
Clermont-Ferrand, le mardi 20 janvier 2015 – Branle-bas de combat hier à Clermont-Ferrand. Alors que plusieurs médias se faisaient l’écho des protestations de l’association « Osez le féminisme » contre une fresque présente à l’internat du CHU de Clermont-Ferrand et qui, selon l’organisation, mimait le viol collectif de Marisol Touraine et de sa loi de santé, le ban et l’arrière ban étaient convoqués. A 9h, le Président de l’Ordre des médecins du Puy-de-Dôme recevait pour une réunion de crise le Doyen de la faculté de médecine, le directeur du CHU et celui de l’Agence régionale de la santé (ARS) afin, indique l’Ordre dans un communiqué, « de donner les suites appropriées à cette affaire inacceptable ». Quelques heures plus tard, le patron du CHU et le Doyen de la faculté de médecine convoquaient à leur tour séance tenante le président des internes clermontais. « Il lui a été enjoint d’effacer dans la journée cette peinture murale et de publier un communiqué condamnant sans réserve sa diffusion » précise une annonce du CHU.
Une image qui n’aurait jamais dû être diffusée
Le syndicat des internes clermontais n’a pas tardé à obtempérer. Alors qu’en fin de journée, des photos montrant des internes en train d’effacer la fresque controversée fleurissaient sur le net, l’avocat de l’organisation faisait paraître le communiqué demandé. Le texte met en évidence le malaise des jeunes médecins, dont le premier motif de confusion semble d’abord la diffusion (sur le site des médecins pigeons) de la fresque avant le dessin en lui-même. « Le président du syndicat des internes de Clermont-Ferrand regrette la diffusion de cette peinture murale qui n’avait pas vocation à sortir de la sphère privée » a en effet expliqué Maître Jean-Sébastien Laloy. Les internes paraissent également fortement regretter le « détournement » qualifié « de déloyal et choquant » qui a été fait de cette peinture qui existait depuis une quinzaine d’années et dont les bulles récemment rajoutées, évoquant sans nuance la loi de santé, en ont profondément modifié la portée. De scène de gaudriole dont l’assimilation à un viol pouvait être sujette à discussion, l’image est en effet devenue un pamphlet politique dont la violence est indéniable. Plus généralement, sans qu’on sache si est uniquement évoquée la fresque avant l’ajout des bulles ou celle-ci dans sa globalité, le président des internes indique « condamner l’image dégradante des femmes et des médecins qui est véhiculée », tout en ajoutant une nouvelle fois « qu’à aucun moment la ministre de la Santé n’est représentée ».
Les médecins ne sont pas assez « Charlie » avec le ministre de la Santé (ou trop ?)
L’honneur pourrait ne pas être sauf. En effet, de l’Ordre des médecins au ministère de la Santé en passant par le CHU, on attend des poursuites et des sanctions des auteurs (de la fresque ou des bulles ?). Le débat par ailleurs ne s’est pas limité à cette seule fresque et à son détournement. Certains dans les rangs du parti socialiste en ont profité pour dénoncer la violence des attaques dont le ministre de la Santé est victime depuis plusieurs semaines à l’occasion de l’élaboration de la loi de santé. L’entourage du ministre de la Santé a ainsi fait remarquer que cette dernière est « l’objet d’une série d’attaques sur les réseaux sociaux qui la vise personnellement de la part de médecins. Les auteurs n’hésitent pas à proférer des menaces violentes et insupportables, qui l’auraient été en toutes circonstances et qui sont très éloignées de la responsabilité qu’exige la période actuelle » a-t-on ainsi fait savoir.
Des médecins qualifiés de « super zéros » par un ministre !
Outre ce tacle contre les méthodes des médecins, ce fut une nouvelle fois l’occasion pour certains de s’émouvoir du machisme des salles de garde. Laurence Rossignol, ministre de la Famille, a ainsi commis un tweet (dont certains pourraient estimer qu’il n’est peut-être pas à la hauteur de la période actuelle et en tout cas peu respectueux d’un corps de métier qu’on ne peut sans doute pas résumer à cette seule fresque… ) fustigeant : « Ces médecins super-zéros qui se prennent pour des super héros et font l’apologie du viol collectif ». Au ministère de la Santé, on s’est contenté de remarquer que l’esprit carabin ne peut tout excuser.
« Je suis interne »
Il n’y eut donc finalement que peu de défenseurs de cette fresque, il est vrai peu glorieuse, si ce n’est quelques internes sur les réseaux sociaux regrettant la disparition d’une image présente dans un « cadre privée » et qui avant l’apposition des bulles pouvait n’être qu’une scène de sexe sans finesse. Enfin, plus rares encore ont été ceux qui ont osé en appeler à la liberté d’expression. Seul un interne s’y est risqué. Publiant sur le site des médecins pigeons (encore !) la photo de la fresque en train d’être effacée, il a commenté en référence à la mobilisation récente après les attentats du 7 janvier : « Je suis Clermont, je suis interne. Liberté d’expression ».
Aurélie Haroche