Paris, le vendredi 18 avril 2008 – Ce devait être l’occasion pour les infirmières de s’unir pour une meilleure défense et représentation de leur profession. Ce devait être aussi « la plus grande opération de vote électronique jamais vue sur notre territoire » selon le ministre de la Santé, Roselyne Bachelot. Le bilan, bien que le scrutin destiné à élire les conseillers départementaux du futur Ordre infirmier ne s’achève que le 24 avril est tout autre. « C’est une catastrophe » résume sans ambages Régine Clément, présidente de l’Association pour un Ordre des infirmières et infirmiers de France (APOIIF).
Vacances scolaires
Appelées à voter depuis le 9 avril, les infirmières ont jusqu’à aujourd’hui boudé le scrutin : 7 % des 498 000 professionnelles se sont pour l’heure connectées sur le site internet sécurisé mis en place pour l’occasion. La proportion est un peu plus élevée chez les infirmières libérales (8,6 %), mais des résultats plus décevants encore s’observent chez les infirmières du secteur public (6,2 %) et des cliniques privées (5,8 %). Certaines régions comme l’Ile-de-France sont particulièrement en retard : à Paris (où commencent les vacances scolaires), seules 2 % des infirmières ont voté. L’organisation des élections ne serait pas totalement étrangère à ce fiasco, bien que Régine Clément assure « qu’il n’y a rien à reprocher » au ministère de la Santé sur ce plan. Certains auront cependant remarqué que l’envoi des courriers appelant aux candidatures a eu lieu pendant les vacances scolaires d’hiver, tandis que des « dysfonctionnements » ont émaillé la diffusion des codes personnels de vote qui ne sont pas tous arrivés à bon port. Ce fut notamment le cas dans les services hospitaliers.
L’Ordre attaqué sur tous les plans
Mais la véritable raison de ce quasi boycott s’explique plus certainement par l’hostilité marquée par plusieurs syndicats présents dans le secteur public. Depuis toujours, Sud santé, la CFDT, FO et la CGT n’ont pas caché leur totale opposition à la création d’un Ordre infirmier dont ils stigmatisaient il y a un an, presque jour pour jour, le « repli corporatiste ». Si les infirmières sont peu syndiquées (seules 4 % adhérent à une centrale syndicale) le message des organisations a été largement diffusé et ne s’est pas retreint au cadre syndical habituel. C’est ainsi que des affiches appelant au « boycott » des élections ont été placardées dans de nombreux hôpitaux, tandis que de courtes manifestations ponctuelles étaient parfois organisées. Il ne s’agit pas pour les infirmières hostiles à l’Ordre de refuser uniquement la future cotisation ou encore le pouvoir disciplinaire de l’institution, non : le rejet est entier. C’est ainsi que Ouest France relevait ce mercredi 16 avril des paroles d’infirmières soulignant : « Le contrôle de l’exercice de la profession est déjà effectué et gratuitement par la Ddass ». Les professionnelles sont également nombreuses à remarquer que la déontologie et la définition des compétences relèvent déjà du code de la santé publique. La désertion des infirmières s’explique enfin sûrement par un manque d’information et un relatif désintérêt.
Le mauvais exemple donné par les kinés
Si les organisations qui ont milité depuis tant d’années pour
l’avènement d’un Ordre qui existe dans de si nombreux pays d’Europe
et jusqu’au Canada tentent aujourd’hui de créer un sursaut chez les
infirmières, elles savent déjà que les mois à venir pourraient se
révéler plus difficiles encore. Si la cotisation n’est pas encore
fixée et ne devrait pas dépasser 20 euros, elle sera cependant
probablement l’objet de nombreuses contestations. Les
kinésithérapeutes donnent à ce titre un exemple de fronde
particulièrement édifiant : le refus de nombreux professionnels
salariés d’encadrer les étudiants pour manifester leur
désapprobation a conduit la FHF à intervenir cette semaine et à
demander à demi-mot la diminution du prix de la cotisation.
A.H.