
Faut-il continuer à croire en l’immunité collective ?
Dans ce contexte, l’attitude peut être de privilégier la vaccination des personnes les plus à risque de forme grave de Covid, tout en la recommandant aux autres personnes adultes. Elle peut également s’orienter vers une couverture vaccinale la plus large possible, afin d’optimiser l’effet sur la circulation du virus. Il semble que ce soit le choix qu’a fait la France, dont les taux de vaccination des plus âgés bien que très élevés sont moins satisfaisants que dans nombre de pays occidentaux comparables. Cette stratégie se heurte cependant à l’impossibilité de vacciner une part importante de la population : les moins de 12 ans.Des opinions contrastées

Protéger les jeunes enfants d’un risque… très limité
Les arguments en faveur de la vaccination des enfants reposent d’abord sur la volonté de s’approcher de l’immunité collective, même si beaucoup désormais mettent en doute la possibilité d‘atteindre ce graal. Par ailleurs, même si les cas graves de Covid ont été très rares chez l’enfant (sept décès d’enfants de moins de 10 ans ont été recensés depuis le début de l’épidémie en France, toujours associés à des comorbidités sévères qui sont déjà des indications de la vaccination), des hospitalisations n’ont pas toujours pu être évitées, tandis que certains évoquent la possibilité de formes longues dont l’évaluation quantitative est cependant complexe.Les enfants, boucs émissaires constants de l’épidémie
Cependant, les arguments en défaveur d’une vaccination des plus jeunes, ne manquent également pas de robustesse et font écho à ceux qu’avait mis en avant le Conseil consultatif national d’éthique (CCNE) à propos des adolescents au printemps. L’institution écrivait : « Sachant qu'un nombre significatif d'adultes, dont des personnes présentant des comorbidités, ne procèderont pas à la vaccination, est-il éthique de faire porter aux mineurs la responsabilité, en termes de bénéfice collectif, du refus de vaccination d'une partie de la population adulte ? » questionnait le CCNE. Il mettait également en garde contre le risque qu’après avoir été fréquemment tenue responsable de l’épidémie (ce que n’ont jamais permis de confirmer les chiffres de contamination des jeunes enfants, au sein des écoles notamment), la jeunesse soit rendue responsable d’une trop faible couverture vaccinale. Le même raisonnement peut également s’appliquer aux moins de 12 ans.Vers un passe sanitaire dès 5 ans ?
Par ailleurs, les incertitudes quant aux conséquences sociales de cette hypothétique vaccination des plus jeunes en termes de gestion de l’épidémie ont probablement une influence sur la position des professionnels de santé. Le passe sanitaire sera-t-il étendu aux plus jeunes ? Dans un tel cas cela voudra dire que l’on met en place un dispositif fort pour inciter à une vaccination dont l’intérêt direct pour les concernés est très limité, alors que pendant des années n’ont pas été rendus obligatoires des vaccins dont l’intérêt direct pour l’enfant était majeur et que restent facultatifs des vaccins offrant une protection certaine (contre la méningite B par exemple). Surtout, appliquera-t-on au niveau du primaire la stratégie qui prévaut aujourd’hui pour les plus de 12 ans : à savoir l’éviction des enfants non vaccinés face à un cas d’infection par SARS-Cov-2 dans une classe ? Ce qui est déjà contesté (y compris par le Conseil scientifique) pour les plus grands, ne pourra être que d’autant plus discuté pour les plus jeunes pour lesquels l’école à distance est plus difficile et qui ont encore moins de possibilité de s’opposer à la décision de leurs parents.Des résultats à conforter dans la vie réelle
Autant d’éléments qui expliquent les réponses contrastées à notre sondage, résultats qui ont en outre évolués sensiblement durant les 3 semaines où il est resté ouvert en ligne, nos lecteurs forgeant parfois leur avis au fil de l’eau en se basant sur les données de la littérature les plus récentes (ce que laisse également transparaître l’importante proportion de professionnels de santé ayant préféré ne pas se prononcer). Les récentes annonces des laboratoires Moderna et Pfizer/BioNTech sur les résultats positifs (en termes sérologiques) de leur vaccin chez les jeunes enfants ne sont probablement pas encore suffisants pour complètement emporter la conviction, en raison notamment de leurs trop faibles effectifs pour évaluer leur efficacité sur les différentes formes cliniques, sur la contamination et sur la transmission.Aurélie Haroche