !

    Dr Gregory Smith

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