
Paris, le mardi 19 juillet 2022 – La composition inédite de l’Assemblée nationale conduira-t-elle à l’adoption de mesures coercitives en ce qui concerne la liberté d’installation ? Très régulièrement des propositions sont déposées dans ce sens, qui ces dernières années ont à plusieurs reprises réussi à séduire les sénateurs (à majorité LR).
Cependant, la majorité gouvernementale à l’Assemblée nationale a toujours repoussé ces textes, tandis que les ministres de la Santé successifs ont constamment rappelé le caractère contre-productif de ce type de dispositifs. Toutefois, le nouvel équilibre de l’Assemblée nationale pourrait fragiliser ce « rempart » et ouvrir la brèche à des mesures coercitives.
Compromis intenable ?
En effet, un nombre croissant d’élus semble convaincu que de telles solutions sont aujourd’hui inévitables pour lutter contre les déserts médicaux qui s’étendent. Ainsi, le sénateur LR de l’Allier Bruno Rojouan a déposé à la fin du mois de juin un texte qui se veut un compromis entre dispositifs incitatifs innovants et méthodes plus contraignantes.
Cette proposition est largement inspirée du rapport présenté au printemps par la commission de l’aménagement du territoire.
Plus d’égalité des tarifs sur l’ensemble du territoire…
La mesure phare de la proposition voudrait conférer un avantage quasiment inédit aux praticiens installés dans les zones sous dotées. Si forfaits et primes existent déjà pour récompenser ces praticiens, l’idée d’honoraires adaptés au territoire a toujours été récusée par les syndicats. Pourtant, Bruno Rojouan préconise de fixer le C à 30 euros (sans augmentation du reste à charge pour les patients) pour les médecins généralistes de secteur 1 dans les zones sous dotées d’ici 2025.
Une telle progression pourrait cependant être jugée trop restreinte pour faire accepter la rupture du principe d’égalité des tarifs sur l’ensemble du territoire.
Conventionnement sélectif : l’ambiguïté de Renaissance
Mais le sénateur de l’Allier va plus loin en défendant à son tour le principe du conventionnement soumis à un départ à la retraite dans les zones les mieux dotées et du stage obligatoire de six mois dans un désert pour les jeunes médecins avant de pouvoir obtenir une autorisation de conventionnement.
Le fait que ces mesures puissent être considérées comme des adaptations des règles actuelles et non comme une attaque frontale contre la liberté d’installation pourrait les rendre plus acceptables aux yeux de certains élus y compris dans les rangs de la majorité.
En effet même si les deux ministres de la Santé du second quinquennat d’Emmanuel Macron ont réaffirmé leur attachement à la liberté d’installation, le programme du président n’était pas totalement sans ambiguïté en ce qui concerne le conventionnement sous conditions.
Constat consensuel
Les autres dispositions du texte de Bruno Rojouan qui en compte une trentaine se fondent sur un constat consensuel. Elles entendent lutter contre la surcharge administrative des médecins, afin de leur permettre de dégager du temps à consacrer aux patients, elles visent à favoriser les délégations de tâches qui peu à peu s’installent dans les mœurs.
Enfin, mesure originale, le sénateur propose que dans les localités les plus désertées, les médecins retraités qui continuent à exercer soient exonérés de cotisations retraite, afin que le cumul emploi – pension soit plus avantageux. Le financement de cette mesure serait assuré par une taxe sur le tabac.
Pour l’heure, la proposition n’est pas encore inscrite dans le
calendrier de l’Assemblée nationale.
Léa Crébat