
Les rotavirus sont les germes le plus souvent en cause dans
les gastro-entérites graves du nourrisson et du jeune enfant. Ces
infections sont à l’origine d’une morbidité importante dans tous
les pays et d’une surmortalité significative dans les pays à faible
revenu. C’est ainsi que 450 000 décès à l’échelon mondial peuvent
être imputés chaque année aux gastro-entérites à rotavirus chez les
enfants de moins de 5 ans.
En Europe, avant l'introduction des vaccins dirigés contre ce
virus, 72 000 à 77 000 patients étaient hospitalisés chaque année
en raison d’une gastro-entérite sévère dans l'Union européenne,
avec un coût médian estimé 1 417 € par cas, variable d’un pays à
l’autre. La mortalité était alors comprise entre 0,5 et 3 décès par
million d'enfants de moins de 5 ans.
En 2006, deux vaccins antirotavirus ont été autorisés en
Europe : le Rotarix (RV1 ; GlaxoSmithKline) et le RotaTeq (RV5 ;
Merck Sharp & Dohme). En 2007, l'Organisation mondiale de la
santé (OMS) a recommandé d’inscrire cette vaccination dans les
programmes nationaux de vaccination (PNV) des régions et des pays
où cela s’avère possible et rentable. Cette stratégie a permis
d'éviter plus de 28 000 décès d'enfants de moins de 5 ans dans le
monde, et environ 1,7 million d'hospitalisations.
Cependant, en 2018, seuls 13 pays européens l’ont adoptée et
la France n’en fait pas partie, réservant le vaccin aux enfants à
haut risque. Le 12 juillet 2022, la HAS (haute autorité de santé) a
cependant recommandé la vaccination antirotavirus chez les
nourrissons âgés de 6 semaines à 6 mois.
Un bénéfice significatif à tous les niveaux et dans tous les pays européens
Une revue systématique de la littérature internationale,
complétée par un avis d’experts, permet d’évaluer l’impact clinique
et économique de cette vaccination dans les pays concernés, entre
2006 et la fin de 2020. Sur les 3 137 articles identifiés, seuls 46
concernant des cohortes constituées dans le monde réel ont été
inclus dans cette revue focalisée sur l’Europe.
De l’avis de tous les experts, la vaccination antirotavirus a
réduit de manière substantielle le nombre des hospitalisations et
les coûts tant directs qu’indirects des infections induites par ces
virus, tout particulièrement chez les enfants âgés de moins de cinq
ans. Le bénéfice varie certes d’un pays à l’autre, en fonction des
particularités des systèmes de santé, mais il est significatif à
tous les niveaux, clinique, économique et sociétal dans tous les
pays.
Par ailleurs, il apparaît qu’un niveau de vaccination élevé
chez les nourrissons favorise une protection collective qui
concerne à l’évidence les tranches d’âge plus élevées.
L'augmentation de la couverture vaccinale et la poursuite des
investissements dans des programmes de vaccination contre le
rotavirus dans tous les pays notamment européens devraient
permettre d'accroître encore un bénéfice sociétal actuel d’ores et
déjà substantiel.
Les politiques de santé doivent tenir compte de ces
informations pour réduire le fardeau des gastro-entérites virales
et une réflexion mérite d’être envisagée dans les pays qui, pour
l’instant, semblent réfractaires à la vaccination contre les
rotavirus. La récente prise de position de la HAS en faveur de la
vaccination antirotavirus chez le nourrisson en témoigne.
Dr Philippe Tellier