L’enfant, principale victime des modifications de l’environnement

Les cohortes de naissance offrent de nombreux avantages pour l’étude des liens entre pollution et allergie. Comme l’explique le Dr Isabella Annesi Maesano, elles permettent l’analyse longitudinale de différents paramètres, la mesure de biomarqueurs a posteriori, l’évaluation de l’efficacité de la prévention ou encore l’identification de l’origine précoce de maladies chroniques apparaissant à l’âge adulte. Elles sont donc une aide précieuse pour évaluer l’impact de la pollution et des modifications de l’environnement sur les enfants qui affectent particulièrement leur santé. 

Leur organisme en développement est plus vulnérable, alors que leur niveau d’exposition est plus élevé.

L’OMS estime que près de 90 % de la charge de morbidité attribuable au changement climatique est supportée par les enfants de moins de 5 ans.

L’effet de la pollution peut commencer avant la naissance

Les nourrissons et les jeunes enfants sont plus vulnérables que les adultes à la pollution atmosphérique : ils passent plus de temps à l’extérieur, vivent plus près du sol où certains polluants atteignent de fortes concentrations. Ils sont aussi plus vulnérables aux effets de la pollution : ils respirent plus rapidement que les adultes, absorbent davantage de polluants, alors que leur système immunitaire et leurs organes sont en formation.

De nombreux travaux ont montré les conséquences négatives de l’exposition précoce à la pollution atmosphérique : elle peut modifier la réponse immunitaire, altérer l’expression des gènes, entraver la croissance des poumons, inhiber le développement du cerveau et augmenter le risque de pathologies comme l’asthme. Les études ont montré aussi que l’exposition de l’enfant à la pollution atmosphérique peut commencer dès la période prénatale : les polluants de l’air peuvent traverser le placenta, avec des conséquences sur l’immunité de l’enfant (cohorte française EDEN). De nombreuses recherches portent actuellement sur la période prénatale et pré conceptionnelle, sur la grossesse et l’influence de l’épigénétique.

L’intérêt de ces études est souligné par le Dr Karine Adel-Patient. Un changement rapide de notre environnement s’est en effet accompagné d’une augmentation des maladies non transmissibles (cardio-vasculaires, métaboliques, cancers, maladies pulmonaires, etc.) qui ont en commun d’être toutes des inflammations chroniques évoluant à bas bruit, avec une réponse immunitaire altérée.

Les facteurs environnementaux perturbent l’homéostasie

La vie fœtale et néonatale sont des périodes cruciales pour la maturation du trio nécessaire à la mise en place de l’homéostasie, trio constitué par le système immunitaire, les barrières (cutanée, respiratoire, intestinale) et les microbiotes. Ce sont aussi des périodes particulièrement sensibles aux facteurs environnementaux. La compréhension de ces phénomènes a donné naissance au concept de la DOHAD (origine développementale de la santé et des maladies), et à celui de la fenêtre des 1000 premiers jours, qui soulignent l’importance de l’environnement au sens large sur la santé future de l’enfant et de l’adulte.

Les facteurs environnementaux peuvent intervenir à différentes étapes de la vie fœtale et néonatale :

  • In utero : alimentation de la mère, médicaments, environnement microbien, stress divers et facteurs socio-économiques.
  • En période périnatale : mode de naissance, mode d’alimentation, environnement microbien et médicaments.
  • En période postnatale : type d’alimentation solide, médicaments, environnement microbien, stress et facteurs socio-économiques.

Le rôle du microbiote intestinal notamment semble primordial et n’a pas fini d’être exploré.

Des pollens stressés par la pollution et le changement climatique

L’allergie aux pollens est un exemple concret de l’influence de la pollution atmosphérique et du changement climatique sur la santé. Ces derniers modifient la répartition géographique des plantes polliniques. Le Dr Mélisande Bourgoin-Heck cite l’exemple de l’ambroisie, dont le pollen aéroporté est en augmentation et dont l’abondance pourrait être multipliée par 4 d’ici 2050.

Il a été montré que certaines plantes réagissent à la pollution et au changement climatique en augmentant leur production de pollen, mais le changement climatique et la pollution agissent aussi directement sur le grain de pollen en produisant des dégradations physiques, des changements dans sa composition chimique élémentaire, avec des modifications des fractions polliniques, lipidique et protéique. Cela conduit à une rupture du grain de pollen, libérant les allergènes. Les saisons polliniques, plus précoces, sont désormais plus longues et la quantité de pollen libérée est plus importante. Enfin, le grain de pollen, soumis au changement climatique ou à la pollution, synthétise des protéines de stress qui augmentent l’allergénicité des plantes.

Plusieurs études ont ainsi montré que la pollution augmentait la prévalence des maladies allergiques et que le changement climatique modifie les profils de sensibilisation, avec une augmentation de la sensibilisation au pollen d’arbres et des allergies alimentaires.

Notons enfin qu’une exposition accrue aux pollens peut influencer la sensibilité aux infections virales, y compris au SARS-CoV-2, par une augmentation de la perméabilité des cellules épithéliales, des modifications de l’expression des récepteurs viraux liés aux cellules épithéliales et une altération de l’immunité antivirale.

Dr Roseline Péluchon

Références
L’enfant cible des modifications de l’environnement
17ème Congrès francophone d’Allergologie – Paris – 19-22 avril 2022

Isabella Annesi-Maesano : Pollution et allergie : données des cohortes néonatales
Karine Adel-Patient : Altérations précoces induites par l'environnement et impact sur le développement de l'allergie
Mélisande Bourgoin-Heck : Pollens et environnement : des avancées en pédiatrie

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