
Paris, le lundi 27 mars 2023 – Malgré les traitements et la vaccination, la lutte contre la tuberculose en Europe est loin d’être gagné.
C’est une maladie qu’on aimerait n’être plus qu’un mauvais souvenir cantonné aux romans du XIXème siècle et du début du XXéme siècle. Mais bien que la vaccination et les traitements antibiotiques aient permis de fortement réduire l’impact de la tuberculose en termes de santé publique, surtout dans les pays développés, la maladie continue de sévir, y compris en Europe. A l’occasion de la journée mondiale de la tuberculose ce 24 mars (c’est le 24 mars 1882 que Robert Koch a pour la première identifié le bacille qui porte son nom), le centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC) et l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) ont présenté leurs chiffres sur l’épidémie de tuberculose sur le Vieux continent, qui ne sont guère encourageants.
En 2021, ce sont 33 520 nouveaux cas de tuberculose qui ont été recensés au sein de l’espace économique européen (Union Européenne + Norvège + Islande), soit 8,4 cas pour 100 000 habitants. Certes ce taux est en baisse comparé aux années précédentes (23 % de moins qu’en 2019), mais cette baisse est en trompe l’œil pour l’ECDC, qui rappelle que « la pandémie de Covid-19 a eu un effet sur la collecte de données et l’accès aux services de santé ». Pour les experts européens, au rythme actuel, l’objectif que s’était fixé les autorités européennes de faire diminuer de 80 % le nombre de cas et de 90 % le nombre de décès entre 2015 et 2030 ne sera pas atteint.
La tuberculose recule en France
Au sein de l’Union Européenne, de fortes disparités subsistent : on compte ainsi 45 cas pour 100 000 habitants en Roumanie, contre seulement 2,8 cas en Slovaquie. La disparité est encore plus importante si l’on observe les chiffres de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), qui comprend tous les pays européens ainsi que des pays d’Asie centrale. Dans les pays européens n’appartenant pas à l’Union Européenne, l’incidence de la tuberculose est ainsi cinq fois supérieur, avec 40,2 cas pour 100 000 habitants. Dans cette Europe élargie, l’incidence de la tuberculose a même augmenté, avec 230 000 cas en 2021, soit 1,2 % de plus qu’en 2020 et la mortalité stagne, avec 20 000 décès annuels. Les experts européens s’inquiètent d’une éventuelle aggravation de la situation ces prochaines années, notamment à cause de la guerre en Ukraine, qui perturbe les systèmes de santé et a provoqué le déplacement de millions de personnes.
En France, selon les derniers chiffres de Santé Publique France (SPF) publiés en février dernier, 4 306 cas de tuberculose ont été déclarés en 2021, soit 6,4 cas pour 100 000 habitants, en baisse de 7 % par rapport à 2020 (4 608 cas). Chez nous aussi, la pandémie de Covid-19 semble avoir perturbé le suivi de la maladie, puisque le nombre de nouveaux cas a baissé de 10 % en 2020, après n’avoir baissé que de 1 à 2 % par an pendant les 30 années précédentes De fortes disparités demeurent selon les populations et les régions. Les sans-domicile fixe (68 cas pour 100 000), les prisonniers (44 cas) et les immigrés (32 cas) sont plus fortement touchés que le reste de la population, tandis que la Seine-Saint-Denis a un taux d’incidence quatre fois supérieur à la moyenne nationale (24,3 cas pour 100 000 habitants). 440 patients sont décédés de la tuberculose en France en 2021, un nombre stable ces cinq dernières années.
Le défi de l’antibiorésistance
Au-delà de ces chiffres bruts, c’est la prolifération de BK résistants aux antibiotiques qui inquiète les instances européennes. Pour la première fois en dix ans, la résistance de Mycobacterium tuberculosis à la rifampicine a augmenté. Un tiers des cas de tuberculose pulmonaire en Europe sont résistants à la rifampicine et parmi eux, un tiers sont également résistants aux fluoroquinolones. L’Europe est d’ailleurs plus touchée que le reste du monde par l’antibiorésistance : 26 % des nouveaux cas et 57 % des récidives sont dues à des souches résistantes, contre respectivement seulement 3,6 % et 18 % dans le reste du monde.
Rappelons cependant que, grâce à la vaccination et à la grande disponibilité des traitements, l’Europe reste l’une des régions les moins durement touchées par la tuberculose. Chaque année, 1,5 million de personnes meurent de la tuberculose dans le monde, en large majorité en Afrique et en Inde.
Grégoire Griffard