Le manque de spécialistes, l’autre facette de la désertification médicale

Paris, le mardi 27 septembre 2022 – Le nombre de médecins spécialistes par habitants a diminué ces dix dernières années, avec de fortes disparités selon les régions.

Quand on parle de désertification médicale, c’est souvent le manque de médecins généralistes dans les régions sous-dotées que l’on évoque. Le gouvernement a d’ailleurs encore une fois mis l’accent sur la médecine générale en annonçant ce lundi la création d’une quatrième année d’internat pour les futurs généralistes, qui seront « encouragés » (c’est le terme usité) à suivre cette année de consolidation dans un désert médical.

Mais aussi important que soit l’accès aux généralistes, souvent la porte d’entrée dans le système de soins, le manque de médecins spécialistes suscite aussi l’inquiétude. « Trop nombreux sont aujourd’hui nos compatriotes à avoir de plus en plus de difficultés à avoir accès à des spécialistes » constatait Emmanuel Macron lors de son intervention au congrès de la Mutualité le 7 septembre dernier.

Pour mieux évaluer cette pénurie de spécialistes, le géographe Emmanuel Vigneron, spécialiste de la santé, a créé un indicateur en se basant sur le nombre de médecins par habitants dans les douze spécialités les plus sollicitées, parmi lesquels la pédiatrie, la gynécologie ou encore l’ophtalmologie.

L’écart se creuse entre les zones rurales et les métropoles


Dans ces spécialités, on compte 44 398 médecins de ville, en exercice libéral ou mixte, soit 65,5 praticiens pour 100 000 habitants. Un taux en net baisse par rapport à 2012, quand on comptait 68,4 spécialistes pour 100 000 habitants. Si ce phénomène de diminution du nombre de spécialistes est généralisé, il est encore plus marqué dans les territoires ruraux.

Dans des départements comme la Creuse, l’Indre ou la Charente, le nombre de spécialistes par habitants a ainsi diminué de plus de 35 %. « Les territoires qui étaient relativement les mieux lotis renforcent leur position, le phénomène de métropolisation est très net de même que la forte attractivité méridionale » commente Emmanuel Vigneron.

L’écarte se creuse entre les zones rurales et les grandes villes. On compte ainsi trois à quatre fois plus de spécialistes en Gironde ou dans les Alpes-Maritimes que dans l’Eure ou en Haute-Loire, sans parler de Paris qui explose tous les compteurs avec 219 spécialistes pour 100 000 habitants. Une quarantaine de départements se situent sous le seuil critique de 40 spécialistes pour 100 000 résidents, fixé par Emmanuel Vigneron.

La situation est encore plus inquiétante lorsqu’on s’intéresse à certaines spécialités. La densité de dermatologues a ainsi diminué de 19 % et on compte huit fois plus de gynécologues par habitants en Hauts-de-Seine qu’en Mayenne. A cette mauvaise répartition géographique des médecins, s’ajoute également la barrière économique : la majorité des médecins spécialistes libéraux sont désormais en secteur 2, alors qu’ils n’étaient qu’un tiers en 2012.

Les médecins libéraux ne veulent pas de contrainte à l’installation


Les causes de cette désertification médicale croissante sont connues : démographie médicale en berne (conséquence du numerus clausus drastique des années 1990-2000 et du départ à la retraite des baby-bommers), perte d’attractivité des zones rurales, renforcement de l’hôpital au détriment de la médecine de ville… Les solutions à apporter au problème sont en revanche beaucoup plus discutées.

Appelée de ses vœux par Emmanuel Vigneron et une partie de la classe politique, l’encadrement de la liberté d’installation est rejeté en bloc par les médecins libéraux. Les syndicats de praticiens préfèrent la promotion de mesures moins contraignantes : incitations financières à l’installation en zone sous-dense, développement de l’exercice en groupe, augmentation du temps médical par l’engagement d’assistants médicaux etc.

Différents dispositifs qui sont déjà mis en place depuis quelques années et qui commencent à donner des résultats assurent les syndicats.

Le manque de spécialistes, la désertification médicale et la liberté d’installation feront assurément partie des sujets lors des deux grands débats qui vont prochainement occuper le monde de la santé : la concertation sur la nouvelle convention médicale et le « CNR santé », qui débutera lundi prochain.

Quentin Haroche

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Vos réactions (1)

  • Un marqueur profond de la dégradation du secteur

    Le 28 septembre 2022

    Afin de donner le coup de grâce à cette profession, qui n'est plus libérale depuis des dizaines d'années, depuis 1974 date du conventionnement, avec toutes les conséquences qui ont suivi, il ne fait aucun doute que la contrainte d'installation sera instaurée un jour. Et il ne fait aucun doute que le système continuera à se dégrader car toutes les médecines étatisées, contraintes, ont fini dans une paupérisation des soins et un recul.
    Tout s'effondre, le public et le privé.
    Il ne faut pas s'étonner de la raréfaction des acteurs autant que de la disparité sur le territoire, conséquence de la dégradation générale de ce secteur en entier, et sur tout les plans. A ce jour, le numerus clausus à été désigné comme le seul responsable, et donc facilement corrigible, par principe. Cela fera passer la pilule quelques années. Et après, les français seront bien obligés de mettre à plat tout le système et les politiques également, qui de droite ou de gauche, se sont servi de la SS, pour leurs discours démagogiques comme dans leurs actions.
    Il n'y a pire aveugle que celui qui ne veut point voir, par cécité ou par un intérêt à poursuivre la situation. La seule perspective sera de redonner de l'essor à l entreprise individuelle médicale, à ne pas confondre avec celle libérale, financière, de grands groupes du secteur médico-social ou celle de l'industrie pharmaceutique. Les acteurs médicaux, paramédicaux doivent garder la main, ce qui n'est plus le cas. L'administration ou de grands groupes l'ont prise, avec une promiscuité discutable de hauts fonctionnaires, des énarques et des pdg de ces groupes comme cela a été dénoncée.
    Raréfaction de médecins dans certaines régions nous dit cet article mais quel médecin irait s'installer dans une région où il faut faire plus de 100 km pour faire un scanner, une IRM, une Vo2... où l'on n'autorise pas certaines activités sous prétexte d'une faible fréquence de cette activité ?

    Dr C Trape

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