Faut-il cesser le dépistage massif ?

Paris, le vendredi 7 janvier 2021 – Face au variant Omicron et à sa très forte contagiosité, nombreux sont ceux qui préconisent de cesser le dépistage massif de la population, qui aurait perdu son utilité.

Ce mercredi, ce sont plus de 330 000 tests positifs au Covid-19 qui ont été comptabilisés en seulement 24 heures. Un chiffre d’autant plus impressionnant que la France n’avait jamais compté plus de 100 000 contaminations par jour il y a encore deux semaines. Cette hausse des cas s’explique bien sur par la forte contagiosité du variant Omicron, mais aussi par un nombre impressionnant de tests pratiqués. La France est l’un des pays qui dépiste le plus sa population : dans la semaine du 27 décembre, ce sont 8,3 millions de tests qui ont été réalisés. Et ce chiffre risque encore d’augmenter dans les prochains jours avec les différentes versions du protocole sanitaire à l’école (voir notre article du jour sur ce thème).

L’exemple de l’Ontario

Sachant que le variant Omicron est moins pathogène et provoque moins d’hospitalisations que les variants précédents, certains commencent à s’interroger sur la pertinence de ce dépistage massif, qui donnerait aux Français une fausse impression sur la gravité de l’épidémie actuelle. Le Dr Gérald Kierzek, connu pour ses positions « rassuristes », a ouvert le débat ce mardi au micro du Figaro Live. Selon lui, « le variant Omicron n’est plus dangereux » et il faut donc « arrêter de tester, le tester-tracer-isoler n’a plus de sens », soulignant que la plupart des 300 000 contaminés quotidiens « ne sont pas malades ». Une proposition reprise le même jour sur CNews par l’épidémiologiste Martin Blachier qui estime que « cette vague Omicron a été un phénomène de panique fabriquée par du testing massif » et dit comprendre les jeunes qui ne se font pas tester pour éviter l’isolement.

L’arrêt du dépistage massif aurait un intérêt économique certain. Les tests ont en effet coûté 6 milliards d’euros en 2021 à l’Assurance maladie (dont un milliard au mois de décembre) tandis que l’isolement des contaminés et des cas contacts non-vaccinés désorganise la société. Le Dr Kierzek propose donc un dépistage ciblé, limité aux personnes à risque, dans le cadre d’une stratégie plus générale basé sur l’immunité naturelle. Une région du monde a déjà sauté le pas : la province canadienne de l’Ontario. Par manque de tests disponibles, la plus grande province du Canada a totalement modifié ses règles de dépistage. Depuis le 1er janvier, les tests PCR sont réservés aux personnes à risque symptomatiques (et étonnamment aux Amérindiens). Les sujets présentant des symptômes légers ne sont plus invités à se faire tester, tandis que les cas contacts vaccinés n’ont plus à s’isoler. Une autre province canadienne, la Colombie-Britannique, a également décidé de cesser la distribution d’autotests aux personnes asymptomatiques.

« Rassuristes » contre « alarmistes », l’éternel débat

La proposition des Dr Kierzek et Blachier est vivement critiqué par les médecins et épidémiologistes « alarmistes », qui considèrent que le dépistage massif reste une arme utile dans la lutte contre l’épidémie. Selon le Professeur Gilles Pialoux, chef du service des maladies infectieuses à l’hôpital Tenon, il est encore trop tôt pour affirmer qu’Omicron n’aura pas d’impact majeur sur les hospitalisations. Pour Catherine Hill, épidémiologiste à l’Institut Gustave Roussy, il faudrait au contraire augmenter le dépistage pour tuer dans l’œuf les foyers épidémiques comme en Australie ou en Chine. Le biologiste Thomas Hottier souligne quant à lui que le dépistage massif permet d’anticiper l’évolution de l’épidémie, d’analyser les comportements à risque et d’adapter la réponse publique. « Nos laboratoires nous donnent une vraie visibilité » explique-t-il.

Sans prendre partie dans ce débat complexe, on constatera que la gestion de l’épidémie donne lieu depuis deux ans à différentes modes et qu’une nouvelle idée chasse rapidement l’autre. Car si certains proposent aujourd’hui l’arrêt du dépistage massif en se basant sur le modèle canadien, d’autres il y a un peu plus d’un an préconisait au contraire le dépistage de toute la population en se basant sur le modèle slovaque !

Nicolas Barbet

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Vos réactions (3)

  • Mais où va-t-on ?

    Le 08 janvier 2022

    J'ai publié une tribune dans JIM.FR "Déferlante Omicron : il ne faut plus isoler les porteurs asymptomatiques et les cas contacts".
    https://www.jim.fr/medecin/actualites/pro_societe/e-docs/deferlante_omicron_il_ne_faut_plus_isoler_les_porteurs_asymptomatiques_et_les_cas_contacts_190529/document_edito.phtml

    Je suis donc tout à fait d'accord avec le Dr M. Blachier et le Dr Kierzek. J'indiquais la nécessité aussi de laisser tranquille les enfants dans les écoles (eux sont vraiment"emmerdés") non seulement en arrêtant les dépistages mais aussi en supprimant le port obligatoire du masque.
    Plus le virus est transmissible et moins les gestes barrières sont efficaces. Nos autorités réfléchissent à rendre le FFP2 obligatoire à l'Ecole. Mais où va-t-on ?

    Pr Dominique Baudon

  • Des milliards réellement bien investis dans les tests antigéniques ?

    Le 09 janvier 2022

    Une prépublication confirme que les tests antigéniques ne détectent pas bien une infection par le variant Omicron dans les premiers jours de l'infection (1), les résultats ayant été discordants entre les PCR et les tests antigéniques.

    Par ailleurs, bon courage pour l'entourage des cas contacts vaccinés, en autosurveillance avec des tests antigéniques ; il vaut mieux qu'ils ne présentent pas de critères de vulnérabilité.


    1. medRxiv (2022; DOI: 10.1101/2022.01.04.22268770)
    2. https://www.lesechos.fr/economie-france/social/exclusif-covid-la-ruee-sur-les-tests-a-coute-1-milliard-deuros-en-decembre-1376433

    Dr Johannes Hambura

  • Gabegie

    Le 10 janvier 2022

    Le grand délire des "tests massifs" perdure depuis le début de la pandémie, pour le plus grand bénéfice de ceux qui les commercialisent et la plus grande ruine de la protection sociale.

    Les études épidémiologiques sont indispensables, et doivent être menées avec méthode (sur des échantillons rigoureusement qualifiés et calibrés, avec un protocole de test précis et contextualisé).
    Un test est utile encore pour préciser le diagnostic médical d'une forme inquiétante quand son résultat conditionnera absolument la conduite à tenir.

    En dehors de ces contextes exceptionnels, tout sujet suspect d'être contaminé par le virus doit uniquement s'isoler (c'est-à-dire simplement n'être en contact avec aucune personne à risque) le temps nécessaire pour juger cliniquement qu'il ne sera pas une source de contamination.

    Certes il semble impossible d'arrêter la circulation du variant actuel, et cette circulation pourrait favoriser une immunité générale, avec un risque faible si les précautions sont vraiment prises envers les personnes à risque - et notamment si tout le monde est effectivement bien vacciné !

    Néanmoins, tant que les infectés refusent de s'isoler et que les non vaccinés persistent à le rester, la circulation virale contribue à l'incidence des admissions hospitalières et des décès en réanimation. En outre, la forte prévalence virale favorise l'émergence de nouvelles souches par dérive génétique voire par recombinaisons dont on ne sait ce qu'elles nous réservent.

    Mais en aucun cas les tests à tout va n'apportent le moindre bénéfice en santé publique. Au contraire leur usage est en pratique tragiquement détourné pour se dispenser d'un prudent isolement et même d'être vacciné.

    Le mésusage des tests diagnostiques ne date pas d'hier, mais l'épisode que nous connaissons en restera certainement un exemple historique.

    Dr Pierre Rimbaud

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