Une abondante littérature indique que l’insuffisance rénale
chronique est un des principaux facteurs indépendants de risque
cardiovasculaire.
Le but de ce travail prospectif était de rechercher l’éventuelle
contribution de certains facteurs de risque cardiovasculaire peu ou
pas recherchés en pratique quotidienne au lien observé entre
insuffisance rénale chronique et mortalité.
La population étudiée a été constituée de 4 680 nouveaux patients vus consécutivement entre 1996 et 2005 dans un centre de prévention cardiovasculaire. La fonction rénale a été évaluée à l’aide du calcul de la clairance MDRD (Modification of Diet in Renal Disease). L’insuffisance rénale était définie par une clairance MDRD ≤ 60 ml/min/1,73 m2.
La présence de facteurs de risque « classiques » a été enregistrée lors de l’entrée dans le suivi (hypertension artérielle, cholestérol total, LDL et HDL-cholestérol, triglycérides, glycémie à jeun etc…). Des facteurs de risque moins « routiniers » ont également été recherchés (apo-A1, apo-B, LP(a), fibrinogène, homocystéine et CRP ultrasensible).
Il a été enregistré 278 décès au cours du suivi d’une durée médiane de 22 mois.
Après ajustement sur les facteurs de risque dits classiques, il ressort que l’insuffisance rénale est fortement corrélée à la mortalité toutes causes confondues (risque relatif [RR] : 2,31 ; intervalle de confiance à 95 % [IC] : 1,77-3,11 ; p < 0.001).
L’analyse fine indique que, de l’ensemble des facteurs de risque considérés, seuls l’ajustement sur le niveau de fibrinogène et sur l’homocystéinémie réduit la corrélation entre insuffisance rénale et risque de décès (RR : 1,73 ; IC : 1,23-2,34 ; p < 0,001).
Les auteurs ont ainsi calculé que 38 % du risque de mortalité associé à l’insuffisance rénale serait liés au fibrinogène et à l’homocystéine.
Il semblerait même y avoir une interaction statistique entre homocystéinémie et clairance MDRD (p : 0,004) ; à tel point que la mortalité des patients ayant une homocystéinémie basse (< 10 μmol/l) était identique à celle des patients sans insuffisance rénale, alors que celle des patients ayant une hyperhomocystéinémie (≥ 12.5 μmol/l) était multipliée par un facteur 7 par rapport aux témoins.
Cette étude suggère donc que, si l’insuffisance rénale chronique
est bien un facteur de risque indépendant de décès, le lien
statistique observé entre insuffisance rénale et mortalité
s’explique probablement au moins en partie par le biais du
fibrinogène et de l’homocystéine plasmatiques.
Ces résultats mériteront bien évidemment d’être confirmés par des
travaux de bonne méthodologie.
Dr Olivier Meillard