La consommation d’antibiotiques diminue dans les élevages (n’en déplaise à certains)
Paris, le mardi 22 novembre 2022 – Deux rapports de l’Anses
soulignent une baisse de la consommation d’antibiotiques et de
l’antibiorésistance chez les animaux d’élevage, contrairement à ce
que laissait sous-entendre un récent reportage télévisé.
Rendu célèbre pour sa participation pendant de nombreuses
années aux émissions de Yann Barthès, Hugo Clément est ce qu’on
peut appeler un journaliste engagé, qui milite activement pour le
bien-être animal et la préservation de l’environnement. Des causes
évidemment louables mais qui, pour certains, semblent justifier de
tordre quelque peu la vérité.
Dans son dernier reportage pour son émission « Sur le Front »,
diffusé sur France 5 le 14 novembre dernier et intitulé «
Médicaments : la bombe à retardement », le journaliste militant
dresse ainsi un tableau particulièrement alarmant de l’utilisation
des antibiotiques dans les élevages français. Dans une séquence de
l’émission, Hugo Clément interviewe un éleveur anonyme, qui
explique que la politique d’élevage intensif imposé par les
coopératives agricoles l’oblige à administrer à ses lapins des
antibiotiques en préventif, accentuant ainsi le risque
d’antibiorésistance.
Scandale sanitaire ou « valse de fake news » ?
Le même éleveur révèle que la viande de ces lapins bourrés
d’antibiotiques est ensuite vendue aux consommateurs, sans qu’ils
en soient prévenus. « Il est hors de question que je mange ces
bêtes » explique l’éleveur à Hugo Clément. Le journaliste a en
outre renchéri lors d’un passage chez France Inter le 16 novembre
dernier, au cours duquel il a expliqué que « 99 % des lapins en
France sont élevés en cages dans des conditions similaires ». A
peu de chose près, Hugo Clément indique ainsi avoir révélé un
véritable scandale sanitaire de grande ampleur.
Sauf que pour beaucoup de médecins vétérinaires et d’éleveurs,
ce reportage est en réalité rempli d’approximations et ils n’ont
pas manqué de le faire savoir sur les réseaux sociaux. Très actif
sur Twitter, le « Dr Toudou » (pseudonyme de Tudual le Bras,
médecin vétérinaire rural) explique ainsi que les vétérinaires «
ne mettent pas d’antibiotiques en préventif, c’est tout simplement
illégal ».
Même son de cloche chez Yves Roullier, éleveur de lapins dans
la Drôme, qui rappelle que « chez les lapins, la consommation
d’antibiotiques a baissé de 55 % en 20 ans » avant de rappeler
comment la filière a œuvré pendant plusieurs années pour mettre fin
à la surutilisation d’antibiotiques.
Le coup de grâce est finalement apporté par la journaliste
Géraldine Woessner, qui qualifie sur Twitter les propos d’Hugo
Clément de « valse de fake news, l’air de ne pas y toucher
». Elle rappelle ainsi que la loi interdit de mettre en vente
de la viande contenant des antibiotiques, reprenant ainsi les
propos de Benoit Rouillé, expert à l’institut de l’élevage, qui
indique que « les éleveurs doivent gérer des délais d’attente
quand ils en utilisent pour soigner les animaux ».
Baisse de près de 60 % de la consommation d’antibiotiques dans
les élevages
Surtout, elle rappelle les conclusions de deux rapports
publiés par l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) jeudi
dernier. Le premier, portant sur la consommation de médicaments par
les animaux, indique que les ventes d’antibiotiques vétérinaires
ont baissé de 59,5 % entre 2011 et 2021. L’exposition aux
antibiotiques a notamment diminué de 23 % chez les bovins, 58,5 %
chez les porcs et de 68 % chez les volailles.
Le second rapport établit quant à lui que l’antibiorésistance
est en recul chez les animaux d’élevage, notamment grâce à la forte
baisse d’exposition des animaux aux fluoroquinolones (-87 % depuis
2013) et aux céphalosporines de dernières générations (-94 % depuis
2013).
En réalité, n’en déplaise à Hugo Clément, il semblerait que ce
soit plutôt les gentils consommateurs que les méchants éleveurs qui
consomment abusivement des antibiotiques. Un récent rapport de
Santé Publique France indique ainsi que la consommation
d’antibiotiques en santé humaine a augmenté entre 2020 et 2021,
incitant les autorités sanitaires à relancer une campagne de
sensibilisation sur l’usage raisonnée des antibiotiques. Une
surconsommation qui impacte également nos amis à quatre pattes :
l’utilisation d’antibiotiques a augmenté de 10 % sur an chez les
chiens et chats l’an dernier.
Parler de diminution des chiffres de ventes vétérinaires n'est pas un indicateur pertinent. Ce qu'il faudrait indiquer c'est la quantité pondérale actuelle de principes actifs administrés aux animaux de rente et de compagnie. Je soupçonne qu'elle reste considérable... et inconsidérée. Rappelons en outre qu'il n'est pas nécessaire de traiter massivement beaucoup d'animaux pour produire à grande échelle des souches résistantes, si les animaux sont élevés dans des conditions concentrationnaires qui permettent à ces souches de coloniser tout le cheptel et ses effluents. La diffusion interindividuelle du résistome lié à la promiscuité constitue le problème principal, dans les élevages comme dans les collectivités humaines.