
L'enquête étiologique autour d'un épanchement pleural (EP)
conduit presque toujours à discuter d’un geste invasif pour
préciser sa nature, bénigne ou maligne. L'analyse directe du
liquide pleural complétée ou non d’une cytologie ou d’une biopsie
pleurale est le seul mode de confirmation diagnostique définitif.
Pour organiser pertinemment une telle intervention il est donc
utile de disposer au préalable d'éléments prédictifs solides.
Ainsi, cette étude visait à construire des modèles
d'intelligence artificielle (IA) basés sur des images obtenues par
tomodensitométrie (TDM) thoracique pour effectuer la segmentation
et la classification de l'épanchement pleural bénin ou malin.
Construction d’un algorithme pertinent
Wang et coll. ont utilisé l'IA pour l'analyse en profondeur
(deep learning) d’images obtenues par TDM thoraciques dans 1
280 cas d’EP répartis en 3 groupes : 607 cas préliminaires ont
permis la construction progressive des algorithmes ; 311 cas ont
ensuite constitué une cohorte test interne ; puis 362 cas ont formé
une cohorte externe indépendante. Le volume de l’EP était classé en
léger (< 500 mL), modéré (500-1000 mL) ou important (> 1000
mL).
En considérant très brièvement la méthodologie utilisée, on
retiendra que l’IA s’est élaborée à partir d’un réseau neuronal
convolutif conçu pour l'apprentissage automatique et le traitement
des images. Une segmentation de l’image était réalisée puis
l’architecture de l’EP reconstituée. Des indicateurs quantitatifs
(6 au total) étaient recueillis permettant la comparaison
statistique avec la technique d’imagerie 3D U-Net avec ou sans
pondération spatiale.
Tous les cas testés ont été ultérieurement confirmés par
ponction pleurale avec ou sans biopsie. L’étiologie maligne la plus
fréquente était le cancer du poumon (24,2 % à 40,3 % des cas selon
la cohorte). La cause bénigne la plus fréquente était l'infection
para-pneumonique (18,3 % à 24,3 %).
Des performances encourageantes
La sensibilité est la capacité à donner un résultat positif
avec le moins de faux négatifs ; la spécificité est la capacité
d'un test à donner un résultat négatif avec le moins de faux
positifs. En général, la sensibilité augmente au prix d’une baisse
de la spécificité et réciproquement ; le calcul de l’aire sous la
courbe (ASC) permet de combiner au mieux ces 2 indices. Plus la
valeur de l’ASC se rapproche de 1, plus la valeur diagnostique de
la méthode est satisfaisante.
Les performances de ce modèle d’IA ont montré une sensibilité
maximale de 91,8 % (IC à 95 % : 87,2-95,1) ; la spécificité
correspondante était de 50,6 % (IC à 95 % : 42,7-58,4). La
spécificité maximale atteignait 86,2 % (IC à 95 % : 79,0–91,6) avec
une sensibilité correspondante de 78,4 % (IC à 95 % : 71,6-84,2).
La meilleure ASC a été obtenue par une technique spéciale de
délinéation de l’image et atteignait 0,883 (IC à 95 % :
0,841–0,916).
Les auteurs concluent à une performance encourageante de l’IA
dans le diagnostic différentiel de la nature maligne ou bénigne
d'un EP. On ajoutera que ces valeurs ont été obtenues sans
combinaison avec des éléments cliniques comme l’âge, la
latéralisation, l’histoire de la maladie, les comorbidités dont on
sait que leur prise en compte améliore la performance de
l’imagerie.
Dr Bertrand Herer