
Au-dessous de 5 ng/l, le diagnostic d’IDM est en règle très
peu probable dans la plupart des cas, la valeur prédictive négative
(VPN) étant proche de 100 %. La cinétique des taux de TnThs entre
H0 et H3 permet d’améliorer la spécificité du test dans les
situations cliniques complexes qui sont loin d’être rares dans la
pratique courante. Une variation d’au moins 20 % entre
H0 et H3 quand les taux sont >
99ème percentile plaide fortement en faveur
de l’IDM. Dans les cas où les taux à H0 sont ≤ 99ème
percentile, la variation entre H0 et H3 doit atteindre 50 % pour
conclure.
Chaque centre dispose de ses algorithmes diagnostiques validés
qui doivent par ailleurs intégrer l’âge et la fonction rénale. En
effet, les critères d’interprétation sont différents chez le sujet
âgé (> 65 ans), tout autant qu’en cas d’insuffisance rénale
chronique (IRC). Ainsi, les faux-positifs sont plus nombreux et la
valeur prédictive positive plus faible chez les patients atteints
d’IRC, quand on applique les critères évoqués. En outre, la
stratification du risque cardiaque à court ou long terme en
fonction des valeurs basales du biomarqueur dépend également de la
fonction rénale basale.
Une étude de cohorte prospective multicentrique en témoigne, dans laquelle ont été inclus 4 726 patients chez lesquels un SCA était suspecté. L’objectif était d’évaluer les performances pronostiques du dosage de la TnThs en fonction du débit de filtration glomérulaire estimé (DFGe) > ou < 60ml/min/1,73m2. La VPN et la sensibilité des concentrations du biomarqueur au-dessous de la valeur seuil de 5 ng/ml lors de l’admission ont été évaluées, le critère de jugement primaire (de fait le gold standard) étant la survenue d’un IDM de type 1 ou d’un décès cardiaque dans les 30 jours qui ont suivi puis à un an.
Davantage de faux positifs en termes de pronostic en cas d’IRC
La VPP et la spécificité des valeurs > 99ème percentile (16 ng/l chez la femme ; 34 ng/ml chez l’homme) ont été évaluées, en prenant comme critère de jugement la survenue d’un IDM de type 1 dans les 30 jours. Par ailleurs, ces deux évènements ont été également pris en compte au terme d’une année de suivi.Sur les 4 726 participants, 904 (19 %) présentaient une IRC (DFGe < 60 ml/min/1,73 m2). Chez ces derniers, les concentrations de Tnths < 5 ng/ml à H0 ont permis d’identifier 17 % de patients à faible risque avec les performances suivantes : (1) VPN : 98,4 %; intervalle de confiance à 95 % [IC], 96,0 %-99,7 %; (2) sensibilité : 98,9 %; IC, 97,5 %-99,9 %). En l’absence d’IRC, des taux de TnThs < 5 ng/ml ont identifié 56 % de patients à faible risque (p < 0,001), avec des performances similaires : (1) VPN, 99,7 %; IC, 99,4 %-99,9 %; (2) sensibilité, 98,4 %; IC, 97,2 %-99,4 %).
Les concentrations de TnThs > 99ème percentile montraient des performances diagnostiques moins bonnes en cas d’IRC : (1) VPP : 50,0 % (IC, 45,2 %-54,8 %) ; (2) spécificité 70,9 % (IC, 67,5 %-74,2 %). Les valeurs correspondantes en l’absence d’IRC ont été en effet estimées à 62,4 % (IC, 58,8 %-65,9 %) et 92,1 % (IC, 91,2 %-93,0 %). Avec un recul de 12 mois, les taux de TnThs > 99ème percentile en cas d’IRC ont été associés à un risque plus élevé d’IDM ou de décès d’origine cardiaque, soit un hazard ratio ajusté de 2,19 (IC, 1,54-3,11) versus absence d’IRC (24 % versus 10 %).
En bref, face à un SCA, le dosage de la TnThs conduit à plus
de faux-positifs en termes pronostiques quand il existe une IRC. En
outre, l’élévation des taux de ce biomarqueur à H0 en cas d’IRC,
quel que soit le diagnostic, a une valeur pronostique plus
péjorative, avec plus de deux fois plus d’évènements cardiaques
majeurs à long terme (12 mois). Une telle notion mérite d’être
intégrée dans la prise en charge précoce de ces patients à haut
risque.
Dr Catherine Watkins