Importance d’un traitement antirétroviral optimal face au risque de coronaropathie dans l’infection à VIH

L'introduction des thérapies antirétrovirales combinées notamment des trithérapies au milieu des années 1990 a transformé le pronostic de l’infection par le VIH qui est devenue une maladie chronique à part entière, alors qu’elle était une condition mortelle. L’éradication du virus grâce à ces traitements a changé la donne, mais la survenue de comorbidités multiples limite toujours l’espérance de vie des patients atteints de cette infection (VIH+).

La maladie cardiovasculaire incluant la maladie coronarienne constitue dans ce contexte la principale cause de morbi-mortalité. Dans l’étude de cohorte MACS (Multicenter AIDS Cohort Study), il a été établi que la prévalence de l'athérosclérose coronarienne était plus élevée chez les hommes séropositifs que chez les hommes non infectés par le VIH (VIH-).

Par ailleurs, une relation entre la sévérité des sténoses coronariennes et le nombre de lymphocytes T CD4+ a été suggérée au terme de cette étude. Les mécanismes à l’origine de ces associations restent mystérieux, encore que l'infection par le VIH non traitée soit associée à une suractivation du système immunitaire et à une inflammation systémique. Les " blips " viraux, pour leur part, sont définis comme une virémie transitoire de faible niveau, la charge virale étant <500 copies/ml.

Ils concerneraient jusqu’à 10 % des patients séropositifs traités avec un succès apparent. Leur signification est loin d’être univoque, puisqu’ils pourraient relever de trois mécanismes : imprécision des mesures, observance thérapeutique sous-optimale ou encore libération du virus à partir de réservoirs. Leur impact sur la progression de l’athéromatose coronarienne est inconnu.

Risque de progression des sténoses coronariennes multiplié par deux en cas de virémie mal contrôlée


Dans le cadre de l’étude MACS, des coroscanners ont été réalisés de manière itérative chez des patients VIH+ traités et des témoins VIH-. L’intervalle médian entre deux examens a été de 4,5 années. Les sténoses coronariennes ont été classées selon leur sévérité 0, 1-29, 30-49, 50-69 ou ≥70 %.

Leur progression a été définie par un saut quantitatif ≥ 2 catégories. L’infection était considérée comme totalement contrôlée en cas de charge virale < 50 copies/mL, ce qui n’excluait pas la survenue de blips (< 500 copies/ml). Dans les autres cas de figure, la virémie n’était pas contrôlée. Les données ont été traitées à l’aide d’une analyse multivariée du type régression de Poisson, avec ajustement selon les facteurs de confusion potentiels.

L’analyse a finalement porté sur 310 hommes VIH+ (dont 31 % avec virémie non contrôlée) et 234 hommes VIH- appariés selon l’âge (âge médian = 53 ans). En cas de virémie, le risque de progression des sténoses coronariennes a été multiplié par plus de deux, le risque relatif (RR) étant en effet estimé à 2,30 (intervalle de confiance à 95 % IC 95 %, 1,32-4,00, p = 0,003 versus virémie contrôlée).

En revanche, aucune différence de ce type n’a été mise en évidence entre les séropositifs dont la virémie était < 50 copies/mL et les témoins (RR 1,10 ; IC 95 %, 0,70-1,74, p =NS). Le risque de progression des sténoses coronariennes a été significativement et positivement corrélé à la charge virale (p = 0,03). Dans les cas où cette dernière était > 500 copies/ml, la progression des sténoses a été la plus forte, RR étant estimé à 3,01 ; IC 95 %, 1,53-4,92, p = 0,001 versus les témoins VIH-). En cas de contrôle de l’infection, une observance thérapeutique sous-optimale exposant aux blips a été associée à un risque plus élevé des sténoses coronaires, le RR étant de 1,91 (IC 95 % 1,12-3,24, p = 0,02 versus observance optimale).

Cette étude cas-témoins qui repose, pour l’essentiel, sur l’imagerie (coroscanners répétés) a ses limites. L’aggravation des lésions coronariennes anatomiques chez les patients VIH+ dépendrait du contrôle plus ou moins étroit de la virémie, mais aussi de l’observance thérapeutique. Le risque d’évènements cardiovasculaires pourrait être atténué par un contrôle strict de l’infection et une adhésion optimale au traitement, ce qui demande à être confirmé par d’autres études.


Dr Philippe Tellier

Référence
Post WS et coll. : Suboptimal HIV suppression is associated with progression of coronary artery stenosis: The Multicenter AIDS Cohort Study (MACS) longitudinal coronary CT angiography study. Atherosclerosis 2022 ;353:33-40. doi: 10.1016/j.atherosclerosis.2022.04.019.

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