
Quarante patients atteints de maladie du foie ou transplantés ont été infectés, dont 12 complètement vaccinés
Les registres internationaux de déclaration américaine
SECURE-Liver et européenne COVID-Hep ont été utilisés pour
identifier les cas de Covid-19 chez les patients atteints de
maladies chroniques du foie (MCF) et les transplantés hépatiques
(TH) ayant reçu une vaccination contre la Covid-19 entre le 5 mars
au 2 août 2021.
Dans la population générale, la vaccination contre le SARS-CoV-2 a démontré une excellente sécurité et efficacité, entraînant une réponse immunitaire robuste et une réduction significative des risques d'infection et de complications de la Covid-19. Les patients atteints de cirrhose décompensée et les transplantés hépatiques avaient, dans ces 2 registres, des risques accrus de complications liées à la Covid-19 entraînant un risque d’admission en unité de soins intensifs et de décès. Bien que des vaccins à vecteurs viraux (moins souvent proposés en France) aient été majoritairement utilisés, deux doses réduisent la gravité de la Covid-19 chez les patients atteints de cirrhose et, à un moindre degré, chez les receveurs de greffe d'organe solide confirmant 2 premières études antérieures. Cette protection n’est cependant pas optimale et pose la question de doses supplémentaires dans cette population immunodéprimée.
La réponse humorale est conservée dans 100 % des cas de cirrhose mais la réponse cellulaire est défaillante pour un tiers des patients
L’explication de la réponse vaccinale incomplète est apporté par une autre étude publiée récemment par une équipe allemande (Ruether et Coll.). Après la deuxième vaccination Pfizer, Moderna ou Astra Zeneca, la séroconversion des AC anti S RBD et anti trimère S a été obtenue chez 63 % des greffés hépatiques, 100 % des patients cirrhotiques et des témoins. Les titres médians des anticorps anti-SARS-CoV-2 des transplantés étaient inférieurs à ceux des patients cirrhotiques et des témoins (P < 0,001). Les taux de réponse des lymphocytes T spécifiques à la protéine S étaient respectivement de 36,6 %, 65,4 % et 100 % chez les transplantés, cirrhotiques et témoins. Au total, 28 % des receveurs de TH n'ont développé ni une réponse humorale ni une réponse des lymphocytes T après la deuxième vaccination.Ces deux études prospectives ont des implications cliniques importantes malgré les données hétérogènes concernant le vaccin utilisé et le recueil mondial des données. La réponse immunitaire humorale induite par le vaccin est préservée chez les patients cirrhotiques de stade A B et C qui doivent être vaccinés avant la transplantation. Néanmoins, la signification clinique de la faible réponse vaccinale cellulaire chez environ un tiers des patients cirrhotiques est actuellement inconnue et doit être soigneusement surveillée pour mieux comprendre l'étendue et la durée de la protection vaccinale. D'autre part, une proportion considérable de transplantés et la majorité des patients plus âgés ou lymphopéniques, présentent une réponse immunitaire humorale et cellulaire-T absente ou réduite à la vaccination. L'âge avancé, l'hypertension artérielle et l'immunosuppression (autre que la monothérapie par inhibiteur de calcineurine) prédisent l'échec de la vaccination chez les transplantés hépatiques. Des études antérieures incriminaient également la diminution de la fonction rénale, les stéroïdes à fortes doses et le mycophénolate mofétil. Un plus grand éventail de patients permettra de mieux connaître les facteurs prédisposant à ces mauvaises réponses vaccinales.
Si deux doses du vaccin BNT162b2 (Pfizer–BioNTech), Spikewax
(Moderna) ou ChAdOx1nCoV-19 (Astra Zeneca) sont efficaces contre le
variant alpha et, dans une moindre mesure contre le variant delta
du SARS-CoV-2 pour les personnes immunocompétentes, l’émergence du
variant Omicron rebat les cartes. On ne sait pas encore quel est le
taux minimal protecteur des AC à partir duquel le risque de
nouvelle contamination s’avère préoccupant et indique une
3e voire 4e dose.
Hall et Coll. rapportent l'immunogénicité et l'innocuité
d'une troisième dose du vaccin à ARNm-1273 (Moderna) administrée à
des receveurs d'organes 3 mois après les deux premières doses. Un
taux d'anticorps anti-domaine de liaison aux récepteurs (RBD) >
100 U/ml est corrélé, in vitro, avec une neutralisation
virale de 50 % et pourrait, s’il est confirmé par d’autres équipes
servir de cut off pour indiquer les doses de rappel. Il ne sera
cependant pas possible de comparer l’efficacité́ humorale des
différents vaccins qui seront testés dans les futures études de
phase 3 en l’absence de tests immunologiques standardisés au niveau
international.
Cette série de cas mondiaux démontre la réalité de la Covid-19 parmi les patients cirrhotiques et transplantés hépatiques ayant reçu une vaccination contre le SARS-CoV-2. Celle-ci semble entraîner des résultats favorables, comme l'atteste l'absence de besoin de ventilation mécanique, d'hospitalisation en unité de soins intensifs ou de décès chez les patients correctement vaccinés avec 2 doses par rapport à ceux n’ayant reçu qu’une dose et aux sujets non vaccinés.
Chez les patients atteints de cirrhose hépatique même
décompensée, la réponse immunitaire humorale est comparable à celle
des témoins sains alors qu’elle est diminuée chez les greffés
hépatiques. L’étude fine de la réponse cellulaire post vaccinale
confirme que celle-ci est réduite ou absente chez les cirrhotiques
et transplantés hépatiques. Le monitoring des AC anti SARS-CoV-2 et
l’identification de facteurs prédictifs d'absence ou de faible
réponse immunitaire après les vaccinations initiales permettront
d'autres stratégies de rappel incluant déjà une
3e dose.
Enfin les patients porteurs de cirrhose hépatique doivent être
vaccinés avant transplantation.
Dr Sylvain Beorchia