
Selon les pays la réglementation nationale interdisant le tabagisme à l'intérieur des lieux publics (TLP) a varié dans son application. Au Danemark l'interdiction date de 2007 alors qu'en Suisse elle date de 2010. A. Strassmann et coll. ont mis à profit cette différence pour entreprendre une étude « quasi expérimentale ». Ce type d'étude évalue en épidémiologie l'impact d'une intervention dans une population sans qu’il y ait eu de tirage aléatoire.
Lorsque des procédures importantes s’appliquant à des cohortes différentes sont décalées chronologiquement comme ici, une telle étude peut être mise en place : le groupe exposé est celui où la procédure a été appliquée (ici les adultes Danois pour le bannissement du TLP, BTLP) et le groupe contrôle celui où le BTLP n’était pas encore acté (les adultes Suisses). Les auteurs font l'hypothèse que cette différence dans la chronologie du BTLP a pu résulter en une variation différente du comportement tabagique et de la fonction respiratoire, étant entendu qu’en l’absence de randomisation le qualificatif de « quasi expérimental(e) » doit être spécifié.
De plus une technique statistique spéciale à ce type d'étude où la relation de causalité entre une intervention (interdiction du TLP) et les éléments observés après l’intervention ne peut être affirmée indiscutablement du fait du caractère non aléatoire de la distribution des cohortes a été utilisée appelée " approche de l'écart des différences", qui aide à évaluer les relations de causalité.
Moins de fumeurs et une meilleure fonction respiratoire pour la population générale
Le résultat est une vaste étude incluant 62 093 Danois et 31 807 Suisses. La situation des participants vis-à-vis du tabac était classée en tabagisme actif, tabagisme sevré et absence de tabagisme. La spirométrie a évalué la capacité vitale forcée (CVF) et le volume maximal expiré par seconde (VEMS). La proportion de « tabagiques » actifs entre 2005 et 2010 a évolué au Danemark (médiane, intervalle de confiance à 95 % [IC95]) chez les femmes de 24 % (21 – 28) à 15 % (11 – 18) et chez les hommes de 27 % (23 – 30) à 16 % (12 – 19) alors que chez les Suisses qui n’avaient pas expérimenté dans le même intervalle de temps le BTLP les résultats variaient chez les femmes de 19 % (15 – 22) à 14 % (10 – 17) et chez les hommes de 23 % (20 – 26) à 19 % (16 – 23).
Les auteurs calculent que le BTLP Danois est à l’origine d’une baisse du tabagisme actif de 39 % dans la population générale à comparer au chiffre de 22 % en Suisse. Concernant la spirométrie, la valeur exprimée en médiane (IC 95) du VEMS après 3 ans de BTLP au Danemark était supérieure de 74 mL (51 - 98) à la Suisse. La CVF était supérieure de 126 mL (97 -155) au Danemark comparé à la Suisse. Chez les personnes n'ayant jamais fumé, le VEMS était supérieur dès la 2e année de 65 mL (33 - 97) au Danemark et pour la CVF l’écart à 3 ans était de 99 mL (59 -139), ce qui laisse envisager une possible responsabilité du tabagisme passif.
En conclusion les auteurs indiquent que le BTLP entraîne une diminution du tabagisme et une amélioration de la fonction respiratoire dans la population générale. Les directives institutionnelles pourraient donc influencer le comportement tabagique et diminuer le tabagisme passif.
Dr Bertrand Herer