
Paris, le mercredi 7 juin 2023 – Malgré le recul de l’épidémie de Covid-19, la « surmortalité » a augmenté en 2022 par rapport aux années précédentes.
Si l’année 2022 a été celle du retour à « la vie d’avant » avec la levée de toutes les mesures sanitaires, le recul de l’épidémie de Covid-19 n’aura pas mis fin à la forte hausse de la mortalité observée ces dernières années. Des premiers chiffres non consolidés de l’Insee publiés en janvier dernier montraient déjà que l’année 2022 avait connu quasiment autant de décès que les années 2020 et 2021, pourtant les plus sévères de l’épidémie. Les chiffres consolidés publiés par l’Insee ce mardi confirment cette première impression : 675 000 personnes sont décédées en France en 2022, soit 0,9 % de plus qu’en 2020 (668 900 morts) et 2 % de plus qu’en 2021 (661 600 morts).
Dans cette nouvelle étude statistique sur la mortalité ces dernières années, l’Insee se concentre sur la notion de surmortalité, c’est-à-dire la différence entre le nombre de décès observés et le nombre de décès attendus. Ce dernier chiffre s’obtient en conjuguant deux facteurs allant en sens inverse : la hausse normale de la mortalité due au vieillissement et à l’augmentation de la population, et la baisse attendue en raison de la diminution du risque de décès à chaque âge observé (due au progrès de la médecine et au recul des comportements à risque).
8,7 % de surmortalité en 2022
Selon ce calcul, sans événement inattendu (et notamment sans la Covid-19), seulement 621 200 personnes auraient « dû » mourir en 2022 et non pas 675 000, soit une surmortalité de 53 800 personnes (8,7 %). C’est plus qu’en 2020 (48 400 morts supplémentaires, 7,8 %) et en 2021 (42 700 décès supplémentaires, 6,9 %).
Une tendance à la hausse étonnante quand on sait que le nombre de décès dus à la Covid-19 a fortement diminué en 2022, tout à la fois grâce à la vaccination et à l’arrivée du variant Omicron : 38 300 sujets sont morts de la Covid-19 en 2022, contre 64 400 en 2020 et 59 100 en 2021. L’Insee rappelle d’ailleurs que le nombre de décès supplémentaire et celui des morts liés à la Covid-19 ne se confondent pas : certains morts de la Covid-19 étaient des décès attendus (notamment les personnes très âgés et malades), tandis que certains décès « inattendus » n’ont pas été liés à la Covid. Le nombre de décès supplémentaires depuis mars 2020 (153 500) est d’ailleurs inférieur à celui des morts imputés à la Covid-19 (162 000).
Les causes de cette surmortalité exceptionnelle observés en 2022 seraient donc à aller chercher ailleurs. L’Insee avance plusieurs pistes et en premier lieu les fortes chaleurs, l’année 2022 ayant été marquée par plusieurs épisodes caniculaires. Une surmortalité de 13 % a ainsi été observée en juillet 2022 (contre 1 % en 2021). Autre explication, l’année 2022 a comporté, de manière inhabituelle, deux épidémies de grippe, l’une tardive en mars-avril (favorisée par la levée des mesures barrières) et l’autre en décembre.
Le dernier mois de l’année 2022 a d’ailleurs connu une surmortalité exceptionnelle de 25 %, du jamais vu depuis les mois de mars 2020 (33 % de surmortalité) et de novembre 2020 (31 % de surmortalité), marqués par des vagues épidémiques de covid intenses. Enfin, l’Insee évoque les causes indirectes en rapport avec l’épidémie de Covid-19 comme les reports d’opérations ou le recul du dépistage, mais une étude plus approfondie des causes de décès doit être menée pour confirmer cette hypothèse.
Forte hausse de la surmortalité chez les jeunes
La surmortalité est assez proche chez les femmes (8 %) et les hommes (9 %) mais a plus fortement augmenté chez les femmes (elle n’était que de 5 % en 2021). La surmortalité touche toutes les classes d’âge, même si les 75-84 ans sont les plus fortement touchés (11 % de surmortalité). La situation des 15-34 ans est à cet égard préoccupante : ils ont connu en 2022 une surmortalité de 10 % (600 décès de plus qu’attendus) alors qu’ils présentaient une sous-mortalité (- 1,3 %) en 2020. La hausse des accidents mortels de la circulation dans cette classe d’âge (+ 12 % en 2022) est l’une des explications possibles de cette surmortalité.
On le voit l’interprétation des chiffres bruts de mortalité est loin d’être un long fleuve tranquille.
Quoi qu’il en soit, si cette tendance à l’augmentation de la surmortalité se confirme et que dans le même temps la natalité continue de baisser, la population française pourrait bien commencer à diminuer dans les prochaines années.
Quentin Haroche