Le droit au suicide assisté gagne du terrain en Europe

Rome, le mercredi 24 novembre 2021 – Plusieurs pays d’Europe, dont l’Italie, l’Autriche ou l’Allemagne, projettent de légaliser le suicide assisté, sous la pression des Cours Constitutionnelles.

« Je me sens plus léger, je n’ai plus toute la tension accumulée au cours de ces années ». Mario est un homme heureux : il va bientôt pouvoir mourir. Ce chauffeur de poids lourds de 43 ans, devenu tétraplégique à la suite d’un accident de la circulation, est le premier Italien à « bénéficier » du droit au suicide assisté. Ce mardi, le Comité éthique sanitaire de la région des Marches, dans le centre du pays, a accepté sa demande d’accès à une aide médicale au suicide. « C’est une page historique de liberté sur le choix sur la fin de vie qui s’ouvre en Italie » a commenté l’association Coscioni, qui a soutenu Mario dans son combat juridique et qui lutte pour la légalisation de l’euthanasie et du suicide assisté.

Vers un référendum sur l’euthanasie en Italie

Ce premier cas de suicide assisté en Italie fait suite à la décision très controversée de la Cour Constitutionnelle italienne du 25 septembre 2019. Les juges avaient alors estimé que l’interdiction du suicide assisté, puni de 5 à 12 ans de prison en Italie, était inconstitutionnelle, dans le cas où la personne « est atteinte d’une pathologie irréversible, source de souffrances insupportables, mais est pleinement en mesure de prendre des décisions libres et conscientes ».

La Cour avait été saisie à l’époque par Marco Cappato, homme politique de gauche qui s’était accusé d’avoir aidé un ami à se suicider en Suisse.

La décision de la Cour avait créé un vide juridique qui n’a toujours pas été résolu. En effet, le Parlement, profondément divisé sur la question, n’a toujours pas examiné le moindre projet de loi relatif au suicide assisté. C’est donc la société civile qui a pris les choses en main. L’été dernier, une pétition demandant la légalisation de l’euthanasie a recueilli plus de 750 000 signatures. Conformément à la Constitution, si le texte est validé par la Cour Constitutionnelle, un référendum pourrait donc être organisé sur la question en 2022. Sans surprise, le Vatican se dit opposé à toute forme de légalisation du suicide assisté, qui risque selon lui de « disséminer la culture de la mort ».

Consensus sur le suicide assisté en Autriche

L’Italie n’est pas le seul pays d’Europe où le débat sur le suicide assisté avance, sous la pression des Cours Constitutionnelles. Vendredi dernier, le gouvernement autrichien a déposé un projet de loi visant à légaliser le suicide assisté, un an après que la Cour Constitutionnelle ait jugé la législation le prohibant inconstitutionnel. Le texte, qui résulte d’un compromis entre les écologistes et les conservateurs, qui forment la coalition au pouvoir, comporte de nombreux garde-fous. Le patient désirant se suicider devra ainsi consulter deux médecins, réitérer son choix devant trois témoins et respecter un délai de réflexion de 12 semaines (qui pourra être réduit en cas d’urgence). Le texte accorde également une clause de conscience aux médecins et prévoit que seuls les Autrichiens pourront demander une aide au suicide, afin d’éviter que se développe un « tourisme de la mort » comme en Suisse.

Signe d’un certain consensus sur le sujet, le texte a été salué par tous les partis politiques, y compris par l’extrême-droite et son adoption par le Parlement ne devrait pas poser de problèmes. Même l’Église catholique a reconnu que le gouvernement avait tout fait pour encadrer le plus possible ce nouveau droit et réserve ses critiques pour la Cour Constitutionnelle et sa « décision excessive ». L’Autriche pourrait donc rapidement devenir le 6ème pays européen à légaliser le suicide assisté. Ces 12 derniers mois, l’Espagne a légalisé l’euthanasie tandis que le Portugal et l’Allemagne (là aussi sous la pression de son Tribunal Constitutionnel) pourraient prochainement franchir le pas.

Quentin Haroche

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Vos réactions (1)

  • Un grand pas pour l'humanité

    Le 28 novembre 2021

    La meilleure nouvelle medicale de l'année. Enfin l'Europe évoluerait ? On sait qu'il ne faut pas trop en demander à la France pour le moment (pays souffrant d'une éthique d'attardés) et que tout se passe au cas par cas dans les hôpitaux. Les fins de vie dignes sont malheureusement encore prescrites en toute illégalité en dehors de la tristement celebre exception COVID qui était une avancée. La démographie vieillissante, la maladie d'Alzheimer finiront bien par peser dans la balance financière, mais on n'en n'est pas encore au point critique que beaucoup attendent.

    Ce sera une immense victoire lorsque la loi sera très claire et protectrice pour les patients, leurs médecins, leurs familles ET contre l'acharnement thérapeutique déraisonnable. Les directives anticipées parfois disparaissent ou sont remises en cause trop tard, un médecin ne pense pas comme l'autre... tout part en vrille...
    Voir un patient porteur d'une maladie neuro degenerative ou un cancer incurable subir une immobilisation, des soins dégradants, peut être douloureux, en étant un boulet pour sa famille qui souvent se déchire, est une situation explosive et qui va a l'encontre de notre engagement qui est le SOIN et non pas le "traitement". Et qui n'est pas de faire des choix raisonnés dans l’illégalité.

    Dr Isabelle Herry

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