

Une large majorité favorable au masque dans les espaces publics ouverts
Majoritairement stupéfaits pour ne pas dire irrités de la position originelle du gouvernement sur les masques, les professionnels de santé ont pour la plupart encouragé leurs patients (notamment les plus à risque) à se protéger lors de leurs sorties dès le début de l’épidémie. De nombreuses actions ont également confirmé qu’ils soutenaient l’adoption de réglementations afin de convaincre les derniers réticents et d’assurer la cohérence du discours. Aujourd’hui, souhaitant probablement éviter qu’un « relâchement » ne favorise une reprise de l’épidémie, qui aurait des conséquences fâcheuses sur la continuité des soins (non Covid), les professionnels de santé soutiennent majoritairement l’adoption du port du masque à l’extérieur comme le révèlent les résultats de notre sondage. Ainsi, 59 % des 691 professionnels de santé ayant répondu à notre question depuis le 22 juillet considèrent que « dans les circonstances actuelles », le port du masque devrait être rendu obligatoire dans l’espace public extérieur. Ils sont 38 % à se montrer hostiles à la mesure, tandis que 3 % ne se prononcent pas. Ces proportions sont très comparables aux résultats d’un sondage YouGov réalisé du 3 au 4 août pour le HuffPost et qui révèlent que 62 % des personnes interrogées se déclarent favorables au port du masque à l’extérieur.Des preuves complémentaires sur l’aérosolisation
Cette orientation vers un port du masque dans les lieux ouverts avait initialement été justifiée par la multiplication des preuves suggérant une probable aérosolisation du virus. Cependant, même confirmée, une telle hypothèse ne conduirait pas à devoir considérer l’espace extérieur comme une zone à risque élevé (et même modéré) de contamination en raison de l’aérosolisation, d’une part parce que même avérée la contamination par aérosolisation est probablement minoritaire et d’autre part parce qu’à l’extérieur les conditions de ventilation limitent plus encore ce risque.Des arguments épidémiologiques discutés
Néanmoins, les partisans du port du masque mettent désormais plus certainement en avant la situation épidémique actuelle en évoquant une circulation accrue du virus, dont témoignerait la multiplication des tests positifs. C’est notamment dans cette optique que nous avons sollicité nos lecteurs, en évaluant leur adhésion au port du masque en extérieur « dans les circonstances actuelles ». Cependant, certaines voix tentent de tempérer : bien que les chiffres confirment que le virus est toujours en circulation, cette dernière est bien moindre qu’au printemps, tandis que l’augmentation des dépistages participe aux augmentations constatées. Par ailleurs, la situation épidémiologique se caractérise également par une mortalité toujours très basse (deux morts en vingt-quatre heures) et par l’absence de signal d’augmentation des hospitalisations. « Quand on est tout en bas on ne peut que remonter » relève philosophe sur Twitter le professeur de médecine d’urgence Yonathan Freund (La Pitié Salpetrière).Les effets contre-productifs redoutés
Outre ce contexte épidémiologique qui n’est peut-être pas si en faveur de l’adoption de nouvelles mesures contraignantes selon une partie des observateurs (mais plutôt du maintien des dispositions actuelles et du rappel des règles d’hygiène), le port du masque en extérieur ne semble pas parfaitement correspondre à la réalité de la transmission du virus, majoritairement avérée dans les espaces clos (et mal ventilés) comme l’attestent plusieurs études et les observations des organes de surveillance traquant les clusters. Fort de ces constatations, certains spécialistes s’élèvent contre la démarche des autorités. Pour le professeur Jean-François Toussaint, il ne peut s’agir que d’une décision politique, qui ne s’appuie sur aucun fondement scientifique et qui ne peut être justifiée par la situation épidémique. Alors que de nouveaux pics de chaleur sont annoncés, il s’inquiétait par ailleurs hier, interrogé sur BFM, des effets contre-productifs du port du masque dans ces circonstances. De la même manière, le professeur Freund déplore : « L’obligation du port du masque en extérieur est une aberration. Rien ne justifie scientifiquement cette décision, il n’y a pas de contamination massive dans la rue ou à la plage. Aucun évènement extérieur n’a créé de gros cluster (…). Ce genre de décision ne peut qu’augmenter la défiance et les penchants complotistes » redoute-t-il. Si la crainte de dérives complotistes ne devrait jamais être un frein réel à l’adoption de mesures nécessaires (un tel raisonnement aurait pu en effet dissuader d’intervenir dans de nombreux domaines, ce qui aurait été regrettable), elle est néanmoins, face à un dispositif discutable, partagée par d’autres spécialistes. Dans Le Parisien, Benjamin Davido, infectiologue à l'hôpital Raymond-Poincaré, à Garches s’inquiète lui aussi : « Le risque, c'est qu'on se retrouve avec une théorie complotiste sur le masque. Ça me fait vraiment très peur ». « Aujourd'hui, il n'y a pas de preuve scientifique pour juger de son utilité. On sait, qu'en revanche, le masque est vingt fois plus efficace lorsqu'il est porté dans un endroit fermé qu'en extérieur. Alors qu'on peine malheureusement encore à l'imposer dans certains magasins ou salles de cinéma, le rendre obligatoire à l'air libre, avec des amendes, est contre-productif. Il faut être pédagogique, non punitif » ajoute-t-il encore.Un geste pour accroître la responsabilisation et rappeler la nécessaire vigilance
Parallèlement, cependant, d’autres experts, à l’instar de la majorité de professionnels de santé qui se sont exprimés sur le JIM, défendent la pertinence de l’obligation. Ces partisans soutiennent notamment la nécessité d’un maintien à un haut niveau d’une vigilance marquée et d’une responsabilisation des citoyens. Dans ce cadre, le masque fait partie d’un arsenal plus large, comprenant également la distance physique et le lavage des mains. Il est présenté comme un rempart simple et à la portée de tous permettant d'éviter des conséquences bien plus dramatiques. Le port du masque dans l’espace ouvert est également considéré comme un moyen d’améliorer son hygiène, grâce à la diminution du nombre de manipulations à chaque entrée et sortie dans un lieu fermé. C’est ainsi que dans Le Parisien également, interrogée sur une possible obligation à Paris, le professeur Dominique Costagliola insiste : « Même s'il n'est probablement pas efficace à 100 %, c'est une contribution de plus contre le virus. Cela est d'autant plus important qu'aujourd'hui, les délais pour obtenir le résultat d'un test sont trop longs pour bien maîtriser l'épidémie. Renforcer le port du masque est donc nécessaire ». Une position qui semble partagée par une majorité de soignants.Aurélie Haroche