
L’étude fait grand bruit et de nombreux media s’en sont fait l’écho ces derniers jours. Elle concerne l’impact de la consommation d’aliments ultra-transformés* sur le risque cardio-vasculaire. La consommation de ce type d’aliments a augmenté dans de nombreux pays au cours des décennies passées. Ils constitueraient actuellement, selon les pays, entre 25 % et 60 % de l’apport total énergétique journalier. Or, certains travaux ont déjà montré le lien entre la consommation de ces produits et l’incidence des dyslipidémies de l’enfant, et un risque supérieur de surpoids, d’obésité et d’hypertension artérielle. L’étude prospective NutriNet Santé menée en France a aussi alerté sur un risque supérieur de cancer et particulièrement de cancer du sein chez les plus grands consommateurs d’aliments ultra-transformés.
Le dossier à charge s’alourdit encore, avec la publication par le British Medical Journal de nouveaux résultats de NutriNet Santé. Ce volet de l’étude concerne plus de 100 000 participants, entrés dans l’étude entre 2009 et 2018 et avec un suivi médian de 5,2 ans. Dans cette large cohorte, une augmentation de 10 points du pourcentage d’aliments ultra-transformés consommés est associée à une augmentation de 12 % du risque cardio-vasculaire total, de 13 % du risque de coronaropathie et de 11 % du risque cérébro-vasculaire. Ces résultats restent significatifs après ajustement pour plusieurs marqueurs de la qualité nutritionnelle de l’alimentation (acides gras saturés, consommation de sucres et de sel, de fibres alimentaires, etc.).
Ces aliments ultra-transformés flattent le goût, sont pratiques à consommer et réputés pour être microbiologiquement sûrs. Mais ils sont aussi de mauvaise qualité nutritionnelle, énergétiquement denses, riches en sucres ajoutés, en graisses saturées, sel, et pauvres en fibres et vitamines. Le mécanisme par lequel ils impactent le risque cardio-vasculaire reste à définir précisément, et il est sans doute complexe. Ces produits sont soupçonnés d’agir sur le contrôle de la satiété, favorisant une augmentation des quantités consommées, et sur la réponse glycémique. Au-delà de la composition elle-même, plusieurs éléments apparaissent pendant le processus industriel (acrylamide, acroléine) qui peuvent avoir un impact sur le risque cardio-vasculaire. Le contact des produits avec les emballages, susceptibles de contenir des substances comme le bisphénol A qui pourrait, lui aussi, augmenter le risque de pathologies cardio-métaboliques. A tout cela s’ajoutent les additifs, qui, bien que le plus souvent sans risque, pourraient agir par leur effet de nombre et auraient pour certains d’entre eux des effets sur le risque cardio-métabolique (glutamate, émulsifiants, sulfites, carraghenane). Enfin, et sans trop de surprise, une consommation élevée de produits ultra-transformés est associée à une faible consommation de fruits et de légumes, qui ont prouvé leurs effets bénéfiques sur la santé.
Pour couronner le tout, une équipe espagnole publie, au même
moment les résultats d’une étude prospective menée sur près de 20
000 participants pendant 19 ans. Elle montre qu’une forte
consommation d’aliments ultra-transformés (plus de 4 plats par
jour) est associée à une augmentation de 62 % de la mortalité toute
cause. Chaque plat supplémentaire augmente le risque de 18 %.
Une seule conclusion s’impose : à vos fourneaux !
*Selon la définition NOVA (classification internationale des aliments, élaborée en 2010 par Carlos Monteiro de l’université de Sao Paulo et que le Dr Anthony Fardet a contribué à populariser en France) : « les aliments hautement transformés (‘ultraprocessed food’) sont des produits avec des formulations industrielles qui comportent plus de 4 ou 5 ingrédients. Ces aliments peuvent comporter des additifs alimentaires, des protéines hydrolysées, des amidons modifiés et/ou des huiles hydrogénées. »
Dr Roseline Péluchon