Face à une pneumopathie aiguë acquise au sein de la communauté,
faut il envisager l’hospitalisation ou traiter le patient à son
domicile ? La question vaut d’être posée, car la bonne décision
n’est pas toujours facile à prendre. Sur le plan économique, aux
Etats-Unis, le coût d’une hospitalisation pour ce motif est estimé
à 7 500 $, versus 150 à 300 $ pour une prise en charge
extrahospitalière. Il est admis que nombre de praticiens
surestiment la gravité de la pneumopathie sur un état clinique
parfois impressionnant, au point d’aboutir à des hospitalisations
abusives. D’autres brillent par leur optimisme qui les conduit à
sous-estimer la sévérité potentielle de cette affection
respiratoire et à renoncer à une hospitalisation utile, car il est
des formes gravissimes…
En toute logique, il faudrait disposer de scores cliniques et/ou
biologiques fiables qui permettent de repérer les malades à haut
risque, ou mieux encore de biomarqueurs fiables, corrélés à la
sévérité de la maladie et à son évolution. La CRP (C-reactive
protein) est une protéine de la phase aiguë synthétisée d’abord par
le foie, en réponse à l’interleukine-6 (IL-6). Certaine études ont
pu suggérer que ce marqueur de l’inflammation avait une valeur
prédictive dans certaines situations clinique critiques. Qu’en
est-il dans les pneumopathies ? Une étude de cohorte prospective,
réalisée dans un centre hospitalo-universitaire a inclus 570
patients atteints de cette pathologie aiguë. Les taux plasmatiques
de CRP ont été évalués lors de l’admission et quatre jours après
celle-ci.
Le suivi a été de 2 ans. La mortalité à 30 jours a été estimée à
9,6 %. Des taux faibles de CRP ont fait preuve d’une haute valeur
prédictive négative (VPN) quant à l’éventualité d’un décès avant le
30ème jour de l’étude : 1) CRP < 10 mg/l) : pas de décès,
VPN=100 % ; 2) CRP <50 mg/l : VPN=99,1 % ; 3) CRP<100 :
VPN=98,9 % : 4) CRP<200, VPN= 94,9 %.
Des taux bas de CRP lors de l’admission (< 100 mg/l) ont été
significativement et indépendamment associés : 1) à une mortalité
réduite au 30ème jour (odds ratio, OR=0,18 ; p=0,03) ; 2) à un
moindre recours à la ventilation assistée, associée ou non à des
médicaments inotropes positifs (OR=0,21 ; p=0,002) ; 3) à moins de
complications liées à la pneumopathie (OR= 0,05). Une CRP qui n’a
pas baissé d’au moins 50 % dans les 4 jours qui ont suivi
l’admission, a été associée à une augmentation de la mortalité au
30ème jour, l’OR correspondant étant en effet de 24,5
(p<0,0001), mais aussi à la nécessité de recourir à la
ventilation assistée et/ou aux agents inotropes positifs (OR=7,1 ;
p<0,0001) et à la fréquence des complications de la
pneumopathie (OR=15,4 ; p<0,0001).
Des taux de CRP < 100 mg/l, lors de l’admission pour
pneumopathie aiguë, sont en faveur d’une évolution relativement
favorable, avec des risque moindres en termes de mortalité à 30
jours, de ventilation assistée, de traitement inotrope positif ou
encore de complications. Des taux de CRP élevés qui ne baissent pas
d’au moins 50 % dans les 4 jours qui suivent l’admission annoncent
une évolution plus mouvementée, voire défavorable. Il s’agit là
d’une variable biologique dont la valeur pronostique est
indépendante des autres facteurs de risque.
DR John Sorri