Le CESE préconise la légalisation du cannabis

Paris, le mercredi 25 janvier 2023 – Dans un avis rendu ce mardi, le CESE (Conseil économique social et environnemental) constate l’échec de la politique répressive et recommande donc d’autoriser la vente de cannabis aux majeurs.

Un mois après la décision du Conseil d’Etat d’autoriser la vente de CBD, est-il temps de légaliser le cannabis à usage récréatif ? C’est ce que pense en tout cas le CESE, assemblée consultative composé de représentants de la société civile. Dans son avis intitulé « cannabis : sortir du statu quo, vers une légalisation encadrée » adopté ce mardi, l’assemblée préconise de « faire évoluer la législation française vers une légalisation encadrée ». Un avis fruit du travail d’un an mené par une commission ad hoc « cannabis » dirigée par le syndicaliste Jean-François Naton.

Le rapport du CESE part d’un constat partagé par l’ensemble des partisans de la légalisation du cannabis : la prohibition est un échec. « Malgré la mise en place d’un système de prohibition depuis plus de 50 ans, un des plus répressifs d’Europe, la France est le pays de l’Union Européenne (UE) qui compte le plus de consommateurs de stupéfiants, avec 45 % des 15-64 ans qui ont déjà consommé du cannabis au moins une fois au cours de leur vie, contre 27 % dans l’ensemble de l’UE, selon l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (OFDT) » explique le CESE. L’assemblée prend notamment l’exemple des tests de détection d’usage de cannabis au volant, qui conduisent parfois à pénaliser des consommations vieilles de plusieurs jours, une source d’injustices selon les auteurs de l’avis.

Le CESE préconise donc d’autoriser la consommation et la vente de cannabis, uniquement pour les majeurs. Une « attention particulière » devra être porté sur la consommation des 18-25 ans, puisqu’on sait que le cannabis peut être particulièrement nocif lorsque le cerveau n’est pas encore totalement arrivé à maturation.

Les médecins très partagés sur l’opportunité de légaliser le cannabis

Dans le plan du CESE, la culture du cannabis à titre personnel serait autorisée et des « points de vente dédiés soumis à licence » seraient ouverts, dans lesquels les distributeurs devraient « suivre une formation obligatoire à la prévention et à la réduction des risques » et où sera assuré « un affichage obligatoire des taux des principaux cannabinoïdes ». Pour éviter la création de « géants du cannabis », une entreprise ne pourra pas détenir plus de cinq points de vente. L’agriculture biologique sera « la norme de production du cannabis ». Il faudra « produire moins, mais produire mieux, dans des filières bio sans pesticides » explique l’écologiste Florent Compain, co-auteur de l’avis.

Le CESE reconnait que l’équilibre sera difficile à trouver entre la légalisation et le maintien d’une politique de prévention contre l’usage du cannabis. Si légalisation il y a, elle devra « être appuyée par une politique d’éducation et de prévention » explique Jean-François Naton. La lutte contre le trafic à destination des mineurs serait ainsi poursuivie et « toute propagande ou publicité en faveur du cannabis ainsi que toute distribution gratuite ou promotionnelle » sera banni, à l’image de ce qui existe pour le tabac avec la loi Evin. En cas de légalisation du cannabis, le CESE appelle également de ses vœux la création d’une « taxe spécifique affectée à la prévention et au soin, au financement de la recherche sur le cannabis et l’accompagnement des personnes qui ont subi les conséquences du trafic ».

L’avis du CESE a provoqué une réaction contrastée au sein du corps médical, particulièrement divisée sur l’opportunité de légaliser le cannabis récréatif. Chef du service d’addictologie à l’hôpital Paul-Brousse de Villejuif, le Pr Amine Benyamina partage totalement l’avis du CESE. « C’est une stratégie pragmatique qui limite les risques en matière de santé publique, sans que cela n’envoie un messager à consommer davantage » commente l’addictologue, qui considère lui aussi que « la répression n’est pas vraiment efficace ».

L’Allemagne légalisera le cannabis en 2024

Un argumentaire battu en brèche par son confrère le Pr Jean-Claude Alvarez, chef du service de toxicologie à l’hôpital de Garches, qui « ne voit pas du tout pourquoi on légaliserait une drogue sous prétexte qu’on n’arrive pas à l’interdire » et considère « hypocrite de dire que les gens ne fumeront du cannabis qu’à partir de 18 ans car la vente sera interdite aux mineurs et de penser que le marché illégal va disparaitre en légalisant la vente ». Dans un sondage réalisé sur notre site en mars 2021, 45 % des professionnels de santé se disaient favorable à la légalisation du cannabis.

La légalisation de l’usage récréatif de cannabis gagne du terrain partout dans le monde. Ces dernières années, le Canada, l’Uruguay et plusieurs Etats américains (Californie, New York, Colorado…) ont légalisé le cannabis, avec des résultats contrastés en termes de recul du marché illégal et d’augmentation des recettes fiscales. Plus près de nous, le gouvernement allemand a promis de légaliser le cannabis d’ici 2024.

Rappelons cependant que le CESE n’a qu’un rôle consultatif et que l’avis qu’il a rendu ne lie absolument pas l’exécutif. Or, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin et le ministre de la Santé François Braun n’ont pas caché leur opposition à toute forme de légalisation, tout comme Emmanuel Macron lors de la dernière campagne présidentielle. L’avis du CESE, aussi intéressant qu’il soit, risque donc de rester lettre morte.

Grégoire Griffard

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Vos réactions (4)

  • Intéressant, dites-vous ?

    Le 25 janvier 2023

    En quoi l'avis du CESE est-il intéressant ? Sur ce sujet (comme sur bien d'autres qui donnent à pérorer aux dilettantes de ce club inutilement coûteux) on aimerait mieux entendre les analyses détaillées de professionnels très informés sur les divers aspects du problème, et autant que possible abstinents de psychodysleptiques.

    Dr Pierre Rimbaud

  • 500 morts par an actuellement

    Le 27 janvier 2023

    Actuellement le cannabis provoque la mort accidentelle (route, domicile, travail) d'au moins 500 personnes chaque année en France sans parler de l'impact désastreux sur les enfants et les familles, 500 morts c'est évidemment insuffisant pour le CESE, planque pour has been surpayés.

    F-X Le Foulon, pharmacien

    Tous les exemples de légalisation sont des échecs, les dealers s'étant adaptés en vendant des produits plus concentrés et moins chers ou en diversifiant leurs offres.

    Il faut au contraire renforcer la lutte contre les consommateurs récréatifs de cannabis en les matraquant d'amendes progressives afin de ruiner les trafiquants et améliorer la santé psychique et physique de nos jeunes.

    Dr F-X LE FOULON

  • Effarant de bêtise

    Le 29 janvier 2023

    Dr Rimbaud, voici mon avis de psychiatre et psychanalyste (non lacanien, je précise bien) : cette sottise criminelle va entraîner de nombreuses décompensations psychotiques, sans compter les décrochages scolaires massifs sur des jeunes qui n'ont déjà pas besoin de cela (invasion des écrans et effondrement de l’instruction publique).
    Tout ce qu'il faudrait éviter, ces *@#%& le mettent en œuvre.

    Dr A Krivitzky

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