Une insuffisance rénale aiguë (IRA) affecte de 5 à 7 % des tous les patients hospitalisés avec une incidence beaucoup plus élevée en unité de soins intensifs (USI). Dans un tel contexte, l’association entre le développement d’une IRA et le pronostic est difficile à quantifier en l’absence d’un consensus uniforme définissant l’IRA.
Les auteurs de cette étude ont utilisé les données extraites d’un système de monitoring de réanimation intégrant la mesure précise du débit urinaire (le Multiparameter Intelligent Monitoring in Intensive Care II ou MIMIC II) en plus des données habituelles démographiques, cliniques et de laboratoire. Cet outil a permis d’utiliser comme définition de l’IRA une augmentation de la créatininémie de plus de 0,3 mg / dl (26,4 micromol / l) et / ou une oligurie (<0,5 ml /kg/h) sur une période de 6 heures et de calculer les taux de mortalité et les durées de séjour correspondants. Trois stades de gravité de l’IRA ont été distingués (tableau 1).
L’enquête s’est déroulée de manière rétrospective entre 2001 et 2007 sur une cohorte de malades provenant d’unités de soins intensifs d’un hôpital universitaire de Boston. Tous les malades adultes et séjournant plus de 24 heures en USI et avec une surveillance de la diurèse pendant 6 heures ont été inclus.
Sur 19 677 enregistrements de patients, 14 524 répondaient aux
critères d'inclusion. Cinquante-sept pour cent ont développé une
atteinte rénale aiguë telle que définie plus haut au cours de leur
séjour en USI.
Tableau 1 |
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Les taux de mortalité intra hospitalière ont été de 13,9 %, 16,4 %,
33,8 % selon le degré 1, 2 ou 3 respectivement de
l’insuffisance rénale, en comparaison d’une mortalité de seulement
6,2 % en l’absence d’atteinte rénale (p <0,0001). Après
ajustement sur diverses variables pertinentes, l’atteinte rénale
aiguë reste associée de manière statistiquement significative à un
surcroît de mortalité : odds ratio de 1,4 et de
1,3 pour des défaillances rénales de grade 1 et 2 et de
2,5 pour une insuffisance rénale aiguë de stade 3 (p < 0,0001).
En utilisant la régression logistique multivariée, la diurèse
horaire apparaît comme le meilleur élément prédictif de la
mortalité, devant le taux de créatinine ou une combinaison
des deux.
Au total, dans cette série, plus de la moitié des malades
hospitalisés en réanimation développent un certain degré
d’insuffisance rénale, avec une aggravation significative de leur
pronostic. Ces résultats montrent également que la mortalité ne
diffère pas significativement entre les stades 1 et 2 . Ceci
pourrait conduire à une réévaluation des critères de l'insuffisance
rénale aiguë en USI.
Dr Béatrice Jourdain