
Paris, le vendredi 10 mars 2023 – Les autorités haussent le ton face aux dérives sectaires en santé, un phénomène dangereux et en apparente augmentation.
Ce vendredi, des adeptes du « retour sur soi » devaient se retrouver dans le village de Montescot dans les Pyrénées-Orientales pour participer à un stage d’une semaine de « jeûne et de détoxication » organisé par le célèbre naturopathe Thierry Casasnovas. Sauf que le chantre de la naturopathie ne pourra vraisemblablement pas les accueillir : la veille il a été arrêté à son domicile par la gendarmerie et placé en garde-à-vue. Il devrait être présenté ce vendredi à un juge en vue d’une mise en examen pour abus de faiblesse, exercice illégal de la médecine et escroquerie. L’un de ses associés a également été interpellé.
Youtuber prolifique aux plus de 600 000 abonnés, Thierry Casasnovas détient un triste record : il est la personnalité qui a fait l’objet du plus grand nombre de signalements auprès de la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes), avec plus de 600 saisines au total, dont 54 en 2021. Dans ses vidéos, le perpignanais de 48 ans fait la promotion du jeûne et du crudivorisme, un régime alimentaire consistant à se nourrir exclusivement d’aliments crus et dont les effets bénéfiques sur la santé n’ont bien sûr jamais été prouvés (il est même fortement déconseillé par les nutritionnistes).
« Un cancer ce n’est pas grand-chose »
Selon ce gourou proche des milieux d’extrême-droite, les maladies sont toujours la conséquence d’une mauvaise hygiène de vie. « Un cancer ce n’est pas grand-chose et ce n’est surtout pas une maladie, c’est une alarme qui te dit qu’il faut que tu changes quelque chose dans ta vie » explique-t-il ainsi dans une de ses vidéos.
Des idées loufoques qui pourraient presque faire sourire, si elles n’entraînaient pas des conséquences parfois désastreuses sur la santé de ses adeptes. Thierry Casasnovas incite en effet ses disciples à rejeter la médecine conventionnelle et notamment la vaccination. « Avec moi ministre de la Santé, la Covid serait réglée rapido : bain froid et jeûne pour tout le monde, un petit jus de carottes et on vas-y que je t’envoie » déclarait-t-il ainsi pendant la campagne vaccinale contre la Covid-19. Le gourou marchande évidemment son aura, vendant des formations ineptes et commercialisant divers produits tels que des extracteurs de jus.
L’arrestation de Thierry Casasnovas coïncide avec l’organisation ces jeudi et vendredi à Paris des assises des dérives sectaires. Sous l’égide de la secrétaire d’Etat chargée de la citoyenneté Sonia Backès (elle-même ancienne scientologue !), différents intervenants (policiers, magistrats, associations, anciennes victimes…) vont discuter des moyens pour renforcer la lutte contre les sectes et vont « définir une feuille de route pluriannuelle de la lutte contre les dérives sectaires comprenant des mesures concrètes et fortes » selon la secrétaire d’Etat. Des assises qui interviennent quatre mois après la publication du dernier rapport de la Miviludes, qui faisait était d’une hausse de 50 % des signalements pour dérives sectaires entre 2015 et 2021.
Comment les sectes profitent du désespoir des patients
Sur les plus de 4 000 saisines de la Miviludes en 2021, 20 % environ concernaient le domaine de la santé. Nombreux sont en effet les patients en errance thérapeutique qui, en désespoir de cause, se tournent vers des sectes pour tenter de soulager leurs souffrances. Un phénomène qui n’a fait qu’augmenter avec la pandémie de Covid-19, qui a mis à mal la confiance de certains dans la médecine moderne et favorisé l’émergence de théories complotistes en tout genre.
« Les sectes se positionnent là où elles savent très bien qu’il y a des adeptes potentiels or on est tous confrontés un jour ou l’autre à des problèmes de santé, directement ou indirectement » explique Pascale Duval, porte-parole de l’Unadfi (Union nationale des associations de défense des familles et de l’individu victimes de sectes). La moitié des personnes qui contactent cette association (qui a porté plainte contre Thierry Casasnovas) le font pour des questions liées à la santé de victimes de sectes.
Petit à petit, la lutte contre les pseudo-sciences et les dérives sectaires en santé se renforce. L’an dernier, le site de prise de rendez-vous médicaux en ligne Doctolib a supprimé le compte de 17 naturopathes à la demande de l’Extracteur, un collectif « informant sur les dangers de certaines pseudo-alternatives en matière de santé, de médecine et d’alimentation ». Certains gourous sont contraints par la justice d’assumer les conséquences de leurs actes : en octobre 2021 le naturopathe Miguel Barthéléry a été condamné à deux ans de prison avec sursis pour le décès de deux de ses adeptes, qui avaient arrêté leur traitement contre le cancer sur ses conseils.
Thierry Casanosvas espère lui se prémunir contre ce genre de condamnation en précisant sur son site que ses conseils « ne remplacent en aucune façon une consultation médicale ou les conseils de tout autre professionnel de santé ». Un signe que lui-même ne croit pas à ses affabulations.
Grégoire Griffard