
Le sotrovimab et le molnupiravir ont été parmi les premières
molécules autorisées pour le traitement de la Covid-19 chez des
patients non vaccinés, ne nécessitant pas d’hospitalisation, mais à
risque élevé d’évolution vers une forme grave. Le premier est un
anticorps monoclonal administré par voie intraveineuse, le second
un antiviral administré per os.
Les autorisations d’accès précoce délivrées pour ces
médicaments étaient basées sur deux essais randomisés, qui
montraient une efficacité élevée du sotrovimab pour la prévention
des hospitalisations et des décès (réduction relative de 79 % du
risque), et une efficacité plus modeste du molnupiravir (réduction
relative de 30 %). Les données sur cette efficacité sont toutefois
limitées et de nombreuses inconnues subsistent, comme la
persistance de cette efficacité chez les personnes vaccinées, chez
les personnes infectées par les variants omicron ou dans différents
sous-groupes peu ou pas représentés dans les essais
cliniques.
C’est pourquoi une équipe du Royaume-Uni a réalisé une étude observationnelle incluant des adultes atteints de Covid-19 pris en charge en ville, mais à risque élevé d’évolution vers une forme grave, entre décembre 2021 et février 2022. Ils ont été traités par sotrovimab (n = 3 331) ou molnupiravir (n = 2 689). L’objectif était de comparer l’évolution clinique avec les deux molécules. Les critères de jugement étaient l’hospitalisation pour Covid-19 ou un décès par Covid-19 dans les 28 jours suivant le début du traitement. Près de 90 % d’entre eux avaient reçu au moins 3 doses de vaccin contre la Covid-19.
Rétrogradation pour le molnupiravir
Après ajustement pour un grand nombre de facteurs confondants, les données montrent un effet robuste du traitement par sotrovimab sur le risque d’hospitalisation ou de décès, en comparaison avec l’effet retrouvé parmi les patients traités par molnupiravir. Au total 1,4 % de la totalité des patients ont été hospitalisé ou sont décédés dans les 28 jours suivant le début du traitement (32 traités par sotrovimab et 55 par molnupiravir).
Après ajustement pour les données démographiques, les
catégories à haut risque, le statut vaccinal, la période concernée,
l’indice de masse corporelle et les comorbidités, il apparaît que
le sotrovimab est associé à un risque de décès inférieur, en
comparaison avec le molnupiravir (Hazard Ratio HR 0,54 ; intervalle
de confiance à 95 % 0,33 à 0,88).
Finalement, le NHS (National Health Service) et la HAS (Haute Autorité de Santé) ont « rétrogradé » le molnupiravir sur la liste des médicaments prioritaires en pratique courante pour les patients atteints de Covid-19 suivis en ville mais à risque élevé de forme sévère. Le sotrovimab est recommandé en première ligne (aux côtés du Paxlovid) alors que le molnupiravir est considéré comme une option de 3ème ligne (après le remdesivir en 2ème ligne), et seulement en cas de contre-indications ou de problèmes d’accès aux autres traitements.
Notons aussi que des questions de sécurité d’utilisation
restent posées et devront être explorées. Si des effets secondaires
bénins ou modérés ont été rapportés, de rares cas d’urticaire et
d’anaphylaxie ont été signalés pour le sotrovimab, et une étude
préclinique suggère la possibilité d’atteinte de la moelle osseuse
et de thrombocytopénie avec le molnupiravir. La surveillance
post-commercialisation est donc nécessaire pour caractériser plus
précisément la balance bénéfice-risque de ces traitements.
Dr Roseline Péluchon