« On est comme un vieux couple » plaisante Marguerite
Cazeneuve, directrice déléguée de la Caisse nationale d’Assurance
maladie (CNAM), lorsqu’on l’interroge sur Thomas Fatôme, son patron
et directeur de la CNAM. Un couple, mais aussi une relation presque
filiale, puisque l’ancienne élève d’HEC n’hésite pas à qualifier
son supérieur de « papa administratif », malgré une
différence d’âge de seulement trois ans.
Les deux hauts fonctionnaires, qui dirigent ensemble
l’Assurance Maladie depuis mars 2021, seront bientôt confrontés à
une mission souvent périlleuse : les négociations pour la future
convention médicale entre la CNAM et les syndicats de médecins
libéraux qui doivent s’ouvrir début octobre et durer jusqu’en mars
prochain.
En juin dernier, lors du congrès de MG France, Thomas Fatôme
avait déjà fixé les grandes orientations qu’il souhaitait donner à
cette future convention : libérer du temps médical pour les
médecins, réduire les inégalités territoriales d’accès aux soins,
faire participer les libéraux à la prise en charge des soins non
programmés et renforcer la prévention.
Une probable hausse du tarif de la consultation qui reste à chiffrer
Plusieurs questions épineuses vont occuper syndicats et
dirigeants de la CNAM ces prochains mois durant ces négociations.
Et même si les sujets tarifaires seront en premier lieu débattus au
Parlement dans le cadre de l’examen du projet de loi de financement
de la Sécurité Sociale (PLFSS), qui aura également lieu en octobre,
le couple Fatôme-Cazeneuve ne pourra pas échapper à l’éternelle
question de la revalorisation du tarif de la consultation.
A priori, les deux dirigeants ne sont pas opposés à une hausse
du C, mais se gardent de donner des chiffres précis. « Il est
normal que le tarif évolue, a fortiori dans ce contexte d’inflation
» estime Thomas Fatôme dans une interview accordée au journal
Le Monde ce mardi tandis que Marguerite Cazeneuve indiquait ce
mercredi qu’il fallait « mettre d’avantage d’argent sur la
partie forfaitaire ».
Le Syndicat des Médecins Libéraux (SML), qui n’a pas caché sa
volonté de peser activement dans les débats, estime pour sa part
que le prix de la consultation de base doit passer à 50 euros, soit
un doublement du tarif actuel. Mais le directeur général de la CNAM
préfère calmer les ardeurs de ceux qui réclament un « Ségur de
la médecine libérale ».
« Le dernier avenant à la convention, signé à l’été 2021,
était doté de 750 millions d’euros » indique Thomas Fatôme,
comme pour rappeler que les médecins libéraux ont déjà bénéficié
d’investissements importants.
Libérer du temps médical pour les médecins, un objectif clé
Alors que toute atteinte à la liberté d’installation est
présentée comme une ligne rouge par les syndicats de médecins
libéraux, Thomas Fatôme et Marguerite Cazeneuve préfèrent ne pas se
prononcer directement sur le sujet. « Nous appliquons la loi et
si le cadre législatif est amené à évoluer au Parlement, nous en
tirerons les conséquences » explique prudemment le directeur
général de la CNAM.
Pour les dirigeants de l’Assurance Maladie, la lutte contre la
désertification médicale passe avant tout par le renforcement des
dispositifs déjà existants : développement de la télémédecine,
incitations financières à s’installer en zone sous-denses et
surtout embauche d’assistants médicaux pour libérer du temps
médical.
L’objectif est ainsi d’arriver à 4 000 assistants médicaux
déployés sur le territoire d’ici la fin de l’année (ils sont
actuellement 3 200) et d’arriver à une moyenne de 1 200 patients
par médecin contre 1 000 actuellement. « Si on y arrivait, on
aurait fait un grand pas face aux déserts médicaux, avec une
réponse structurante » estime Thomas Fatôme.
D’autres sujets devraient être l’objet de discussions plus
consensuelles, telles que le renforcement du rôle de prévention des
médecins libéraux. L’un des risques est que les débats autour de la
convention nationale se télescopent avec ceux autour du PLFSS et
avec le CNR Santé, la grande consultation organisée par le
ministère de la Santé et qui débutera le 3 octobre
prochain.
Mais Thomas Fatôme y voir plutôt une opportunité : « c’est
un calendrier intéressant, un bon alignement, avec d’un côté le
cadre politique, de l’autre le cadre financier, toutes ces
démarches vont se nourrir ».
Nicolas Barbet