La GnRH, un espoir pour améliorer la cognition dans la trisomie 21

Le syndrome de Down (DS), résultat de la trisomie 21, est une affection relativement fréquente, dont l’incidence est évaluée à 1/800 naissances. Il se caractérise par une déficience intellectuelle de degré variable, une hypotonie musculaire et une hyperlaxité, souvent associées à une dysmorphie faciale caractéristique.

En plus de manifestations cardiaques, gastro-intestinales, endocriniennes, un déclin cognitif d’apparition précoce et des troubles olfactifs débutant avant la puberté sont décrits, pour lesquels, à l'heure actuelle, aucun traitement efficace n'est disponible.

La GnRH (Gonadotropin-Releasing Hormone) est sécrétée de façon pulsatile par des neurones hypothalamiques et contrôle la reproduction chez les mammifères. Le syndrome de Kallman, dû à un déficit en GnRH, se manifeste par un trouble du développement du système olfactif, en plus d’un hypogonadisme. De récentes découvertes ont suggéré que ces neurones hypothalamiques sécrétant la GnRH, se projettent également vers des zones corticales impliquées dans les fonctions cognitives.

Ces constatations ont amené des chercheurs à s’interroger sur la participation du système GnRH dans les symptômes observés lors du DS et, le cas échéant, sur une éventuelle implication thérapeutique.

Dysfonctionnement des neurones à GnRH dans un modèle murin


Partant de cette idée, le groupe de chercheurs du laboratoire Lille neuroscience & cognition, a étudié la régulation de la GnRH sur des souris Ts65Dn, modèles de trisomie 21, présentant une hypofertilité et des troubles cognitifs et olfactifs progressifs, semblables à ceux des patients atteints d’un DS. Chez ces souris, les chercheurs mettent en évidence des liens étroits et parallèles entre les symptômes non liés à la reproduction et la diminution postpubertaire de neurones à GnRH hypothalamiques et extrahypothalamiques.

La diminution de l'expression de la GnRH chez les souris adultes s'accompagne d'un déséquilibre dans un réseau de cinq brins de micro-ARN, présents sur le chromosome 21, régulant la production de GnRH et la maturation des neurones à GnRH dans l'hypothalamus, pendant la pré-puberté. Ce chromosome surnuméraire entraînerait ainsi des anomalies dans les neurones secrétant la GnRH.

Une intervention épigénétique rétablissant l’expression d’un des micro-ARN dysrégulé chez la souris a permis la restauration d’une activité neuronale olfactive et cognitive. Une thérapie cellulaire utilisant des neurones hypothalamiques normaux, ainsi que des interventions chimiogénétiques et pharmacologiques permettant de reproduire des niveaux physiologiques pulsatiles de GnRH chez des souris DS adultes ont permis de faire disparaitre leurs symptômes cognitifs et olfactifs.

Amélioration des performances cognitives pour des patients traités par GnRH dans une étude pilote


Forte de ces résultats, l’équipe lilloise, associée à des chercheurs suisses, a réalisé une étude pilote pour évaluer l’efficacité d’une thérapie pulsatile par GnRH pendant 6 mois sur les troubles cognitifs et olfactifs ainsi que sur le fonctionnement cérébral, dans un groupe de 7 hommes adultes avec DS, âgés de 20 à 50 ans.

Le traitement était administré toutes les 2 heures à l’aide d’une pompe sous-cutanée. Des tests cognitifs, olfactifs ainsi qu’une imagerie par IRM structurelle et fonctionnelle étaient effectués avant et après traitement. Cliniquement, les performances cognitives se sont améliorées chez 6 des 7 patients, entre 10 et 30 % avec une grande variabilité interindividuelle : amélioration de la représentation tridimensionnelle, la compréhension des consignes, du raisonnement, de l’attention, de la mémoire épisodique.

En revanche, aucun effet sur l’olfaction n’a été observé. L’amélioration cognitive était associée à une amélioration de la connectivité cérébrale, en particulier dans les régions visuelles et sensorimotrices.

Ces résultats prometteurs sont tout de même à considérer avec prudence. La participation d’un effet placebo dans l’amélioration cognitive n’est pas à exclure. Il faut se garder de conclure trop hâtivement et il sera nécessaire de confirmer ces résultats dans un essai randomisé qui débutera prochainement, incluant plus de patients, y compris des femmes, et un groupe contrôle.

Dr Isabelle Méresse

Référence
Manfredi-Lozano M, Leysen V, Adamo M, et coll. : GnRH replacement rescues cognition in Down syndrome. Science. 2022 ; publication avancée en ligne le 2 septembre ; 377(6610):eabq4515. doi: 10.1126/science.abq4515.

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