
La maladie cardiovasculaire incluant la maladie coronarienne
constitue dans ce contexte la principale cause de morbi-mortalité.
Dans l’étude de cohorte MACS (Multicenter AIDS Cohort
Study), il a été établi que la prévalence de l'athérosclérose
coronarienne était plus élevée chez les hommes séropositifs que
chez les hommes non infectés par le VIH (VIH-).
Par ailleurs, une relation entre la sévérité des sténoses
coronariennes et le nombre de lymphocytes T CD4+ a été suggérée au
terme de cette étude. Les mécanismes à l’origine de ces
associations restent mystérieux, encore que l'infection par le VIH
non traitée soit associée à une suractivation du système
immunitaire et à une inflammation systémique. Les " blips " viraux,
pour leur part, sont définis comme une virémie transitoire de
faible niveau, la charge virale étant <500 copies/ml.
Ils concerneraient jusqu’à 10 % des patients séropositifs
traités avec un succès apparent. Leur signification est loin d’être
univoque, puisqu’ils pourraient relever de trois mécanismes :
imprécision des mesures, observance thérapeutique sous-optimale ou
encore libération du virus à partir de réservoirs. Leur impact sur
la progression de l’athéromatose coronarienne est inconnu.
Risque de progression des sténoses coronariennes multiplié par deux en cas de virémie mal contrôlée
Dans le cadre de l’étude MACS, des coroscanners ont été
réalisés de manière itérative chez des patients VIH+ traités et des
témoins VIH-. L’intervalle médian entre deux examens a été de 4,5
années. Les sténoses coronariennes ont été classées selon leur
sévérité 0, 1-29, 30-49, 50-69 ou ≥70 %.
Leur progression a été définie par un saut quantitatif ≥ 2
catégories. L’infection était considérée comme totalement contrôlée
en cas de charge virale < 50 copies/mL, ce qui n’excluait pas la
survenue de blips (< 500 copies/ml). Dans les autres cas de
figure, la virémie n’était pas contrôlée. Les données ont été
traitées à l’aide d’une analyse multivariée du type régression de
Poisson, avec ajustement selon les facteurs de confusion
potentiels.
L’analyse a finalement porté sur 310 hommes VIH+ (dont 31 %
avec virémie non contrôlée) et 234 hommes VIH- appariés selon l’âge
(âge médian = 53 ans). En cas de virémie, le risque de progression
des sténoses coronariennes a été multiplié par plus de deux, le
risque relatif (RR) étant en effet estimé à 2,30 (intervalle de
confiance à 95 % IC 95 %, 1,32-4,00, p = 0,003 versus virémie
contrôlée).
En revanche, aucune différence de ce type n’a été mise en
évidence entre les séropositifs dont la virémie était < 50
copies/mL et les témoins (RR 1,10 ; IC 95 %, 0,70-1,74, p =NS). Le
risque de progression des sténoses coronariennes a été
significativement et positivement corrélé à la charge virale (p =
0,03). Dans les cas où cette dernière était > 500 copies/ml, la
progression des sténoses a été la plus forte, RR étant estimé à
3,01 ; IC 95 %, 1,53-4,92, p = 0,001 versus les témoins
VIH-). En cas de contrôle de l’infection, une observance
thérapeutique sous-optimale exposant aux blips a été associée à un
risque plus élevé des sténoses coronaires, le RR étant de 1,91 (IC
95 % 1,12-3,24, p = 0,02 versus observance optimale).
Cette étude cas-témoins qui repose, pour l’essentiel, sur
l’imagerie (coroscanners répétés) a ses limites. L’aggravation des
lésions coronariennes anatomiques chez les patients VIH+ dépendrait
du contrôle plus ou moins étroit de la virémie, mais aussi de
l’observance thérapeutique. Le risque d’évènements
cardiovasculaires pourrait être atténué par un contrôle strict de
l’infection et une adhésion optimale au traitement, ce qui demande
à être confirmé par d’autres études.
Dr Philippe Tellier