
Éviter une radicalisation de l’opinion en levant les tabous
Cependant, aujourd’hui, le chef de l’État souhaite une
nouvelle politique concernant l’immigration, qui accepte de
s’attaquer à certains tabous. « L’idée est de prendre les
devants, d’anticiper un bouleversement mondial en matière de
migrations et d’éviter une radicalisation de l’opinion »
explique cité la semaine dernière dans les Échos un proche du
président de la République. Or, objet de fantasmes récurrents,
tandis que son budget a continuellement progressé ces dernières
années, l’AME semble devoir faire partie aux yeux du chef de l’État
des sujets à aborder.
Filières
Emmanuel Macron n’ignore pas que la question pourrait diviser
fortement sa majorité et suscite déjà des divergences parmi ses
plus proches. Ces derniers jours, certains ont en effet dénoncé ou
signalé des tendances "suspectes". De manière évasive, le ministre
de l’Intérieur, Christophe Cataner a ainsi estimé nécessaire de
réfléchir à la question du « phénomène de migration
sanitaire ». Plus concrètement, le délégué général de la
République en Marche (LREM) Stanislas Guérini a évoqué à la tribune
de l’Assemblée nationale l’existence de filières destinées au
remboursement de prothèses mammaires. Ces propos ont semblé
s’appuyer sur des signalements de la Société francophone de
transplantation, concernant non seulement des prothèses mammaires
mais également d’autres prises en charge. « Depuis quelques
années, nous constatons l’afflux de patients réfugiés (Ukraine,
Géorgie, Albanie, etc.) qui amenés par des passeurs, arrivent dans
nos services d’urgence, en situation très précaire, nécessitant par
exemple des séances de dialyse immédiate et désirant rapidement
s’inscrire sur nos listes de greffe de rein » relève ainsi
l’organisation dans une lettre au Comité consultatif national
d’éthique.
Étonnement et ignorance d’Agnès Buzyn
Cependant, même si l’existence d’abus était avérée, d’autres
au sein du gouvernement et de la majorité refusent toute
stigmatisation et remise en cause trop drastique de l’AME. Ainsi,
le ministère de la Santé s’est toujours montré très réticent à
critiquer ce système. Invitée à réagir aux propos de Stanislas
Guérini, Agnès Buzyn a ainsi paru la semaine dernière étonnée de
cet exemple et a rappelé que le remboursement des prothèses
mammaires ne pouvait se faire que dans le cadre d’une réparation
après chirurgie pour un cancer du sein. « Je n’ai aucune
information particulière (…). Il y a toujours un travail pour
lutter contre la fraude mais pas particulièrement les prothèses
mammaires (…). Je n’ai pas eu le temps de vérifier et en tout cas
ça ne m’a pas été rapporté » a souligné le ministre de la
Santé.
Différence entre principe légitime et fraudes à combattre
Inquiétude sur les soins psychiatriques
Face à ce sujet complexe, le gouvernement, qui a rappelé par
la voix d’Edouard Philippe son attachement au principe de l’AME,
pourrait s’orienter vers une redéfinition du panier de soins, afin
de mieux contrôler certaines dérives et mettre un terme à divers
fantasmes (les actes de procréation médicalement assistée et les
cures thermales par exemple ne sont pas pris en charge par l’AME).
Cette perspective inquiète cependant les associations qui depuis le
début de l’été rappellent que loin d’avoir un effet incitatif, la
complexité du dispositif et ses conditions d’accès contribuent
plutôt à un recours insuffisant aux soins des bénéficiaires
potentiels. Concernant plus précisément les types d’actes pris en
charge, elles mettent en garde contre des restrictions qui
pourraient conduire à des situations très dommageables pour les
patients. Ainsi, le Syndicat des psychiatres des hôpitaux (SPH) a
récemment insisté sur l’importance de conserver les soins
psychiques dans le giron de l’AME.
Un système très scruté
Un rapport commandé par le gouvernement sera rendu
prochainement et sera le point de départ aux débats parlementaires
à venir. Il permettra notamment de faire le point sur les
évolutions budgétaires du dispositif, évolutions qui ont déjà été
interrogées par le passé à plusieurs reprises. Les rapports avaient
majoritairement conclu que ni la fraude ni les abus ne semblaient
majoritairement en cause dans les augmentations constatées, mais
plus certainement des spécificités de gestion (tel au début de la
décennie un meilleur contrôle des droits par les hôpitaux ayant
contribué à une amélioration des mises en recouvrement). Pour les
associations, en outre, les coûts élevés sont également liés en
partie aux retards de soins des étrangers sans papier, ce qui
favorise parfois la mise en œuvre d’actes plus onéreux.
Moins qu’un bénéficiaire de la CMU-C
Aurélie Haroche