
La transmission de SARS-CoV-2, le sarbecovirus (famille des
coronavirus) à l'origine de la Covid-19, à partir d'une source
animale aux humains a entraîné des épidémies de syndromes
respiratoires aigus sévères et la pandémie en cours. Alors que des
centaines de sarbecovirus animaux ont été découverts,
principalement chez des chauves-souris en Asie, la majorité ne sont
pas capables d'infecter les cellules humaines.
Les coronavirus possèdent à leur surface une glycoprotéine de
pointe (S) qui se lie via un domaine de liaison au récepteur RBD
(Receptor Binding Domain) aux cellules hôtes afin de médier
leur infection. Les RBD des sarbecovirus connus ont été classés en
clades, le clade 1 identifié chez les chauve-souris asiatiques se
liant au récepteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine 2
(ACE2), tel le SARS-CoV-2.
En 2020, deux sarbecovirus du clade 3, Khosta-1 et -2, ont été
identifiés près de Sotchi chez des chauve-souris
Rhinolophus. L’analyse phylogénétique a montré que ces virus
forment une lignée distincte des agents pathogènes humains
SARS-CoV-1 et -2. Une équipe de chercheurs américains a étudié les
capacités de ces virus à infecter les cellules humaines et leur
sensibilité aux anticorps anti SARS-CoV-2.
Khosta-2 infecte les cellules humaines via ACE2…
Les scientifiques ont remplacé le RBD de la protéine S de
SARS-CoV-2 par celui de Khosta. Des cellules hépatiques humaines
ont pu être infectées par le virus recombinant portant cette pointe
chimérique. Des cellules de rein de bébé hamster ont ensuite été
transfectées avec le récepteur ACE2 humain. Alors que le RBD
Khosta-1 n’a pas réussi à infecter ces cellules, le RBD de Khosta-2
y est clairement parvenu.
Enfin, les deux expériences ont été répétées cette fois avec
la protéine de pointe pleine longueur (pas uniquement RBD) et se
sont de nouveau avérées positives, même si la pointe Khosta-2
pleine longueur était moins infectieuse que la pointe chimérique
basée sur le SARS-CoV-2. Par ailleurs, l’expérience a été complétée
par l’étude des deux RBD du clade 3 africain mis en présence de
cellules surexprimant l’ACE2. Ceux-ci étaient également capable
d’utiliser l’ACE2 humain, mais avec une efficacité beaucoup plus
faible que Khosta-2.
Et résiste aux vaccins anti-SARS-CoV-2
Afin d’imiter la menace recombinante potentielle des virus
Khosta, des particules portant un pic chimérique basé sur
SARS-CoV-2 avec le RBD Khosta ont été générées. Elles étaient
infectieuses pour les cellules exprimant l’ACE2 humain, de la même
façon que les pics de SARS-CoV-2 sauvage. Ces particules ont été
incubées avec des doses croissantes de bamlanivimab (anticorps
monoclonal neutralisant anti RBD du SARS-CoV-2).
La pointe SARS-CoV-2 avec le RBD Khosta 2 était complètement
résistante, suggérant une faible réactivité croisée entre les RBD.
De la même façon, le pic de SARS-CoV-2 de type sauvage était
facilement inhibé par le sérum d'individus ayant reçu 2 doses du
vaccin Moderna ou Pfizer, mais le SARS-CoV-2-Khosta-2 RBD y était
résistant.
À des dilutions plus élevées de sérum, il y avait une
réduction de l'infectivité de la pointe chimérique, mais celle-ci
était significativement inférieure à la pointe sauvage à des
concentrations sériques similaires.
Ainsi, la pointe du virus Khosta-2 pourrait infecter des
cellules similaires aux agents pathogènes humains en utilisant les
mêmes mécanismes d'entrée, tout en étant résistante à la
neutralisation par le sérum d'individus vaccinés contre le
SARS-CoV-2. Ces résultats démontrent que les sarbecovirus circulant
dans la faune sauvage en dehors de l'Asie pourraient constituer une
menace pour la santé mondiale en particulier en recombinant avec
SARS-CoV-2.
Pris ensemble, ces résultats démontrent que les nouveaux
sarbecovirus recombinants peuvent constituer une menace pour les
vaccins actuels contre le SARS-CoV-2. Et les auteurs d’en appeler
au développement de vaccins anti-sarbecovirus universels.
Dr Isabelle Méresse