
Paris, le mercredi 18 janvier 2023 – Selon le dernier bilan annuel de l’Insee, le nombre de naissances a fortement diminué en 2022, tandis que l’espérance de vie stagne.
« Dieu m’a oublié » disait Lucile Randon, mieux connue sous le nom de Sœur André depuis son entrée en religion en 1944. Elle était considérée comme la doyenne de l’humanité depuis avril dernier. Ce mardi, Dieu a retrouvé la mémoire puisque la religieuse, née en 1904, est décédée dans l’Ehpad où elle résidait près de Toulon, à un mois de fêter ses 119 ans.
Considérée comme la quatrième personne à avoir vécu le plus longtemps dans l’histoire de l’humanité, Lucile Randon est succédée comme doyenne de l’humanité par l’Espagnole Maria Branyas Morera, 115 ans, tandis que c’est une petite jeunette de 112 ans, Marie-Rose Tessier, qui devient doyenne des Français. Pour l’anecdote, notons que Sœur André avait survécu à la Covid-19 et qu’elle a pris sa retraite à 75 ans (ce qui pourrait donner de mauvaises idées au gouvernement dans le cadre de la réforme des retraites).
Si la France est connue pour être un des pays qui accueille le plus de centenaires et où l’espérance de vie est la plus élevée, le dernier rapport annuel de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) publié ce mardi remet en cause la bonne santé démographique de notre pays.
Premier enseignement de cette enquête statistique (dont les données ne sont pas encore consolidées précise l’Insee) : la population française stagne. La France compte ainsi 68 millions d’habitants, soit seulement 0,3 % de plus qu’en 2021. C’est la conséquence à la fois d’une hausse de la mortalité et d’une baisse du nombre de naissances.
Comme nous l’avons déjà évoqué dans un précédent article, 655 000 personnes environ sont mortes en France cette année, soit autant que lors de la première année de pandémie en 2020 (- 0,1 %) et légèrement plus qu’en 2021 (+ 1,2 %). Un maintien d’une forte mortalité due à plusieurs phénomènes concomitants : vieillissement de la population, canicules, Covid-19 (qui a tué 38 000 personnes en 2022), grippe…
Baisse historique de la natalité
Les naissances ont quant à elles atteint un bas historique en 2022 : seulement 723 000 enfants sont nés en France cette année, soit 19 000 de moins qu’en 2021 (- 2,6 %), du jamais vu depuis 1946 (alors que la France ne comptait à l’époque que 40 millions d’habitants !). Les naissances ont continuellement baissé entre 2015 et 2020 avant de connaitre un rebond inattendu en 2021.
Depuis deux ans maintenant, la natalité est en apparence fortement affectée par les incertitudes liées à la pandémie de Covid-19. Elle a ainsi fortement baissé en décembre 2020 (neuf mois après le premier confinement), est remonté en mars 2021 (déconfinement) avant de rebaisser en janvier 2022 (troisième confinement) puis en octobre 2022 (vague Omicron).
Le nombre de femmes âgés de 20 à 40 ans (qui sont les plus fécondes), stagne depuis 2016. Et leur taux de fécondité est en baisse : l’indice de fécondité s’établit à 1,8 enfants par femme en 2022, contre 1,84 en 2021. Les femmes les plus fécondes sont celles entre 30 et 34 ans tandis que la fécondité des femmes de moins de 30 ans ne cesse de diminuer. L’âge moyen à la maternité est de 31 ans alors qu’il était de 29,4 ans en 2002.
Des chiffres qui n’inquiètent pas Laurent Toulemon, chercheur à l’Ined, qui note que le taux de fécondité des femmes françaises oscille entre 1,8 et 2 enfants par femme depuis 1975 et qui n’est donc « pas convaincu que cette tendance à la baisse va se poursuivre ».
Conséquence logique de ces deux phénomènes de hausse de la mortalité et de baisse des naissances : avec seulement 56 000 personnes supplémentaires en 2022, le solde naturel n’a jamais été aussi faible depuis la fin de la deuxième guerre mondiale. C’est donc désormais l’immigration qui constitue le moteur de la démographie, avec un solde migratoire positif de 161 000 personnes.
700 millions de Chinois ?
Autre enseignement majeur de l’enquête de l’Insee : l’espérance de vie à la naissance stagne. Elle est de 85,2 ans pour les femmes (identique à celle de 2021) et de 79,3 ans pour les hommes (+ 0,1 an par rapport à 2021). L’augmentation de l’espérance de vie avait déjà tendance à ralentir au cours de la décennie 2010, avant de connaitre une baisse brutale en 2020 sans doute à cause de la pandémie.
Si elle a remonté depuis, elle n’a toujours pas totalement retrouvé son niveau prépandémie. Parallèlement les Français (hommes et femmes) ont perdu 0,4 an d’espérance de vie depuis 2019. Dans le même temps, la population française continue de vieillir : 21,3 % des Français ont plus de 65 ans.
Malgré ces chiffres quelques peu inquiétants, la France reste plutôt en bonne santé démographique… par rapport à ses voisins européens. Elle présente ainsi le taux de fécondité le plus élevé d’Europe et sa population continue d’augmenter. La situation est particulièrement inquiétante dans les pays du sud (Espagne, Portugal, Italie, Grèce…) qui connaissent des taux de fécondité faible (moins de 1,3 enfants par femme en Espagne) et un fort vieillissement de la population.
Plus loin de nous en Chine, le bureau national des statistiques a annoncé ce mardi que la population avait diminué de 850 000 personnes en 2020, la première baisse enregistrée depuis la grande famine de 1959 (lors du grand bon en avant) qui avait causé la mort de dizaines de millions de personnes. Malgré l’abandon de la politique de l’enfant unique, le taux de fécondité reste particulièrement bas, avec 1,15 enfants par femme.
Pays le plus peuplé du monde, la Chine devrait être dépassé par l’Inde en 2023. Selon certains démographes, sa population pourrait être divisé par deux d’ici 2100…rendant de nouveau d’actualité la chanson de Jacques Dutronc.
Quentin Haroche