En apparence, il semble que des tentatives de suicide (TS) constituent, pour un risque ultérieur de suicide, des antécédents de plus grande gravité que de « simples » gestes d’automutilation. Cependant, The American Journal of Psychiatry rappelle que même ces comportements d’auto-agressivité (sans TS proprement dite) doivent attirer l’attention, car ils peuvent représenter des signes d’appel. Des études ont montré en effet que ces conduites auto-agressives indiquent la permanence d’idées suicidaires, au même titre que des TS avérées. L’auteur envisage au moins trois mécanismes possibles à l’origine de ce phénomène :
–Regroupées sous le terme de « violences délibérées contre
soi-même », l’automutilation et la TS seraient en fait deux
avatars (ou deux niveaux d’intensité) d’un même contexte
pathologique : une conduite autodestructrice.
–Même de nature distincte, ces deux troubles du comportement se
rejoindraient finalement dans le partage d’effets identiques où le
sujet suscite des préjudices contre lui-même.
–Enfin, les conduites auto-agressives pourraient, d’une façon ou
d’une autre, prédisposer à des comportements effectivement
suicidaires.
Selon une étude récente [1], cette valeur de « signal d’alarme » de l’auto-agressivité concerne en particulier les adolescents dépressifs où elle se révèle même, paradoxalement, un « meilleur indicateur » de risque suicidaire ultérieur qu’un antécédent de TS dans l’anamnèse ! Malgré cette convergence entre TS et automutilation, certaines nuances cliniques et para-cliniques semblent toutefois exister :
–Bien que l’auto-agressivité comme le suicide puissent comporter
en commun « un désir d’influencer autrui » (chantage
affectif, appel à l’aide), cette dimension d’interaction
socio-familiale paraît plus fréquente chez les adolescents
réellement suicidaires que chez ceux se « contentant
simplement » de gestes auto-agressifs.
–Et du point de vue neurobiologique, ces deux troubles du
comportement auraient des connotations différentes : si
l’altération de la neurotransmission est « bien documentée dans
les conduites suicidaires », on a montré que l’automutilation
est associée plutôt à « des niveaux plus faibles de CSF opioïdes »
(Colony Stimulating Factors, facteurs de stimulation
proches des cytokines) [2] et « un plus grand nombre de
récepteurs µ-opioïdes. »
[1] Étude ADAPT (Adolescent Depression Antidepressants and Psychotherapy Trial)
[2] http://www.chups.jussieu.fr/polys/histo/histoP1/POLY.Chp.2.4.html
Dr Alain Cohen