
D’où l’intérêt de cet essai prospectif randomisé et contrôlé qui s’est proposé d’évaluer l'efficacité d'un apport protéique élevé de 2,0 à 2,2 g/kg/jour et d'un exercice physique précoce par rapport à un apport protéique recommandé de 1,4 à 1,5 g/kg/jour et à une kinésithérapie de routine, sur le pronostic des patients en état critique. Une version résumée du score de composante physique (PCS) de l'échelle d’évaluation de la qualité de vie SF-36 a été utilisée comme mesure principale des résultats après 3 et 6 mois de randomisation. Les critères d'évaluation secondaires comprenaient la mesure de la perte de force musculaire liée au séjour en USC sur la force de préhension à la sortie de l’unité, la durée de la ventilation mécanique, la durée du séjour en USC et la mortalité en USC, ainsi qu’à l'hôpital.
Tous les patients sous ventilation mécanique devaient séjourner en USC pendant au moins 4 jours pour être éligibles après randomisation. Ont été exclus les femmes enceintes et les patients moribonds, sous ventilation pendant plus de 96 h avant l'inclusion, incapables de marcher sans assistance avant l’hospitalisation, avec déficience cognitive grave avant l'hospitalisation, avec maladies neuromusculaires qui compromettraient le sevrage de la ventilation, avec fracture pelvienne aiguë, traumatisme rachidien instable, ou pathologie hépatique grave. Enfin, certains patients n’ont pu être inclus dans le programme d'exercices de résistance en raison de facteurs limitatifs temporaires : curarisation, fortes doses d’inotropes, ventilation mécanique avec une FiO2 ≥ 60 % et/ou une PEEP ≥ 12 cm H2O, hypertension intracrânienne, abdomen ouvert et état épileptique non contrôlé.
Un meilleur taux de survie
Cent quatre-vingt-un patients ont été inclus : 87 dans le
groupe exercice et alimentation hyperprotéinée (HPE) et 94 dans le
groupe témoin. Les patients du groupe HPE ont été soumis à deux
séances quotidiennes de 15 minutes de vélo ergométrique ; la
résistance du vélo ergométrique a été augmentée progressivement au
cours de la première semaine. Ces séances ont commencé
immédiatement après la randomisation et se sont poursuivies jusqu'à
la sortie de l'hôpital, le décès ou 21 jours de séjour dans l'étude
(selon l’éventualité première). Dans le groupe témoin, les patients
ont été soumis au protocole de physiothérapie de l'USC qui
comprenait des mouvements passifs et actifs au moins deux fois par
jour.
La calorimétrie indirecte a déterminé la dépense énergétique
et a guidé l'apport calorique des patients randomisés dans le
groupe HPE et dans le groupe témoin.
Cet essai prospectif randomisé et contrôlé, indique qu'un apport élevé en protéines et un entraînement physique améliorent la qualité de vie physique des patients en état critique malades, à 3 et 6 mois, réduisent le taux de mortalité et la diminution de la force musculaire (mesurée par la force des poignées). Résultats prometteurs qui doivent être néanmoins confirmés par d'autres essais contrôlés multicentriques et randomisés qui devront tenir compte des limites de cette étude, à savoir : le protocole nutritionnel n'a pas été réalisé en aveugle par le personnel, ce qui peut introduire un biais ; bien que la calorimétrie indirecte ait été utilisée chez tous les patients, seules quelques mesures ont été rapportées chez certains d'entre eux en raison des limitations inhérentes à la ventilation mécanique (FiO2 ou PEP élevée) ou au sevrage rapide de la ventilation ; il n'a pas été possible de mesurer la force de préhension de tous les patients. Enfin, les patients particulièrement instables ont été exclus de l’étude, par définition, or ce sont eux qui perdent rapidement leur force musculaire.
Dr Bernard-Alex Gaüzère