La sarcopénie guette aussi en cas de stéatose hépatique !

La sarcopénie se caractérise par une diminution des capacités musculaires et ne concerne pas uniquement les sujets âgés de plus de 65 ans ou elle devient physiologique à l’origine d’une invalidité. Cette perte accélérée de la masse musculaire squelettique se retrouve dans d’autres affections comme la BPCO, l’insuffisance cardiaque, la cirrhose hépatique et le cancer. Le diagnostic de la diminution de la force musculaire, suspecté par le questionnaire SARC-F fait appel soit à la mesure (reproductible et fiable) de la force de préhension à l’aide d’un dynamomètre, soit à un test de levée de chaise (se lever 5 fois de sa chaise en un temps chronométré). L’impédancemétrie, permet ensuite de déterminer la quantité d'eau, de graisse et de muscle dans le corps humain.

Si la cirrhose est maintenant bien connue pour être associée à une sarcopénie, on ne sait pas si les sujets atteints de stéatose hépatique ou NAFLD (Non-alcoholic fatty liver disease) présentent un risque accru de sarcopénie. C’est ce qu’a tenté de déterminer une étude de cohorte sud-coréenne menée chez 52 815 hommes et femmes de 20 ans ou plus qui ont bénéficié d’au moins d’une analyse d'impédance bioélectrique et d‘une échographie abdominale. L’impédancemétrie est habituellement utilisée pour calculer la masse musculaire squelettique appendiculaire (MSA) qui reflète la masse musculaire des membres supérieurs et inférieurs. La sarcopénie est confirmée lorsque la MSA est inférieure à 20 kg chez l’homme et 15 kg chez la femme. La stéatose hépatique a été évaluée par échographie et sa sévérité a été mesurée par le score biologique de fibrose NAFLD (NFS).

La variation sur 5 ans de la MSA chez les participants sans et avec NAFLD a été respectivement de -225,2 g et -281,3 g (p< 0,001). Celle-ci, bien que modeste, persistait, soit -39,9 g, dans l’analyse multivariée. Lorsque les participants étaient considérés en fonction de la gravité de la NAFLD, la perte de la MSA apparaissait beaucoup plus rapide chez ceux présentant une NAFLD fibrosante avec un NFS élevé > 1.455 ou un Fib-4 > 1.2. La perte de la masse musculaire associée à une NAFLD persistait dans tous les sous-groupes : elle était plus forte chez les adultes jeunes (< 50 ans), les fumeurs et buveurs modérés ainsi que chez ceux exempts d’un diabète, d’une dyslipémie.

Même en cas d’obésité, une inexorable fonte du muscle aggravée par l’atteinte hépatique…

Dès l’âge de 30 ans, le tissu musculaire subit une dégénérescence progressive de l’ordre de 3 à 8 % par décennie, avec une accélération dès 50 ans, et à 70 ans nous avons perdu la moitié de notre masse musculaire au profit du tissu adipeux. Lorsque la masse, la fonction et la force musculaire diminuent, on peut donc craindre une sarcopénie. Cette étude a identifié des personnes atteintes de NAFLD à l'aide d'une échographie dans une cohorte de personnes âgées de plus de 20 ans et ayant subi des tests de bio-impédancemétrie sur une période de 5 ans.

Cette méthode simple et peu coûteuse, ne mesure cependant pas la fonctionnalité des muscles (comme un test de marche de 6 mn) et une absorptiométrie biphotonique à rayons X plus vulnérante serait indiquée pour confirmer, de manière indiscutable, ces résultats intéressants et les extrapoler à des sujets non asiatiques. De même, une élastométrie hépatique permettrait de mieux quantifier la fibrose et de la corréler à la perte de masse musculaire modérée et plus rapide chez les personnes atteintes NASH (Non-Alcoholic SteatoHepatitis) avant le stade de cirrhose constituée.

On pensait jusqu’à présent que la présence d’une obésité́ était un facteur protecteur de la masse protéique chez un sujet âgé actif grâce à un facteur mécanique lié au poids. Il n’en est rien en cas de pathologie hépatique métabolique et cette nouvelle grande étude confirme des résultats antérieurs :  la sarcopénie est apparue associée à une fibrose hépatique avancée dans une étude histologique hépatique de 512 patients porteurs de NASH et fait le lit des causes cardiaques et d’une mortalité plus élevées.

Un mécanisme protecteur lié au poids ne peut donc également pas être retenu au cours des hépatopathies, car il est contrebalancé par le rôle synergique que l’obésité joue dans l’avancée de la fibrose hépatique. De plus, l’insulino-résistance, l’inflammation systémique et le faible niveau d’activité physique associés à l’obésité sont des facteurs favorisant l’installation de la fonte musculaire.

Pallier par des exercices de musculation et d’endurance et/ou tai-chi - yoga

Que faire en pratique en l’absence de traitement pharmacologique disponible pour la sarcopénie ? Seule la réalisation pluri-hebdomadaire d’une combinaison d’exercices de musculation et d’endurance, adaptés aux possibilités individuelles, associés à un apport protéique (environ 1,2 g de protéine/kg en l’absence de cirrhose évoluée), a montré́ son efficacité́. Les sessions doivent se composer de 8 à 10 exercices faisant travailler les principaux muscles du corps (torse, épaule, dos, bras et jambes), à raison de 10 à 15 répétitions de l’effort pour chaque exercice. Ces exercices sont à̀ poursuivre sur le long terme avec l’aide idéale d’un coaching sportif. D‘autres pratiques sportives comme le tai-chi et le yoga sont aussi bénéfiques chez les personnes âgées.

En conclusion, les individus atteints de NAFLD présentent un risque accru de sarcopénie, indiqué par une perte plus rapide de la masse musculaire squelettique. Certains patients atteints de NAFLD fibrosantes, souvent sédentaires, peuvent avoir besoin d'un dépistage et d'une intervention précoce avec un abord diététique plus riche en protéines et une réadaptation à l’effort.

Dr Sylvain Beorchia

Références
Sinn DH, Kang D, Kang M et coll. : Nonalcoholic fatty liver disease and accelerated loss of skeletal muscle mass: A longitudinal cohort study.
Hepatology 2022; 76(6)1746-1754.

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