La rentabilité de la vaccination anti-rotavirus avant 5 ans n’est pas la même partout dans le monde…

La mortalité due aux diarrhées infectieuses aiguës a diminué de plus de 60 % depuis le début du deuxième millénaire, mais celles-ci n’en restent pas moins l’une des grandes causes de décès chez les enfants de moins de 5 ans à l’échelon mondial. C’est ainsi qu’en 2019, près de 500 000 décès leur ont été imputés. Les rotavirus sont parmi les agents pathogènes les plus fréquemment isolés au cours de ces infections et seraient ainsi à l’origine de 30 % des décès. La vaccination anti-rotavirus constitue à cet égard un progrès décisif, au point qu’elle a été adoptée dans de nombreux pays du monde, à titre systématique dans 107 d’entre eux en 2020. Ceux qui hésitent peuvent s’inspirer des analyses coût-efficacité (ACE) de cette vaccination pour prendre leur décision. Encore faut-il tenir compte des limites intrinsèques des ACE propres à chaque pays, tributaires des modélisations et des particularités de chaque système de santé, tout autant que de variables telles le PIB. Les méthodes de méta régression qui ont récemment progressé permettent de lever en partie ces limites avec le rapport coût-efficacité incrémental (RCEI). Ce dernier établit la valeur économique d’une intervention donnée par rapport à un comparateur qui est en l’occurrence l’abstention vaccinale.

Le point de départ de cette ACE par méta régression qui a porté sur 195 pays est constitué par les registres de l'Université Tufts et de Global Health. C’est ainsi qu’ont été obtenus 515 RCEI provenant de 68 articles publiés jusqu'en 2017. Par ailleurs, 938 analyses de sensibilité unidirectionnelle ont été menées. Les données ont été traitées dans le cadre d’une métarégression bayésienne à cinq étapes et à effets mixtes afin de calculer les RCEI, cependant qu’une régression logistique multiple a permis d’évaluer la rentabilité potentielle de la vaccination. Les covariables utilisées dans cette double modélisation ont été les suivantes : caractéristiques du vaccin notamment son efficacité, méthodes d’étude, DALYs (disability-adjusted life-years) induits par les rotavirus dans chaque pays et produit intérieur brut (PIB) par habitant. Tous les résultats obtenus sont exprimés en dollars américains (2017).

Des résultats variables d’un pays à l’autre, mais globalement favorables

L'efficacité du vaccin, son coût, le PIB par habitant et les DALYs sont les trois variables qui ont le plus influé sur la variabilité des RCEI. A l'échelle mondiale, le RCEI médian a été estimé à 2 289 $ (intervalle d'incertitude (IU) à 95 % : 147 $-38 993 $). Le coût d’un DALY évité varie de fait largement d’un pays à l’autre : il est de 85 $ (IU à 95 % : 13 $-302 $) en République centrafricaine, alors qu’il atteint 70 599 $ (IU à 95 % : 11 030 $-263 858 $) aux États-Unis. Parmi les pays pouvant bénéficier du soutien de Gavi, l’alliance mondiale des vaccins, le RCEI moyen a été estimé à 255 $ par DALY évité (IU à 95 % : 39 $ - 918 $). Parmi ceux potentiellement bénéficiaires du fonds renouvelable de l'OPS (Organisation panaméricaine de la santé), la valeur correspondante du RCEI moyen a été estimée à 2 464 $ par DALY évité (IU à 95 % : 382 $ - 3 118 $).

Cette analyse économique met en exergue les disparités importantes entre les pays quant à l’efficacité du vaccin anti-rotavirus. Elle souligne l’intérêt de la vaccination, tout particulièrement dans les pays qui sont éligibles à un soutien apporté par l’alliance mondiale des vaccins, mais aussi par le fond renouvelable de l’OPS. Les valeurs des RCEI et le coût par DALY évité sont compatibles avec les programmes de vaccination systématiques, en priorité là où les gastro-entérites à rotavirus pèsent le plus d’un point de vue sanitaire, épidémiologique et économique.



Dr Philippe Tellier

Référence
Janko MM et coll. : Cost-effectiveness of rotavirus vaccination in children under five years of age in 195 countries: A meta-regression analysis. Vaccine. 2022; 40(28): 3903–3917. doi: 10.1016/j.vaccine.2022.05.042.

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