Exclusif : une majorité de professionnels de santé favorable au masque dans les espaces publics ouverts

Paris, le mercredi 5 août 2020 – En moins de six mois, le discours politique sur la pertinence du port du masque face à la circulation du nouveau virus SARS-CoV-2 est passé d’un excès à l’autre. Cet outil de protection a d’abord été qualifié majoritairement d’inutile et a été assez sévèrement déconseillé aux Français (dans un contexte de pénurie qui menaçait les personnels de santé) avant aujourd’hui d’être quasiment généralisé à l’ensemble de l’espace public intérieur, comme désormais extérieur. Le gouvernement a fait le choix de ne pas imposer le port du masque globalement mais de permettre localement aux préfets de prendre, en accord ou pas avec les municipalités, des dispositions locales.

C’est dans ce cadre que depuis la semaine dernière, la liste des villes concernées par une obligation du port du masque sur les marchés et/ou dans les zones touristiques très fréquentées ne cesse de s’allonger. A Paris, hier, Anne Hidalgo a indiqué avoir transmis au préfet de police, Didier Lallement une demande afin que puissent être déterminées les « zones » où la protection devrait s’imposer. Les berges de Seine, les abords des gares, les marchés, les rues commerçantes, les lieux touristiques, voire les parcs et les jardins pourraient être concernés.

Sondage réalisé sur JIM du 22 juillet au 4 août 2020

Une large majorité favorable au masque dans les espaces publics ouverts

Majoritairement stupéfaits pour ne pas dire irrités de la position originelle du gouvernement sur les masques, les professionnels de santé ont pour la plupart encouragé leurs patients (notamment les plus à risque) à se protéger lors de leurs sorties dès le début de l’épidémie. De nombreuses actions ont également confirmé qu’ils soutenaient l’adoption de réglementations afin de convaincre les derniers réticents et d’assurer la cohérence du discours. Aujourd’hui, souhaitant probablement éviter qu’un « relâchement » ne favorise une reprise de l’épidémie, qui aurait des conséquences fâcheuses sur la continuité des soins (non Covid), les professionnels de santé soutiennent majoritairement l’adoption du port du masque à l’extérieur comme le révèlent les résultats de notre sondage. Ainsi, 59 % des 691 professionnels de santé ayant répondu à notre question depuis le 22 juillet considèrent que « dans les circonstances actuelles », le port du masque devrait être rendu obligatoire dans l’espace public extérieur. Ils sont 38 % à se montrer hostiles à la mesure, tandis que 3 % ne se prononcent pas. Ces proportions sont très comparables aux résultats d’un sondage YouGov réalisé du 3 au 4 août pour le HuffPost et qui révèlent que 62 % des personnes interrogées se déclarent favorables au port du masque à l’extérieur. 

Des preuves complémentaires sur l’aérosolisation

Cette orientation vers un port du masque dans les lieux ouverts avait initialement été justifiée par la multiplication des preuves suggérant une probable aérosolisation du virus. Cependant, même confirmée, une telle hypothèse ne conduirait pas à devoir considérer l’espace extérieur comme une zone à risque élevé (et même modéré) de contamination en raison de l’aérosolisation, d’une part parce que même avérée la contamination par aérosolisation est probablement minoritaire et d’autre part parce qu’à l’extérieur les conditions de ventilation limitent plus encore ce risque.

Des arguments épidémiologiques discutés

Néanmoins, les partisans du port du masque mettent désormais plus certainement en avant la situation épidémique actuelle en évoquant une circulation accrue du virus, dont témoignerait la multiplication des tests positifs. C’est notamment dans cette optique que nous avons sollicité nos lecteurs, en évaluant leur adhésion au port du masque en extérieur « dans les circonstances actuelles ». Cependant, certaines voix tentent de tempérer : bien que les chiffres confirment que le virus est toujours en circulation, cette dernière est bien moindre qu’au printemps, tandis que l’augmentation des dépistages participe aux augmentations constatées. Par ailleurs, la situation épidémiologique se caractérise également par une mortalité toujours très basse (deux morts en vingt-quatre heures) et par l’absence de signal d’augmentation des hospitalisations. « Quand on est tout en bas on ne peut que remonter » relève philosophe sur Twitter le professeur de médecine d’urgence Yonathan Freund (La Pitié Salpetrière).

Les effets contre-productifs redoutés

Outre ce contexte épidémiologique qui n’est peut-être pas si en faveur de l’adoption de nouvelles mesures contraignantes selon une partie des observateurs (mais plutôt du maintien des dispositions actuelles et du rappel des règles d’hygiène), le port du masque en extérieur ne semble pas parfaitement correspondre à la réalité de la transmission du virus, majoritairement avérée dans les espaces clos (et mal ventilés) comme l’attestent plusieurs études et les observations des organes de surveillance traquant les clusters. Fort de ces constatations, certains spécialistes s’élèvent contre la démarche des autorités. Pour le professeur Jean-François Toussaint, il ne peut s’agir que d’une décision politique, qui ne s’appuie sur aucun fondement scientifique et qui ne peut être justifiée par la situation épidémique. Alors que de nouveaux pics de chaleur sont annoncés, il s’inquiétait par ailleurs hier, interrogé sur BFM, des effets contre-productifs du port du masque dans ces circonstances. De la même manière, le professeur Freund déplore : « L’obligation du port du masque en extérieur est une aberration. Rien ne justifie scientifiquement cette décision, il n’y a pas de contamination massive dans la rue ou à la plage. Aucun évènement extérieur n’a créé de gros cluster (…). Ce genre de décision ne peut qu’augmenter la défiance et les penchants complotistes » redoute-t-il. Si la crainte de dérives complotistes ne devrait jamais être un frein réel à l’adoption de mesures nécessaires (un tel raisonnement aurait pu en effet dissuader d’intervenir dans de nombreux domaines, ce qui aurait été regrettable), elle est néanmoins, face à un dispositif discutable, partagée par d’autres spécialistes. Dans Le Parisien, Benjamin Davido, infectiologue à l'hôpital Raymond-Poincaré, à Garches s’inquiète lui aussi : « Le risque, c'est qu'on se retrouve avec une théorie complotiste sur le masque. Ça me fait vraiment très peur ». « Aujourd'hui, il n'y a pas de preuve scientifique pour juger de son utilité. On sait, qu'en revanche, le masque est vingt fois plus efficace lorsqu'il est porté dans un endroit fermé qu'en extérieur. Alors qu'on peine malheureusement encore à l'imposer dans certains magasins ou salles de cinéma, le rendre obligatoire à l'air libre, avec des amendes, est contre-productif. Il faut être pédagogique, non punitif » ajoute-t-il encore.

Un geste pour accroître la responsabilisation et rappeler la nécessaire vigilance

Parallèlement, cependant, d’autres experts, à l’instar de la majorité de professionnels de santé qui se sont exprimés sur le JIM, défendent la pertinence de l’obligation. Ces partisans soutiennent notamment la nécessité d’un maintien à un haut niveau d’une vigilance marquée et d’une responsabilisation des citoyens. Dans ce cadre, le masque fait partie d’un arsenal plus large, comprenant également la distance physique et le lavage des mains. Il est présenté comme un rempart simple et à la portée de tous permettant d'éviter des conséquences bien plus dramatiques. Le port du masque dans l’espace ouvert est également considéré comme un moyen d’améliorer son hygiène, grâce à la diminution du nombre de manipulations à chaque entrée et sortie dans un lieu fermé. C’est ainsi que dans Le Parisien également, interrogée sur une possible obligation à Paris, le professeur Dominique Costagliola insiste : « Même s'il n'est probablement pas efficace à 100 %, c'est une contribution de plus contre le virus. Cela est d'autant plus important qu'aujourd'hui, les délais pour obtenir le résultat d'un test sont trop longs pour bien maîtriser l'épidémie. Renforcer le port du masque est donc nécessaire ». Une position qui semble partagée par une majorité de soignants.

Aurélie Haroche

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Vos réactions (4)

  • Allons au bout du raisonnement

    Le 05 août 2020

    Le port du masque en extérieur est destiné à protéger contre les aérosols contenant des virus.
    D'une part il n'est pas prouvé que ces aérosols transmettent la maladie même si de virus ou bout de virus y sont retrouvés.
    D'autre part pour s'en protéger, seuls les FFP2, mis correctement sont efficaces. Ce n'est pas réaliste compte tenu du coût et des difficultés respiratoires engendrées par le port de ces masques.

    Soit on rassure les anxieux en obligeant le port du masque partout (mais quand arrête t-on?)
    Soit on les rassure en rappelant que les gestes barrières sont suffisants en extérieur et qu'il faut les appliquer quand on reçoit des personnes chez soi ( majorité des foyers).

    Dr Eric Giblot Ducray

  • Une atteinte grave à la liberté

    Le 06 août 2020

    Si le port du masque par tous est logique dans les établissements de soin, il est hautement discutable dans les espaces publics. C'est déjà suffisamment pénible de devoir mettre un masque pour aller aux toilettes ou entrer dans un magasin d'autant que je ne suis pas du tout convaincue de son efficacité.

    Imposer le masque dans l'espace public extérieur est une atteinte grave à la liberté de chacun et surtout nuisible en été. Allons-nous porter un masque avec une température extérieure de 35° voir plus, au risque de faire un malaise par hypoxémie ou hypercapnie? Sans oublier que le port du masque n'a de sens que si les mesures d'hygiènes qui l'accompagnent sont respectées, ce qui n'est réaliste que dans les établissements de soins. Si c'est pour mettre le masque pour ne pas avoir d'amende (d'un montant honteux de 135 Euros) puis le ranger dans un sac sans protection ou le garder sous le coude, ça ne sert à rien sinon à entraver un peu plus les libertés individuelles. De plus, avec la chaleur et l'humidité induite par la transpiration, cela fait un bouillon de culture microbienne excellent.

    Les professionnels de santé qui réclament le port du masque obligatoire dans les espaces publics ouvert (et même clos) sont dans leur monde hospitalier et absolument pas dans la réalité du monde. Les restaurateurs, les barman, les commerçants et ceux qui travaillent en entreprise, commencent à en avoir assez de cette contrainte énorme et sont au bord de la rupture. Si vous voulez faire "péter les plombs" à ceux qui n'ont pas la chance de travailler dans un endroit climatisé, vous ne pouvez pas vous y prendre mieux.

    Descendez de votre piédestal de professionnels de santé pour aller pour vous confronter au monde réel où l'économie est en train de s'effondrer, entre autres à cause de vos mesures liberticides, sachant qu'elle ne se portait déjà pas bien auparavant. La pensée unique et manichéenne oppose économie et santé alors que les deux sont liées. Car si on a plus de quoi manger à sa faim, on fera comment pour se soigner! Vous croyez, dans votre toute-puissance de professionnels de santé, être à l'abri d'un crack boursier???

    En ce qui concerne les scientifiques qui observent le coronavirus au microscope et qui nous dictent des mesures de distanciation sociales INHUMAINES, ils sont peut-être savants mais ont-ils acquis une certaine sagesse par rapport à la mort. Car si ces scientifiques, couverts de diplômes, n'ont pas fait un travail sur eux-même pour porter un regard plus serein sur ce phénomène naturel et incontournable à tout être humain, ils ne font que nous enseigner leur névrose sous-tendue par une peur obsessionnelle de la mort.

    Au lieu de se focaliser sur la transmission du coronavirus, il faudrait peut-être essayer de revoir notre façon d'appréhender la mort et de concevoir la vie. Que voulons-nous? Ne pas accepter la mort et donc ne pas vivre? ou prendre des risques, dont celui de mourir, et VIVRE!

    Dr Marie-Sandra Diamant-Berger

  • Masque mal porté

    Le 09 août 2020

    Le port du masque en extérieur, dans certains secteurs conduit à le mettre, à l'enlever ...sans aucune précaution sanitaire par ailleurs. Le même masque sert plusieurs jours et traine n'importe où...

    Et protéger les gens ne conduit qu'à faire durer l'épidémie. Tant que tout le monde n'aura pas été contaminé, cette psychose va perdurer. Avec ses avis contradictoires de spécialistes (ou sont passés Raoult et Peronne?) médecins, politologues, essayiste,....

    Medecin de 71 ans, j'ai été touché à l'hôpital, j'ai des anticorps (faisons peur en oubliant la mémoire munition!), et j'aimerais qu'on nous laisse tranquille.

    Pr A. Muller

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