
Paris, le jeudi 14 novembre 2019 – La journée mondiale du
diabète a un visage aux États-Unis. Le visage douloureux d’une mère
qui vient de perdre son fils âgé de 26 ans. Alex Smith, souffrait
d’un diabète de type 1 et n’avait pas osé avouer à ses proches
qu’il n’avait plus les moyens de s’acheter son insuline. Il y a
quelques jours, il a été retrouvé mort chez lui, victime d’un coma
diabétique.
4 600 dollars par an
La situation d’Alex Smith est celle de milliers d’Américains,
alors que le prix de l’insuline a connu une forte augmentation ces
dernières années. Aujourd’hui, le coût de l’insuline aux États-Unis
pour un adulte non couvert par une assurance est en moyenne de 18
dollars pour 100 unités, comme le rappellent les docteurs Michael
Fralick et Aaron S. Kesselheim (Mount Sinai Hospital) dans
un article publié dans le New England Journal of Medicine le
7 novembre dernier. Ainsi, pour un adulte de 70 kilos, devant
recevoir une UI par kilo et par jour d'insuline ordinaire, le coût
par an atteint près de 4 600 dollars, quand en France, l’insuline
est intégralement prise en charge pour tous les patients. Or, face
à la flambée des prix de l’insuline (le coût était de 20 cents par
UI en 1940 ce qui correspond à 3 dollars de 2019), plusieurs
compagnies d’assurance ont décidé de fixer des seuils de
remboursement. Ainsi, Cigna, l’une des plus importantes compagnies
d’assurance américaines a récemment limité ses remboursements
d’insuline à 25 dollars par mois.
Sans concurrence, le marché est plus fou
Cette situation s’explique par la possibilité offerte par la
loi américaine à l’industrie pharmaceutique et aux grossistes de
fixer leurs prix librement. Or, cette augmentation n’a pas été
atténuée par le jeu de la concurrence qui est très faible dans le
domaine de l’insuline. En effet, les produits actuellement
disponibles sur le marché ne connaissent pas encore tous de
génériques, tandis que s’agissant de médicaments biologiques, la
production de génériques est plus complexe et plus coûteuse,
réduisant d’autant plus la compétitivité.
Des lois insuffisantes
La situation n’est pas ignorée par les pouvoirs publics.
Plusieurs projets de loi d’initiative parlementaire ont tenté
d’atténuer les conséquences des dispositions sur le libre prix des
médicaments, pour assurer l’accès aux traitements essentiels, tels
l’insuline, mais leur portée reste limitée. Plusieurs états ont par
ailleurs adopté des lois permettant l’importation d’insuline du
Canada, mais en l’absence d’un feu vert fédéral, elles ne peuvent
entrer en vigueur. Le gouvernement Trump a pourtant promis d’œuvrer
sur ce sujet, mais les négociations avec les différents acteurs
concernés, sont délicates, notamment avec le Canada, qui redoute
des pénuries pour ses propres citoyens.
Triste héritage
Aurélie Haroche