
Une protection des soignants qui signalent des violences à renforcer
Depuis des années, de multiples rapports et plans gouvernementaux de lutte contre les violences faites aux enfants, insistent sur le rôle que peuvent jouer les professionnels de santé dans la détection des violences sexuelles (notamment intrafamiliales) subies par les enfants. Mais, selon des données de l’Ordre des médecins et de la Haute autorité de Santé, seuls 2 à 5 % des signalements des violences touchant les mineurs émanent des médecins. Les raisons de cet état de fait sont multiples. Beaucoup d’infirmiers et de médecins déplorent ainsi tout d’abord un défaut de formation non seulement pour le repérage des signes d’alerte, mais également pour aborder le sujet avec les jeunes patients. Par ailleurs, il existe également une certaine appréhension chez les professionnels d’un manque de protection de la part de la justice. L’assassinat cet été d’une psychologue par un homme dont elle avait peu avant signalé à la police les agressions sexuelles envers un mineur de sa famille a rappelé, de manière extrême, la tension qui existe autour de ces signalements et qui peut freiner l’intervention du professionnel de santé si celui-ci ne se sent pas suffisamment soutenu et en sécurité. « C'est toujours un contexte délicat lorsqu'il s'agit de faits d'agressions sexuelles, d'inceste. On vient toucher à des secrets familiaux et la violence est donc potentiellement présente. Cela se traduit parfois par des altercations verbales très vives avec les personnes concernées, parfois par des dégradations dans les cabinets des psychologues », avait remarqué dans le Parisien, Patrick-Ange Raoult, membre du syndicat national des psychologues, exerçant à Chambéry. « Il faudrait un système discret, pouvoir prévenir les associations, plutôt que la police », avait de son côté proposé le président du Syndicat des médecins libéraux, Philippe Vermesch.La déshérence de la médecine scolaire
Si les pouvoirs publics ne sont pas indifférents à cette
nécessaire réassurance des professionnels, l’heure est cependant
aujourd’hui aux effets d’annonce. Ainsi, en écho aux révélations du
#Metooinceste, le Président de la République, Emmanuel Macron,
avait annoncé le 23 janvier sur Twitter « Deux rendez-vous de
dépistage et de prévention » au primaire et au collège, dédiés
à la détection des violences sexuelles intrafamiliales « seront
mis en place pour tous dans le cycle de visites médicales
obligatoires existantes ». Même s’il s’agit d’une résolution
plus ancienne des pouvoirs publics, dans le cadre d’une
collaboration entre le ministère de l’Éducation nationale et du
secrétariat d’État à l’enfance, une telle promesse ne peut être
qu’un « vœu pieu » dans l’état actuel de la médecine
scolaire, alertent les syndicats du secteur. Et le gouvernement est
loin de l’ignorer. Alors qu’il s’était fixé l’objectif que le bilan
complet prévu à l’âge de six ans qui suppose notamment un dépistage
des troubles du langage et des apprentissages concerne 80 % des
élèves, le caractère systématique de cette visite a été annulé
cette année… il faut dire que pour l’année scolaire 2017-2018,
cette visite (qui se fait souvent en présence des parents…) n’avait
été réalisée que chez 46,5 % des écoliers (soit par des médecins,
soit par des infirmiers). Pour le bilan infirmier de la douzième
année, les chiffres sont à peine meilleurs : il a concerné en 2018
62 % de l’ensemble des élèves selon la Cour des Comptes. Dans ce
contexte, seul un renforcement massif des effectifs de la médecine
scolaire pourrait permettre aux professionnels de santé de se
montrer plus actifs en la matière.
L’engagement de Brigitte Macron
Le manque cruel de temps des équipes de santé scolaires rejaillit également sur la formation des enseignants qui sont cependant eux aussi également très en demande. Il faut « mettre autour d’une table les professeurs, les pédopsychiatres, les directeurs, les parents », a insisté l’épouse du Président de la République, forte de son expérience d’enseignante.Aurélie Haroche