
Lviv, le mercredi 13 avril 2022 – Les couloirs humanitaires sont le seul moyen pour les habitants des zones de guerre de se mettre hors de danger, mais leur organisation en toute sécurité est particulièrement périlleuse.
La nouvelle est tombée ce matin. Le gouvernement ukrainien a annoncé qu’il n’organiserait aucun couloir humanitaire ce mercredi, rejetant la faute sur les forces armées russes qui ne tiendraient pas leurs promesses et n’assureraient pas la sécurité de ces corridors. « Dans la région de Zaporijia, les occupants ont bloqué les bus et dans la région de Lougansk ils violent le cessez le feu » a justifié la vice-première ministre ukrainienne Iryna Verechtchouk, responsable de ces évacuations. « Il y a un tel niveau de danger sur les routes que nous sommes contraints de nous abstenir d’ouvrir des couloirs humanitaires ».
Cette interruption des voies d’évacuation, la première depuis le 28 mars, est le signe de la très grande difficulté et de l’insécurité dans lesquelles travaillent les organisations humanitaires sur place. C’est à elles que revient la tâche d’organiser ces corridors qui doivent tout à la fois permettre d’évacuer les civils des zones de guerre et d’y acheminer vivres et médicaments, notamment dans la ville assiégée de Marioupol dans le sud-est du pays. Ce sont ainsi 4 354 Ukrainiens qui ont pu être mis à l’abris ce lundi, tandis que neuf couloirs humanitaires ont été organisés à travers le pays ce mardi.
Le couloir humanitaire, une arme de guerre pour la Russie
Ces corridors humanitaires ne peuvent être organisés qu’avec l’accord des belligérants, qui doivent cesser le combat le temps des évacuations. Mais les forces russes sont régulièrement accusés par l’Ukraine et les ONG de violer les cessez-feu juste après les avoir concédés. Selon une méthode déjà employée par eux en Tchétchénie et en Syrie, les Russes n’hésiteraient pas à ouvrir le feu sur les colonnes de réfugiés, transformant les couloirs humanitaires en piège. Ainsi, le 6 mars dernier, l’armée russe a bombardé une route d’évacuation qu’elle venait d’ouvrir près de Marioupol. Le lendemain, une autre voie d’évacuation s’est avérée minée a rapporté le Comité International de la Croix-Rouge (CICR).
Pour Jean-Hervé Bradol, directeur d’études à Médecin Sans Frontières, le Kremlin voit dans le couloir humanitaire un « permis de crimes de guerre » : les civils qui ont refusé d’évacuer une ville assiégée sont considérés comme des cibles à part entière. « C’est un blanc-seing pour pilonner les villes » commente le médecin. Le couloir humanitaire ou plutôt son non-respect est ainsi utilisé comme une arme par les forces russes.
Drame dans le drame en Pologne
Au-delà de la question de l’évacuation des civils des zones de combats, c’est bien sûr la question des réfugiés qui constitue la principale urgence humanitaire. Plus de 4,6 millions d’Ukrainiens (environ 10 % de la population) ont fui leur pays depuis le début de l’invasion russe le 24 février dernier, sans compter les 7 millions de déplacés à l’intérieur du pays.
En Pologne, qui a accueilli 2,6 millions d’Ukrainiens, c’est un drame dans le drame qui touche certaines réfugiées ukrainiennes, selon une militante féministe ukrainienne. Violées par des soldats russes, elles se voient en effet refuser le droit à l’avortement au motif que le viol n’aurait pas été attesté par un juge. La Pologne possède en effet la législation sur l’avortement la plus restrictive d’Europe, ne l’autorisant qu’en cas de malformation grave de l’enfant ou de viol validé par un juge.
Nicolas Barbet