Le Conseil d’Etat conforte les médecins « protecteurs »

Paris, le vendredi 8 juillet 2022 – Le Conseil d’Etat a confirmé le rejet d’une plainte contre une psychiatre ayant signalé des faits de maltraitance sur un enfant.

Le médecin qui constate des violences intrafamiliales ou une situation de maltraitance dans le cadre de son activité professionnelle se trouve souvent dans une situation ambiguë, pris entre la nécessité de protéger les victimes d’un côté et son obligation de respecter le secret médical et de ne pas « s’immiscer dans les affaires de famille » (comme le préconise le code de déontologie) de l’autre. Tout signalement suppose ainsi le risque de subir une sanction disciplinaire. La dernière décision du Conseil d’Etat devrait cependant rassurer ces médecins « protecteurs » qui signalent aux autorités des cas de maltraitance.

Le psychiatre déjà blanchi par la justice ordinale

La plus haute juridiction administrative a en effet rejeté ce mardi la plainte d’une femme contre un médecin psychiatre. Les faits remontent à novembre 2017, quand ce pédopsychiatre exerçant au centre médico-psychologique (CMP) de Lamballe en Bretagne émet un signalement auprès de la cellule départementale de recueil des informations préoccupantes (CRIP) au sujet d’une patiente de 9 ans. Il suspecte l’enfant d’être victime de maltraitances psychologiques perpétrées par sa mère, qui est d’ailleurs suivie au CMP en raison de précédents signalements émis par d’autres professionnels de santé. L’intervention du psychiatre conduit le juge des enfants à retirer à la mère la garde de son enfant.

La mère accusée décide de mener une procédure disciplinaire contre le pédopsychiatre à l’origine du signalement. La chambre disciplinaire du conseil de l’ordre départemental rejette la plainte, décision confirmée en appel par la chambre disciplinaire du conseil national. Ce mardi, le Conseil d’Etat a donc rejeté le pourvoi de la plaignante, rendant la mise hors de cause du psychiatre définitive.

L’obligation de signalement, une fausse bonne idée ?

Pour justifier sa décision, le juge administratif s’est appuyé sur l’article 226-14 du code pénal, qui dispose depuis 2015 que la responsabilité d’un médecin effectuant un signalement aux autorités compétentes et violant ainsi le secret médical ne peut pas être engagée s’il a agi de bonne foi. En l’espèce, le juge a estimé que le psychiatre s’était appuyé sur des éléments objectifs et circonstanciés (constatations médicales, propos et comportements de l’enfant et de la mère…) pour opérer ce signalement et qu’il a donc, de bonne foi, agi dans l’intérêt de la petite fille. Cette décision du Conseil d’Etat va dans le même sens qu’un autre arrêt rendu le 30 mai dernier, à travers lequel la juridiction administrative avait annulé une interdiction temporaire d’exercer prononcée contre le Dr Eugénie Izard, psychiatre à Toulouse ayant accusé un père d’inceste, de bonne foi mais apparemment à tort.

Selon certains médecins, il serait judicieux de mettre fin à cette insécurité juridique dans laquelle vivent les médecins qui constatent des violences physiques ou sexuelles contre des enfants. Dans un rapport rendu le 31 mars dernier, la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise) avait préconisé de mettre en place une véritable obligation de signalement pour les médecins, assortie d’une immunité juridique pour ces médecins protecteurs. Une proposition vivement critiquée par le Conseil de l’ordre des médecins (Cnom) qui craint qu’une telle mesure ne conduise les familles maltraitantes à ne plus amener leurs enfants chez le médecin.

Quentin Haroche

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